Histoire de Vendée

Histoire de la Vendée
du Bas Poitou en France

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CHAPITRE XXV

Officiers et marins bas-poitevins qui se sont distingués sous Louis XIV et Louis XV

Gilles de la Roche-Saint-André, chef d'escadre des armées navales (1621-1668)

Jousseaume (Esprit), marquis de le Brestsche, vicomte de Tiffauges, seigneur du Couboureau, etc

Claude des Herbiers, chevalier de Malte

Herbiers, Henri-Auguste, seigneur de l'estenduère-Ardelay

Joussebert, René-Julien, Baron du Landreau, seigneur de Rochetemer

Bernon Pierre, ec., seigneur des Marets

Frédéric Guillaume, prince de Talmont

Charles-Louis-Bretagne de la Trémoille, duc de la Trémoille et de Thouars

Charles-Armand-René de la Trémoille, duc de la Trémoille et de Thouars

Jean-Bretagne-Charles-Godefroy de la Trémoille, duc de Thouars, comte de Laval et de Beaufort

François de Granges, marquis de la Flocellière et de Puy-Guyon

Légende de Jeanne de Surgères

Les De Marbœuf

Officiers marins bas-poitevins

Herbiers (Henri-François des)

Herbiers (Charles des)

Rôle de la noblesse. - Causes de la diminution du nombre de ses membres


OFFICIERS ET MARINS BAS-POITEVINS QUI SE SONT DISTINGUÉS SOUS LOUIS XIV ET LOUIS XV

 

Pendant les longues et sanglantes guerres qui remplirent en partie les règnes de Louis XIV et de Louis XV, la noblesse bas-poitevine, secondée par de courageux bourgeois et d'énergiques paysans, paya toujours bravement de sa personne, et souvent de sa fortune.

Sur presque tous les champs de bataille et sur les mers lointaines, le sang généreux des vendéens coula à flots, pour la défense du sol natal. Pourquoi hélas, plus tard, quelques-uns des fils et des petits-fils de ceux dont nous allons sommairement raconter les exploits, firent-ils trop souvent cause commune avec l'étranger, pour envahir la France ?

 

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GILLES DE LA ROCHE-SAINT-ANDRÉ, CHEF D'ESCADRE DES ARMÉES NAVALES (1621-1668)

 

Gilles-de-la-Roche-Saint-André, de la branche cadette dite des Ganuchères de Treize-Septiers, naquit en 1621. Il se maria vers 1653, avec Gabrielle Brigitte d'Escoubleau de Sourdis, dont la sœur aînée s'était unie avec un des Herbiers-l'Etanduère. Les deux sœurs étaient nièces du fameux cardinal du Sourdis, qui avait eu le portefeuille de la marine sous Rielielieu, et auquel nous avons consacré une notice biographique dans le chapitre 22 de cet ouvrage. Cette circonstance décida sans doute de la destinée particulière de Gilles, qui après de glorieux états de services, devint chef d'escadre des armées navales, à une époque où il n'y avait que deux lieutenants généraux et deux chefs d'escadre dans toute la marine de France. Ce fut lui qui, monté à bord de la Lune, commanda la flottille qui devait le conduire à Madagascar, où il devait le premier planter la croix. Très apprécié de la reine-mère et de Mazarin, il fut considéré dans sa patrie et à l'étranger comme l'un des plus braves et des plus expérimentés marins de son temps. Chevalier des ordres du roi de France, il fut fait aussi chevalier de l'ordre du Christ du Portugal, pour avoir préservé Lisbonne d'un bombardement dont elle était menacée par les Anglais. Il mourut sur les côtes de Galice au mois d'août 1668, commandant le vaisseau le Jules, et fut inhumé dans l'église des Cordeliers. Son cœur embaumé fut rapporté à Montaigu, lieu de sa naissance, et enterré dans l'église Saint-Jean avec sa veuve, au mois d'août 1715 (1).

 

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NOTES:

(1) Pour plus de détails, voir les Echos du Bocage, année 1885, n. II.

