Histoire de Vendée

Histoire de la Vendée
du Bas Poitou en France

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CHAPITRE III

PEUPLADES PRIMITIVES - RELIGION ET MŒURS JUSQU’AU MOMENT
DE LA CONQUETE ROMAINE

 

Premières habitations

Tableau des principaux dépôts de silex taillés et de pierres polies constatés en Vendée

Les habitations lacustres

Une bourgade d’ichtyophages à Saint-Vincent-sur-Jard (Becciacum)

L’âge de bronze (lieux de dépôts)

Progrès de l’agriculture

Premières invasions celtiques

Aspect de la Vendée à l’époque celtique

Les Druides, - Récolte du Gui, - Vieilles coutumes conservées dans plusieurs communes

Les Druidesses de Noirmoutier

Analogie entre les druides et les prêtres

 

 

PREMIÈRES HABITATIONS

Nous venons de décrire sommairement notre beau pays, de le montrer dans les aspects variés de sa surface, avec ses magnifiques mélanges de reliefs, de profondeurs et d'eaux que la nature y a répandus comme à dessein pour en faire un séjour salubre et délicieux. Nous avons indiqué ses diverses formations géologiques dont la durée échappe à toute mesure, jusqu'à l'homme, dernier terme de cette longue suite de créations.

Nous allons étudier maintenant les habitations de nos premiers aïeux, leurs mœurs, leurs lois, leurs monuments, leur culte, leur science de la guerre dans les temps antiques.

La Vendée, occupant le premier rang dans l'échelle de la formation géologique de la France, les premières agglomérations humaines ont dû se former sur son sol dès l'âge préhistorique.

C'est particulièrement dans les régions de Mallièvre, de Saint-Laurent-sur-Sèvre, de Mortagne, de Saint-Aubin-des-Ormeaux, de Tiffauges, de Chantonnay, de la Réorthe, de Saint-Vincent-Puymaufrais, de Mareuil, de Mervent, de l'Orbrie, sur les bords des rivières, que vécurent nos premiers pères à leurs débuts, dans un état, de profonde misère, comparable à celui des dernières peuplades sauva-es oubliées de la civilisation, dans quelque archipel reculé.

La demeure est une cavité naturelle, un abri sous roche, une caverne dont on défend l'entrée avec quelques blocs volumineux déplacés et replacés en guise de- porte (1). Au fond de l'antre, si le temps est mauvais, sur le seuil, si le temps est beau, fument quelques tisons. C'est dans de telles conditions que nos pères doivent soutenir des luttes terribles-contre les puissants animaux de l'époque, et braver les rigueurs d'un climat beaucoup plus froid qu'il ne l'est aujourd'hui.


ilex de l'époque chéleenne trouvés dans les alluvions (le la Vendée à Fontenay-le-Comte
(cliché B. Fillon).


  

Cependant les siècles s'accumulent, et nos rudes aïeux, lentement, progressent vers un état meilleur. Une époque arrive où la hache de pierre n'est plus un caillou dégrossi par éclats, mais un silex artistement travaillé et poli avec soin sur une dalle de grès. C'est l'âge de la pierre polie.

Des haches, des percuteurs, des molettes, des lances, des flèches, des couteaux, des racloirs, des marteaux trouvés en abondance à Mareuil-sur-le-Lay, à Saint-Gervais, à la Pommeray, à Saint-Denis-du-Payré, à Saint-Cyr-en-Talmondais, à Fontenay (2), sur les bords de la Sèvre, entre Saint-Amand et Les Chatelliers (3), et sur plus de cinquante autres points de la Vendée, indiqués au tableau ci-annexé, établissent nettement que l'homme habitait nos régions à la fin de l'époque quaternaire. Ils témoignent aussi qu'à l'ombre des grands arbres, sur les bords calmes des rivières, ou sur les bords de l'Océan, bercés par le murmure des ondes, les magdaléniens , de notre région percèrent des pierres et des aiguilles, évidèrent les cornes du bœuf, ciselèrent le bois de renne, taillèrent des os avec des burins de silex qui, bientôt, disparaîtront pour faire place aux instruments de bronze.