 

JOUSSEAUME (ESPRIT), MARQUIS DE LA BRETESCHE, VICOMTE DE TIFFAUGES, SEIGNEUR DU COUBOUREAU, ETC

 

Jousseaume (Esprit), marquis de la Bretesche, vicomte de Tiffauges, seigneur du Couboureau, etc., né en 1.638, entra de bonne heure au service, obtint en 1674 la permission de lever un régiment de dragons de son nom, et se distingua au siège de Maëstricht, s'étant jeté avec un détachement de 150 de ses dragons entre la place et un détachement de 200 chevaux ennemis qu'il mit en fuite. En 1678, étant renfermé dans Maëstricht, assiégé par le prince d'Orange, il eut pendant un assaut une jambe fracassée par un boulet de canon, et aurait été pris, si son frère Hubert, alors capitaine dans son régiment, ne l'eut enlevé du champ de bataille. Il fallut lui couper la jambe, ce qui ne l'empêcha pas de surprendre, quelque temps après (4 mai 1678), avec son.régiment, la ville de Loos en Brabant, dont le roi lui donna le commandement, qu'il conserva jusqu'à la paix. Le marquis de Feuquières, dans ses mémoires, rend un compte détaillé de cette action, l'une des plus brillantes de cette guerre. Louis XIV fit frapper à cette occasion une médaille d'or et la donna au marquis de la Bretesche qui acheta, par décret du Parlement de Paris du 1er octobre 1703, la terre de Tiffauges.

Il avait épousé, le 20 février 1690, Delle Marie d'Abaucourt de Courcelles, et mourut sans postérité aux Sables-d'Olonne, où il commandait ainsi que sur les côtes de Poitou et d'Aunis (1).

 

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NOTES:

(1) Beauchet-Filleau, page 268.

 

CLAUDE DES HERBIERS, CHEVALIER DE MALTE

 

Un Claude des Herbiers, reçu chevalier de Malte le 12 novembre 1637, fut tué en 1662, à bord des galères de Malte, sur les côtes de Barbarie. Il était doyen des chevaliers du grand prieur d'Aquitaine.

 

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HERBIERS, HENRI-AUGUSTE, SEIGNEUR DE L'ESTENDUERE-ARDELAY

 

Herbiers, Henri-Auguste, seigneur de l'Estenduère-Ardelay, fut nommé lieutenant de vaisseau le 24 décembre 1667, et était capitaine de vaisseau le 10 octobre 1681. Son troisième fils, Antoine Benjamin, officier d'artillerie, eut la tête emportée d'un boulet de canon au siège de Gibraltar, B. F. (225).

 

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JOUSSEBERT, RENÉ-JULIEN, BARON DU LANDREAU, SEIGNEUR DE ROCHETEMER

 

Joussebert, René-Julien, chevalier baron du Landreau, seigneur de Rochetemer, les Brises, les Enfrins, la Barette, le

Plessis-Tesselin, les Herbiers en partie, chevalier de Saint-Louis, capitaine au régiment du Roi, - Infanterie. Fut grièvement blessé à la bataille de Parme le 29 juin 1733, et fut major général de la noblesse poitevine au ban de 1748. Il mourut le 26 août 1782, âgé de 72 ans. Son fils aîné, René-Louis-Marie, né le 30 septembre 1752, assista en 1789 à la réunion de la noblesse, pour nommer des députés aux états généraux, émigra et mourut à Dortemunde le 25 janvier 1796.

 

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BERNON PIERRE, EC., SEIGNEUR DES MARETS

 

Bernon Pierre, Ec., seigneur des Marets, naquit au château de le Mouraudière, le 14 janvier 1683. A l'âge de 15 ans, il entra au service : cinq ans après, il était capitaine au régiment de Maillé. - Infanterie. Blessé à la bataille de Malplaquet, où il vit son frère tomber à côté de lui, il y perdit presque toute sa compagnie, qu'il fut obligé de renouveler trois fois dans le cours de cette guerre désastreuse. Il fit toutes les campagnes de Flandres, de Hollande et fut reçu chevalier de Saint-Louis. Marié à Louise Simonneau, fille de Charles, Ec., seigneur de Puythumer, il mourut au château de Puythumer, le 20 août 1736 (1).

 

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NOTES:

(1) Extraits de Beauchet-Filleau, T. I, page 317

 

FREDERIIC GUILLAUME, PRINCE DE TALMONT

 

Frédéric Guillaume, prince de Talmont, abbé de Charroux et chanoine de Strasbourg, quitta l'habit ecclésiastique, n'ayant jamais été dans les ordres, et devint lieutenant général des armées du roi, gouverneur de Saarlouis. Il se maria le 2 décembre 1719

 

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CHARLES-LOUIS-BRETAGNE DE LE TREMOILLE, DUC DE LA TREMOILLE ET DE THOUARS

 

Charles-Louis-Bretagne de la Trémoille, duc de la Trémoille et de Thouars, pair de France, etc..., fit quelques campagnes où il se distingua, et fut nommé brigadier des armées du roi en 1715 (1).

 

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NOTES:

(1) Extrait de Beauchet-Filleau, T. II, page 756.

 

CHARLES-ARMAND-RENÉ DE LA TRÉMOILLE, DUC DE LA TRÉMOILLE ET DE THOUARS

 

Charles-Armand-René de la Trémoille, duc de la Trémoille et de Thouars, pair de France, prince de Tarente, né le 14 janvier 1708, entra jeune au service militaire. Il était à 18 ans colonel du régiment de Champagne, se distingua à la bataille de Guastalla et fut, nommé peu de temps après brigadier des armées du roi. Il est l'auteur de quelques ouvrages qui lui méritèrent une place à l'Académie française (1).

 

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NOTES:

(1) Ibid., T. II, page 756.

 

JEAN-BRETAGNE-CHARLES-GODEFROY DE LA TRÉMOILLE, DUC DE THOUARS, COMTE DE LAVAL ET DE BEAUFORT

 

.Jean-Bretagne-Charles-Godefroy de la Trémoille, duc de Thouars, comte de Laval et de Beaufort, né le 5 février 1737, entra de bonne heure au service, fit la guerre de sept ans et se distingua surtout au combat de Crevelt (1756), où l'épée à la main, il chargea l'ennemi à la tête de son régiment d'Aquitaine, - Cavalerie. Il fut blessé grièvement et promu bientôt après aux grades de brigadier et de maréchal de camp des armées du roi. En 1789 il quitta la France, et mourut à Chambéry en 1792 (1).

 

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NOTES:

(1) Ibid., T. II, page 756.

 

FRANÇOIS DE GRANGES, MARQUIS DE LA FLOCELLIÉRE
ET DE PUY-GUYON

 

François de Granges, marquis de la Flocellière et de Puy-Guyon, entra de bonne heure au service militaire et servit avec la plus grande distinction de ses conseils et de son épée, dans les longues guerres d'Allemagne de la fin du XVIIe siècle. Lors de la sanglante affaire de Nervinde (29 juillet 1693), au cours de laquelle les alliès, ligués contre la France, perdirent dix-sept-mille hommes, le marquis de Puy-Guyon et de la Flocellière, à la tête du régiment de cavalerie qui portait son nom et de celui du comté de Montrevel tué au commencement de l'action, poussa si loin l'électeur de Bavière, qu'entouré de toutes parts, il fallut pour rejoindre le corps de bataille, se faire jour à travers les troupes ennemies. Il ne resta que vingt-cinq hommes dans deux de ses escadrons et un seul dans sa compagnie ; mais il avait puissamment contribué au gain de la bataille, en jetant le trouble parmi les Impériaux.

François de la Flocellière se couvrit encore de gloire à la bataille de Spire en 1703 : grièvement blessé, il eut la douleur de voir tomber, morts auprès de lui, son fils, capitaine de cavalerie, et son neveu de Saint-Laurent. Nommé lieutenant général en 1708, il servit encore avec distinction au siège de Lille, assiègea Bruxelles et Lens, prit part à la funeste bataille de Malpaquet (1), et mourut à Paris le 29 février 1723. Son corps fut inhumé à Saint-Sulpice et son cœur rapporté au Carmes de la Flocellière. Sa femme, Louise la Cassaigne, morte au mois d'août 1730, fut enterrée en l'église de la Flocellière. Ils laissèrent deux filles, Jeanne-Françoise et Henriette-Elisabeth, mariée au marquis Alphonse de Lescure, un albigeois, neveu de l'évêque de Luçon.

Le mariage de Jeanne-Françoise avec son cousin Gilles-Charles a laissé dans la famille Surgères, dont des descendants existent encore à Nantes, un gracieux souvenir, passé désormais à l'état de légende. J'en donne le récit tel qu'il a été receuilli par le regretté Léon Audé, persuadé comme lui qu'il conviendra à ceux qui se plaisent à évoquer dans les ruines, le souvenir des temps passés, et aiment à demander à leurs hôtes invisibles, la confidence des pensées qui les animèrent.

 

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NOTES:

(1) Un Robert de Lézardières, dont le père, Gilbert, avait commandé pour le roi au château de La Chaume et ville des Sables, fut tué à cette bataille de Malpaquet, la plus grande et la plus sanglante de toutes les guerres de Louis XIV, qui coûta aux Français 14.000 morts ou blessés, et aux alliés plus de 12.000, dont 11.000 Hollandais.

 

 

LÉGENDE DE JEANNE DE SURGÈRES

 

« Depuis le jour où tomba, sur le champ de bataille de Spire, auprès de lui, le fils unique qui devait perpétuer le nom de Surgères, François de Granges ne pouvait se remettre de ce coup fatal. Le nom auquel il avait rattaché sa race, au prix de moyens plus habiles que sérieux, mourait avec lui ; le marquisat décorerait un autre nom ; on ne verrait plus, sur l'entrée des fières tourelles du château, flotter les armoiries frettées de vair de l'antique et chevaleresque famille des Maingot, qu'il y avait replacées si récemment. En vain était-il entouré de ses deux jeunes filles, Jeanne-Françoise et Henriette-Élisabeth, l'ennui et la tristesse s'allongeaient sur le seuil du manoir.