Hache en bronze trouvée à Fontenay-le-Comte (cliché B. Fillon)

 

 

NOTES:

(1) Une grotte préhistorique, située sur l'Yon, entre Chaillé-les-Ormeaux et le Tablier, au hameau de la Proutière, a été fouillée par M. Léon Ballereau, architecte à Luçon. - On y a rencontré quelques coins en pierre taillée. (Annuaire de la Société d'émulation, année 1872, page 128). Une autre, mesurant six mètres de long, et comme largeur un mètre à l'entrée et deux au fond, a été fouillée en 1893, parle Frère Denis, près du tumulus des Châtelliers-Châteaumur.
On y a rencontré une pointe -de flèche en bois de cerf, et au fond, sots le sol naturel de la caverne, à une profondeur de 0 m.30 à peine, un assez grand nombre d'ossements rassemblés et brisés. - Au milieu des os se trouvait un morceau de quartz enfumé, à 6 facettes, comme- ceux rencontrés à Chambretaud. (Revue, du Bers-Poitou, 6e année, page 260).

(2) Le musée de Mouillebert, de Fontenay, outre des objets en silex de différentes époques, renferme un curieux casse-tête en bois de cerf, trouvé dans les alluvions de la Vendée. >

(3) Pitre-Chevalier. - Le Frère René, de la Congrégation de Saint-Gabriel, dont la science archéologique est bien connue, a découvert en 1901, sur les bords do la Sèvre, à l'endroit où elle sépare la Vendée des Deux-Sèvres, tout proche de Saint-Amand, un -atelier de fabrication de flèches néolithiques. (Revue du Bas-Poitou, année 1901, page 96).

 

 

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TABLEAU DES PRINCIPAUX DÉPOTS DE SILEX TAILLÉS ET DE PIERRES POLIES CONSTATÉS EN VENDÉE.

Arrondissements et Communes Silex taillés Pierres polies Arrondissements et communes Silex taillés Pierres polies
Fontenay-le-Comte
Pissotte
La Châtaigneraie
Cheffois
Thouarsais-Bouildroux
L'Hermenault
Nalliers
La Jaudonnière
Saint -Etienne-de-Brillouet
Faymoreau-Puy-de-Serre
Nieuil-sur-l'Autize
Luçon
Chamois
Les Maguils-Régniers
Saint-Denis-du-Payré
Saint-Michel-en-l'Herm
Triaize
Champagné-les-Marais
L'Ile d'Elle
Gué-de-Velluire
Bouillé-Courdault
Maillé
Le Mazeau
Saint-Pierre-le-Vieux
Châtellier-Châteaumur
Pouzauges
Montournais
Saint-Mesmin

TOTAL POUR FONTENAY

La Roche-sur-Yon
Saint-Florent-des-Bois
Saint-Germain-le-Prinçay
Saint-Philbert-du-Pont-Cbarrault
Saint-Vincent-Sterlanges
Les Essarts
Dompierre
La Ferriére
Saint-Martin-des-Noyers
Sainte-Cécile
Le Poiré-sur-Vie
La Genétouze
Chauché
Saint-André-Goule-d'oie
La Copechagnière
La Rabatelière
Les Herbiers

A REPORTER
1
»
1
»
»
1
»
»
1
»
»
4
1
1
1
1
1
1
1
»
1
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1
1
1
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1
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1
1
2
1
1
2
1
2
1
1
1
1
1
1
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»
»

17


1
1
»
1
1
»
1
1
»
1
2
4
»
1
»
»
»
»
1
1
1
»
»
»
1 1
»
1

19

»
»
1
1
»
»
»
1
»
»
»
1
»
»
1
1
1

7
REPORT
Ardelay
Beaurepaire
Les Epesses
Petit Bourg des Herbiers
Vendrennes
Mareuil-snr-le-Lay
Château-Guibert
Moutiers-sur-le-Lay
Boissière-de-Montaigu
Boufféré
Saint-Georges-de-Montaigu
Saint-Hilaire-de-Loulay
Chambretaud
Evrunes
La Gaubretière

TOTAL POUR LA ROCHE

L'Ile-d'Olonne
Olonne
Sainte-Foy
Vairé
Saint-Gervais
Saint-Urbain
Noirmoutier
L'Ile-d'Yeu
Challans
La Garnache
La Chapelle-Achard
Landeronde
Saint-Georges-de-Pointindoux
Saint-Julien-des-Landes
.La Chapelle-Hermier
Les Moutiers-les.Mauxfaits
Le Givre
Saint-Cyr-en-Talmondais
Saint-Sornin
Grand'Lande
Avrillé
Le Bernard
Grosbreuil
Jard
TOTAL POUR LES SABLES

RÉCAPITULATiON
Fontenay-le-Comte
La Roche-sur-Yon
Les Sables-d'Olonse
Les Sables-d'Olonne