« Un espoir cependant vint à luire dans cette âme où la fierté féodale le disputait à la tendresse paternelle. Il s'en ouvrit à la marquise. Jeanne-Françoise était désormais en âge de mariage ; elle avait été présentée à la cour, et sans être d'une beauté accomplie, à l'élégance de la taille, elle joignait des traits délicats et gracieux, qui attiraient par leur charme doux et pénétrant. S'il était possible de l'amener à se prêter aux projets de son père, elle pouvait servir de trait d'union pour conserver le nom des Surgères. En effet, François de Granges avait songé que tout serait réparé en lui faisant épouser son cousin Gilles-Charles de Granges de Surgères, auquel il ferait passer, par substitution, et ses titres et une partie de ses biens. Certes, en toute autre circonstance, il eût été loin d'arrêter sa pensée sur un pareil époux. Gilles-Charles avait peu de fortune, et il dépassait de quatre ans la quarantaine ; d'ailleurs, embarqué dès l'âge de dix ans sur les vaisseaux du roi, il avait toujours vécu parmi les gens de mer, dont il avait pris le ton et les habitudes : il entrait dans un salon comme un soldat à l'abordage ; dans sa conversation il semblait toujours qu'il commandât une manœuvre ; c'était un véritable Jean-Bart. Ajoutez à cela qu'étant sur « l'Excellent », commandé par M.du Magnou, il avait, dans un combat contre Ruyter, en 1673, perdu un œil d'un éclat d'artillerie. Pour le moment, il était parvenu au grade de capitaine de vaisseau et commandait, sous le maréchal d'Estrées, la marine du littoral poitevin et des îles voisines.

Tel était l'époux qui devait faire revivre les prétentions des Surgères. François de Granges y songait, et son dessein s'afferrnissait avec les heures. Un soir, la famille était réunie dans la grande salle qui tenait l'angle à droite des bâtiments, où l'on parvenait par l'escalier à tourelle, pièce que l'on préférait parce que la vue donnait de là et sur les jardins et sur les pentes vertes qui descendent jusqu'aux rives où la Sèvre dort entre les roseaux. Cette partie du château était d'ailleurs fraîchement réparée, et nouvellement meublée dans le goût des hôtels de la place Vendôme. On était au mois de mai ; le feu brûlait en s'éteignant dans la cheminée ornée d'une glace de Venise, et les croisées ouvertes laissaient entrer l'air tiède du soir. François, s'approchant d'une de ces fenêtres, y conduisit sa fille et lui fit part de ses projets et de sa volonté. Une pâleur mortelle se répandit sur le visage de Mlle de Surgères ; mais elle contint ses angoisses et demanda jusqu'au lendemain pour réfléchir.

« Melle de Surgères avait à peine vu Gilles, son cousin, mais il lui avait déplu, et c'était lui qui allait devenir le maître de sa destinée ! La nuit se passa dans les sanglots ; le lendemain, elle alla trouver son père et lui dit : « Il m'en coûte de vous désobliger, mais je dois vous déclarer que mon intention est d'être « religieuse ». - « Je vous aime trop pour vous contrarier, et je suis trop chrétien pour m'opposer à votre projet, repartit celui-ci ; mais il est de votre intérêt, comme du mien, d'éprouver votre vocation. Vous resterez quinze jours sans a sortir des appartements, et nous verrons après si la réclusion « vous convient. »

« François de Granges, comprimant ses élans d'affection pour sa fille, se disait que ce qui convient le plus à une femme est un homme bon et honnête, que l'amitié, sinon l'amour, vient ensuite, et il ne croyait pas à la durée de la boutade qui lui avait valu un refus ; l'autorité paternelle avait d'ailleurs trop de puissance alors pour qu'il eût un instant de doute. Il appela aussitôt Gilles-Charles au château. Celui-ci n'eut pas de peine à deviner ce qui se passait dans l'âme de Mlle de Surgères. Sous une dure enveloppe, Gilles cachait de précieuses qualités ; c'était un homme d'honneur « dont le cœur fut tout à Dieu et le bras tout à son roi », comme on l'a écrit sur le marbre de sa tombe, dans l'église de la Flocellière (1). Les grâces de Mlle de Surgères avaient fait une vive impression en lui, et cette union lui offrait un moyen inattendu d'élever sa fortune ; mais ses sentiments étaient trop délicats pour qu'il songeât un instant à en profiter, s'il n'y était autorisé par sa cousine. «Mademoiselle, lui dit-il, quelques jours après son arrivée, j'aurais donné ma vie pour vous ; mais, si je ne suis pas fait pour plaire, je suis moins fait encore pour rendre malheureuse une personne telle que vous. Je renonce aux avantages qui me sont proposés ; je pars demain ; je donnerai à votre père des prétextes sous lesquels il ne pourra découvrir le triste mystère de ma détermination. » Les nobles qualités de Gilles-Charles n'avaient point échappé à l'observation de Mlle de Surgères. La prévention avait fait place, dans sa pensée, à l'estime et au penchant naturel du sexe le plus faible pour les hommes de guerre. Ce dernier trait la subjugua. « Monsieur, je ne vous croyais pas un cœur si bon et si généreux, votre démarche a changé ma détermination ; je vous offre ma main, fut sa réponse. »

 

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NOTES:

(1) Elle n'y existe plus.

 

LES DE MARBŒUF

 

La Flocellière semble avoir été, aux diverses époques de l'histoire de France, une région privilégiée qui, aux jours d'épreuve surtout, a fourni avec usure au pays de grands et loyaux serviteurs. Après les de Surgères, voici les de Marbœuf, dont les armoiries d'azur à deux épées en sautoir, la pointe en bas, se voient encore gravées à la Saminière et à Nouzillac, deux gentilhommières abandonnées au milieu de sites charmants.

Après la paix de 1763, le cabinet de Versailles, songeant à s'emparer de la Corse, envoya dlans cette île une armée commandée par le marquis de Marbœuf. M. de Marbœuf convenait à merveille pour cette mission. Jeune et âgé de 28 ans à peine, bien qu'il fut maréchal de camp depuis trois ans, à un grand courage, il unissait des qualités élevées et conciliantes, qui lui gagnèrent l'estime même de ses adversaires. Paoli fut vaincu malgré son courage et son incomparable activité. Personne n'avait plus que Marbœuf contribué à la soumission de l'île ; aussi l'honneur de compléter l'œuvre de pacification lui fut-il laissé. Mais bientôt, au-dessus du commandant militaire, on envoya un gouverneur général. Les affaires n'en allèrent pas mieux, ainsi que le témoigne le Mémorial de Sainte-Hélène (août 1815).

« A. cette époque, deux généraux français se trouvaient en Corse, fort divisés entre eux ; leurs querelles y formaient deux partis. C'étaient M. de Marbœuf, doux et populaire, et M. de Narbonne-Pellet, haut et violent. Ce dernier, d'une naissance et d'un crédit supérieurs, devait être naturellement dangereux pour son rival ; heureusement pour M. de Marbœuf, beaucoup plus aimé en Corse, la députation de la province arriva à Versailles, Charles Bonaparte la conduisait ; il fut consulté, et la chaleur de ses témoignages fit donner raison à M. de Marbœuf. Le neveu de ce dernier, archevêque de Lyon et ministre de la feuille de bénéfices, crut devoir en venir faire des remerciements à Charles Bonaparte ; et quand celui-ci conduisit son fils à l'école militaire de Brienne, l'archevêque lui donna une recommandation spéciale par la famille de Brienne, qui y demeurait la plus grande partie de l'année ; de là, l'intérêt et les rapports de bienveillance des Marbœuf et des Brienne envers les enfants Bonaparte. La malignité s'est égayée à créer une autre cause ; la simple vérification des dates suffit pour la rendre absurde. »

L'archevêque de Lyon, dont il est parlé dans le Mémorial, n'était point le neveu, mais le frère aîné du marquis de Marbœuf avant de passer à l'archevêché de Lyon, il avait été évêque d'Autun, où le prince de Talleyrand, si renommé depuis, le remplaça. C'est lui qui fit placer Joseph au collège d'Autun et Élisa dans un couvent de jeunes filles.

L'Empereur n'oublia jamais les bienfaits de la famille de Marbœuf. Pendant sa campagne d'Austerlitz, une dame s'étant présentée devant lui pour lui porter ses plaintes, au sujet de dévastations qui auraient été commises par la troupe sur sa propriété, l'Empereur, quand elle lui eût décliné son nom, lui répondit : « Madame, toutes les personnes qui portent le nom de Marbœuf ont droit à des égards de ma part, et il lui donna les plus grandes marques d'intérêt (1).

 

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NOTES:

(1) Léon Audé. - Biographie universelle, supplément. - Appelé auprès de l'Empereur, comme officier d'ordonnance, le fils de M. de Marbœuf obtint, vers 1811, le commandement d'un régiment de dragons. Blessé cruellement dans la campagne de Russie, il revint mourir à Varsovie. Il y a aux Champs-Elysées, à Paris, une rue qui porte le nom de Marbœuf.