TOTAUX

17
»
»
»
»
1
1
1
1
»
1
1
»
»
25

»
1
»
1
»
1
»
1
1
1
1
»
1
»
»
1
»
»
1
1
1
4
1
»
3
3

1
»
22

22
22
23

69

7
1
1
2
2
1
1
1
»
1
1
1
1
1
1
1

23

1
»
1
»
1
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2
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»
»
1

1
»
1
1
2
2
1
1
1
1
»
1
»
20

19
23
20

62




LES HABITATIONS LACUSTRES

A l'habitation de la caverne succède une demeure de construction humaine. Pour se garantir des invasions soudaines de l'ennemi, et pour se mettre à' l'abri des. fauves, partout où se trouvent un lac, une certaine étendue d'eau, des îlots, des hauts fonds, on bâtit sur pilotis.

Au milieu de la Vendée, entre Bône et Brillac, - dans le quartier des Loges, à Fontenay, à l'Isleau-les.-Vases, de Nalliers, - à Mervent, au Mazeau, - à Retz, - à Damvix, - aux Moutiers-sur-le-Lay, - à Mareuil, et en beaucoup d'autres lieux, se rencontrent encore aujourd'hui des traces d'habitations lacustres (1). Sur cette base s'établit un plancher de branchages ou de terre, où chacun dresse sa tente, reliée à la terre ferme par d'étroites chaussées ou, par de simples ponts qu'on` retire le soir. Sur l'emplacement de ces palafittes se recueillent, au fond des eaux, des milliers de débris caractérisant l'industrie de cette lointaine époque ; des fragments de poterie grossière façonnée à la main, des andouillers de cerf, des défenses de sangliers, des instruments contemporains de la pierre polie, trouvés un peu partout et dont nous possédons nous-mêmes d'assez beaux échantillons. A ces preuves indéniables d'une, haute antiquité, il nous est facile d'en ajouter d'autres : une pirogue trouvée en 1868 par M. Charrier, architecte de la ville de Fontenay (2), lors de la construction du bassin de captation, remonte à l'époque: préhistorique, ainsi qu'une énorme poutre déterrée il y a quelques années, au bas du coteau de Terre-Neuve, et qui avait toutes les apparences d'une quille d'embarcation.


NOTES:

(1) Ces habitations sont caractérisées par des rangées de pieux enfoncés à environ 2 mètres dans le sol, et qui n'ont conservé surtout que leurs extrémités inférieures. - Objets : armes, ustensiles, pirogues, débris de vases grossiers cuits au soleil.

(2) Les dessins en sont conservés aux Archives de Fontenay (T. i, pages 7, 8 et 9).

 

 


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UNE BOURGADE D'ICHTYOPHAGES A SAINT-VINCENT
SUR-DARD (Becciacum).

 

A l'extrémité du territoire du Talmondais, et non loin du bourg de Saint-Vincent-sur-Jard, appelé autrefois Becciacum, sur une plage calcaire battue chaque jour des vagues de l'Océan, gît une épaisse couche de détritus qui témoigne du séjour prolongé, sur ce point, d'une tribu d'ichtyophages (1) assez nombreuse. On y trouve, mêlés au sable, des ossements de toutes sortes, mais appartenant aux races actuellement existantes ; des cendres, des morceaux de charbon, des ustensiles faits avec des os ou bien des silex taillés d'une' façon un peu moins rudimentaire que ceux laissés par les 'populations primitives, parmi lesquels B. Fillon et Jules Quicherat recueillirent, en 1860, un hameçon et un couteau long de 0 m. 11, enfin de nombreux tessons de vases. La couche qui renferme ces débris repose directement sur le banc calcaire formant sous-sol, et a environ 1 mètre d'épaisseur. Coupée à pic en falaise par la violence du choc incessant des eaux, elle est très facile à étudier sur une étendue de plusieurs centaines de mètres. Les fragments de vases de la fabrication la plus barbare occupent la zone inférieure, tandis que ceux qui se présentent ensuite sont mieux façonnés et mieux cuits. Les premiers ont été faits à la main avec une terre grossière et sableuse, prise dans les marais du voisinage, et ne portent aucune trace. d'ornements. Leur cuisson a été si incomplète qu'ils ne font pas résistance à la pression du doigt et s'en vont en poussière (2). On sent qu'ils sont le produit de l'industrie individuelle, alors que la division du travail, n'étant pas encore créée, chacun était à la fois son tailleur, son armurier, son potier, comme il était son pourvoyeur de vivres et son cuisinier. Au-dessus s'élèvent des dunes de sables, hautes parfois de quarante à cinquante pieds, dont la formation a demandé peut-être des milliers d'années