 

OFFICIERS MARINS BAS-POITEVINS

 

Le Bas-Poitou a fourni à la marine militaire des deux derniers siècles, un très grand nombre d'officiers. En 1672, et à l'âge de 10 ans, Gilles-Charles (1) avait commencé à servir comme volontaire. Pendant la lutte glorieuse, mais sanglante, que la France soutint contre les Hollandais, les Anglais et les Espagnols, il se fit citer par son courage partout où il se trouva. Une action d'éclat, au bombardement d'Alger, par Duquesne, le fit passer lieutenant ; il fut blessé au combat de la Hogue, et promu au grade de capitaine de vaisseau en 1694. A la paix de Ryswich, en 1697, il reçut l'ordre d'aller aux Sables-d'Olonne, prendre le commandement de la marine sur les côtes de Poitou et aux îles adjacentes, sous le maréchal d'Estrées et ensuite sous le maréchal de Chamilly. C'est pendant ce commandement que s'était accompli son mariage (2). Sa femme, Jeanne-Françoise, mourut après lui, le 29  ... 1763, dans un âge avancé, comme le prouve l'inscription de sa pierre tombale, placée dans le dallage de l'église de la Flocellière.

 

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NOTES:

(1) Gilles-Charles de Surgères, dont nous parlons au paragraphe précedent.

(2) Général de Surge.

 

HERBIERS (HENRI-FRANÇOIS DES)

 

Des Herbiers, Henri-François, né à Angers en 1681. Il s'embarqua dès l'âge de 10 ans, en qualité clé mousse, sur le Téméraire, monté par Armand-Charles, son oncle, qui lui fit faire, sous ses yeux, son noviciat, et se fit un plaisir de cultiver les heureuses dispositions qu'il montrait. En 1694, il s'embarqua sur le Bizarre en qualité de simple soldat, commandé par M. de la Haye-Montbault, son oncle, sous lequel il avait servi l'année précédente comme volontaire, afin de savoir obéir pour apprendre à commander, et d'acquérir toutes les connaissances nécessaires pour être un excellent officier supérieur. Aussi sut-il conquérir promptement une grande réputation clans le corps de la marine, et dès le 12 mai 1697, âgé seulement de 16 ans, il fut nommé garde de la marine, et avec son oncle Armand, il alla inspecter les batteries des côtes de la Rochelle, et s'embarqua, en 1698, sur l'Emporté, puis sur le Faucon. Il montra une telle aptitude et développa tant de connaissances, qu'en 1701 il fut fait, par une distinction particulière, aide d'artillerie. Deux ans après, on l'envoya servir, dans son grade, au département du Port-Louis, où il fut employé à l'armement et désarmement des batteries de la côte, et là encore il mérita, par le zèle et la capacité qu'il déploya, les éloges de ses chefs. Nommé enseigne en 1701, il monta, en cette qualité, la frégate la Prohibition, en 1704 et 1705, et cette même année, il servit sur le Gaillard, commandé par d'Osmont, le capitaine le plus redouté par sa grande sévérité dans le service; mais M. de l'Estenduère sut se concilier son estime et son amitié à un point tel, que cet officier ne cessait de faire son éloge, et que, lors du naufrage du Saint-Michel, il le désigna comme le plus capable au duc de Toulouse, grand amiral de France, pour aller secourir ce navire. Puis il fut blessé au combat de Malaga, d'un éclat de bombe qui lui fracassa la tête et une partie de la mâchoire, mais, dès qu'il fut hors de danger, il fut désigné pour monter sur l'Étrille, dont il obtint bientôt le commandement, qu'il garda peu de temps, les ennemis l'ayant contraint de brûler cette frégate. Dans cette triste occasion, il trouva encore moyen de faire preuve de courage et de sang-froid. Il fut ensuite longtemps malade et à deux doigts de la mort, des suites de sa blessure ; mais ayant échappé à ce danger, il passa sur l'Arragon, monté par Armand des Herbiers, son oncle, où il fut pris, ce navire étant tombé au milieu des escadres combinées d'Angleterre et de Hollande. Débarqué à Lisbonne, il profita de l'espèce de liberté dont il jouissait pour prendre connaissance des armées navales ennemies, et en rendit un compte exact à l'amiral de France, qui le nomma, le 1er novembre 1705, lieutenant de vaisseau, et en 1706, le fit embarquer, avec l'emploi de son grade, sur l'Achille. Lupé, qui le commandait, étant mort durant la campagne, M. des Herbiers fut choisi préférablement à plusieurs, même plus anciens que lui, pour le remplacer dans son commandement., et après avoir évité des dangers de toutes sortes, provenant des ennemis, de la peste et de la mer, il ramena heureusement son vaisseau en France. Il servit ensuite, en 1707, sur le Magnanime, commandé par Ducasse, chef d'escadre, qui l'avait demandé à l'exclusion de tous autres, et qui ne consentit qu'avec peine à le céder en qualité de premier lieutenant à Chavagnac : le capitaine en second de cet officier supérieur ayant été obligé de débarquer, M. des Herbiers en remplit les fonctions jusqu'au désarmement.

En 1709, il monta l'Achille, faisant partie de l'escadre de Du Guay-Trouin qui, ayant besoin d'un officier de confiance, l'avait demandé au ministre. Nous passerons les diverses autres campagnes qu'il fit, pendant lesquelles, et notamment en 1721, 1722 et 1725, il alla relever avec les flûtes le Portefaix et le Dromadaire, qu'il commandait, les cartes et plans des côtes du Canada, mission dont il s'acquitta avec tant de soin et d'exactitude, que le comte de Toulouse lui en témoigna sa satisfaction par des lettres particulièrement flatteuses, et dans lesquelles il lui promettait sa protection spéciale. Le 18 mars 1727, il fut nommé capitaine de vaisseau ; mais, attaqué d'une maladie cruelle (la pierre), il ne put reprendre du service qu'en 1730. Il n'était pas encore complètement guéri, et il retourna néanmoins de nouveau, montant le Héros, sur les côtes du Canada, destination qu'il eut encore en 1733, et il fut nommé en 1736 commissaire général d'artillerie au département de Rochefort.

En 1740, montant le Mercure, il se trouva environné, vers le cap Tiberon (Saint-Dominique), par six vaisseaux anglais, lesquels, quoique la guerre ne fût pas déclarée, feignirent de le prendre pour Espagnol et l'attaquèrent, mais des Herbiers les combattit avec tant d'avantages, qu'ils vinrent lui faire des excuses sur leur prétendue méprise. La réponse du brave marin fut toute française. Il proposa à ses adversaires de recommencer la lutte, ce qu'ils ne jugèrent pas à propos d'accepter.

En 1742, le roi ayant jugé à propos de former un corps de canonniers de la marine à Dunkerque, M. des Herbiers fut choisi pour le commander, et ce corps ayant été demandé en 1744 par M. de Noailles, pour le siège de Furnes qu'il faisait alors, M. des Herbiers s'y distingua. Malgré toutes les difficultés que la jalousie des officiers de terre put lui opposer pour rendre ses efforts inutiles, il contribua si puissamment à la prise de cette place, qu'il fut nommé chef d'escadre, et le 1er juin 1747, il dut aller prendre le commandement de cinq vaisseaux pour envoyer une flotte marchande jusqu'à Saint-Dominique, ce qu'il exécuta heureusement, après avoir pris en route quatre frégates anglaises. A la suite d'une grave maladie dont il faillit périr, il revint en France, et fut commandé, en 1746, pour inspecter les côtes de Saintonge, Aunis et Poitou, afin de les mettre en état de résister aux attaques de l'Angleterre.

En 1747, plus de deux-cents-cinquante bâtiments étaient en rade de l'île d'Aix, attendant une escadre pour les conduire aux colonies et les protéger contre les Anglais, dont les navires couvraient la mer. Dans des circonstances aussi difficiles, on choisit M. de l'Estenduère pour remplir cette mission, et l'on équipa une escadre de huit vaisseaux et une frégate. Ce fut à cette occasion qu'il soutint le combat, qui fut de tous ses faits d'armes le plus éclatant (1). Avec les huit vaisseaux (la frégate avait dû suivre la flotte), il combattit contre dix-neuf navires, et le Tonnant qu'il montait, eut à se défendre, à deux reprises différentes, contre quatorze vaisseaux, et eut affaire jusqu'à cinq à la fois ; enfin, après avoir vu tomber successivement les pavillons de six de ses vaisseaux, aidé par l'Intrépide, commandé par M. de Vaudreuil, il put se retirer à l'écart, et son attitude fière, malgré son désastre et le mauvais état de son navire, en imposa tellement aux ennemis, qu'ils n'osèrent en venir aux mains de nouveau, et qu'il put regagner Brest.

La même année, il fut nommé commandant en chef de la marine à Rochefort, où il mourut en 1750, après cinquante-huit années de services actifs, sans laisser d'enfants mâles. Il avait épousé en 1723 Dette N. Gaillard, fille de N., commissaire de la marine au département de Rochefort, veuve de M. de Polignac d'Escoyeux, capitaine de vaisseau, dont : 1° François, que son père fit embarquer avec lui en 1740 (était à cette époque âgé de 15 ans), et qui, élevé par son père, promettait d'être son fidèle émule, lorsque la mort vint le frapper à Rochefort, au mois d'avril 1749 ; 2e Marie-Olive, qui épousa en 1740 Charles des Herbiers, chevalier, seigneur de la Raslière, son cousin germain (2).

 

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NOTES:

(1) Des renseignements plus probants nous permettent d'établir, que contrairement à certaines dates données par Beauchet-Filleau, le fait d'arme dont il est parlé au cours de ce récit, s'accomplit le 25 octobre 1745.

(2) Dict. de Beauchet-Filleau, T. II, pages 225, 226, 227.

 

HERBIERS (CHARLES DES)

 

Herbiers (Charles des), chevalier, seigneur de la Raslière. Henri-François, son oncle, reconnut dignement, par les soins qu'il prit pour l'instruire dans l'art maritime, ceux que son père avait eus pour lui-même. Il le fit embarquer sur son bord, puis le maria en 1740 avec Marie-Olive des herbiers, sa fille, qui, par la mort de François, devint sa seule héritière. Charles était, le 19 juin 1750, chevalier de Saint-Louis, capitaine de vaisseau et commandant à l'île Royale. Il avait été nommé lieutenant de vaisseau le 1er avril 1738, et commandait en cette qualité en 1740, une compagnie franche de la marine au département de Rochefort.

 

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ROLE DE LA NOBLESSE - CAUSE DE LA DIMINUTION DU NOMBRE DE SES MEMBRES

 

L'étude attentive des familles qui ont occupé les manoirs de la Vendée, donne lieu de signaler avec M. Léon Audé, une observation qui n'avait pas été faite peut-être avant lui. On avait bien été frappé de l'étrange diminution survenue au dernier siècle, dans le corps de la noblesse française en général, et de la noblesse vendéenne en particulier, mais on n'en avait pas recherché les causes. La plupart des châteaux, si peuplés deux siècles auparavant, où pas une petite seigneurie n'était vide de son maître, n'étaient plus habités en 1789 que par des fermiers, inévitable conséquence de la réunion dans les mêmes familles d'un grand nombre de terres seigneuriales, de l'obligation pour ces familles privilégiées de fournir des officiers à l'armée, des prélats aux grands bénéfices, des conseillers aux parlements, et des fonctionnaires aux administrations supérieures. C'était l'effet, mais où était la cause ? Pourquoi ces terres s'étaient-elles consolidées à un tel degré ? Comment ces familles s'étaient-elles éclaircies, au milieu des populations grandissantes, parmi une bourgeoisie dont le flot montait toujours, se fortifiant en acquisitions du sol autant qu'en intelligence ?

C'est que dans les guerres éternelles de Louis XIV et de Louis XV, la noblesse avait fait des pertes irréparables, et que la bourgeoisie n'y avait pris aucune part. Le privilège des grades se comprenait (jusqu'à un certain point), par l'obligation d'être toujours prêt à entrer en campagne ; aussi des victoires telles que Nerwinde de Fontenoy, des défaites telles que Malplaquet, avaient coûté à la noblesse autant que Crécy et Poitiers.

Dans quelques familles, dit M. Audé, à qui nous empruntons en partie ces considérations fort justes, nous avons compté jusqu''à quatre fils sur cinq, et même six sur sept de morts à l'armée, sur terre ou sur mer. A chaque instant, les descendances directs étaient interrompues ; en vain, les vides se comblaient-ils, d'abord par l'effet de certaines institutions, telles que la mairie ou l'échevinage des villes ; ces moyens mêmes manquèrent dans les derniers temps (1). Les anoblis de cette manière avaient toujours été assez mal vus d'en bas aussi bien que d'en haut; on leur donnait des sobriquets désagréables, tels que Nobles de cloche, ou plus mal sonnants encore. Louis XV voulant récompenser des services avait eu lui-même beaucoup de peine à conférer à des roturiers le titre de noblesse, récompense la plus élevée qui put leur être accordée alors. Nous sommes convaincu que si un régime de guerres pareilles avec des institutions semblables eut duré un demi-siècle encore, la noblesse française eut été presque entièrement détruite.

 

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NOTES:

(1) Le privilège de noblesse avait été accordé aux maires et échevins de Poitiers, par lettres patentes de 1372 ; il fut révoqué, ainsi que pour toutes les autres villes du royaume en 1667. Rétabli ensuite pour les maires, il avait été ensuite supprimé, puis rétabli avec des restrictions qui le rendaient illusoire. En dernier lieu, il fallait que le maire fut nommé vingt ans pour y avoir droit. Le maire et les échevins de Niort jouissaient du même privilège : cette distinction fut complèterrent supprimée après 1667.

 

 

 

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