Les tourmentes qui régnèrent en ces parages en 1859 ayant bouleversé la partie supérieure des dunes, une quantité considérable de reste d'habitations et de clôtures celtiques, furent mises à nu. Ce sont des enceintes de petites dimensions, parfois rondes, mais le plus souvent carrées et arrondies aux angles (3). Des murgers de 0 m.40 de hauteur, construits avec des galets pris au rivage en forment les contours ; mais comme ces pierres sont très impressionnables à la gelée, elles s'émiettent chaque hiver, et auront bientôt disparu. Or, le niveau des vestiges en question, qui ont au moins deux mille années d'existence, est supérieur de six, huit, dix, et parfois vingt mètres à celui de la couche où gisent les traces des populations primitives. Qu'on juge par là du nombre des siècles qui séparent celles-ci du temps où nous vivons ! (4)


NOTES:

(1) Qui se nourrit principalement de poissons.

(2) On a découvert des fragments de vases analogues à Algon-en-Saint-Prouant, à Evrunes, à Curzon, - dans la tombelle du Pô ou de l'Anguiller, commune du Bernard, fouillée par l'abbé- Baudry. - Le nom d'Anguiller, d'Anglier ou d'Aiguiller, donné à l'enceinte où se trouve la tombelle décrite par le savant curé du Bernard, est également porté par plusieurs autres monuments de la même époque, situés en Vendée : tels que l'Anglier-des-Lues, l'Anglier-de-Chauché, l'Anglier-de-Saint-Germain, et souvent on y voit trois tombelles placées en triangle.

(3) Nous en avons trouvé de semblables en 1889, au ténement des Garnes de la forêt de Vouvent. - La forét de Vouvent, son histoire et ses sites, pages 160 et 161).

(4) Fillon.- L'art de terre chez les Poitevins. - La tradition place en ce lieu une ville jadis détruite par les eaux de la mer en punition des plaisirs illicites auxquels on s'y livrait. Le nom de Belesbat, donné plus tard au petit manoir que la féodalité bâtit sur ces ruines, doit donc être la traduction d'un autre plus ancien puisé dans la même légende.- Depuis cette excursion les grandes marées (le 1862 ont ensablé la côte et mis obstacle â la reconnaissance complète du gisement.

 

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L'AGE DE BRONZE. - LIEUX DE DÉPOTS.

 


Aux instruments de silex succède le bronze, et avec cette matière pour outils et pour armes les progrès sont rapides. Les Moutiers-sur le-La g, Nalliers, Petosse, Le Gué-de- Velluire, l'Ile-d'Elle, Le Langon, Auzay, Longèves, Mouzeuil, SaintEtienne-de-Brillouet, Le Simon-la-Vineuse, Chasnais, Bouillé-Courdault, Saint-Hilaire-le-Vouhis, Saint-Vincent-Sterlanges, Les Herbiers, Bessay, La Couture, La Boissière-de-Montaigu, La Garnache, Angles, Saint- Cyr-en-Talmondais, Saint-Christorphe-du-Ligneron, Le Bernard, Jard, Sainthilaire-de-Talmont, Fontenay- le- Comte, sont les principales localités de la Vendée, d'où on a exhumé de précieux débris de cette époque.

Un atelier de maréchalerie celtique et gallo-romaine à FONTENAY-LE-COMTE

Fers celtiques et gallo-romains (1/2 grandeur) trouvés à Fontenay-leComte, dans les rues de la Harpe, de la Fontaine et de la Grande-Rue, pendant la construction d'un collecteur en 7bre et 8bre 1890


Louis Brochet


A Fontenay notamment, on a trouvé des haches et des bracelets en bronze dans l'usine Bujard-Phélipon - un fauchard celtique enfoui à deux mètres de profondeur dans la rue des Loges, sous l'ancien Chemin Vert (1)-deux couteaux d'origine gauloise en bronze, à trois mètres de profondeur, dans le champ de foire, sous une épaisse couche d'alluvions, ainsi que l'extrémité du fourreau, aussi en bronze, d'une épée, d'un poignard, et une épingle en bronze.

L'épingle a 21 centimètres de longueur, -et' la tête qui la couronne est d'un travail remarquable. La partie supérieure est ornementée d'une double astragale en forme de cravate servant de base à un gracieux chapiteau, sorte de chapeau à tête de diamant qui termine l'épingle (2).

Saint-Médard-des-Prés a fourni aussi à l'archéologue une très belle dolabre, instrument de sacrifice chez les Druides (3).


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NOTES:

(1) Dans les rues de la Harpe et de la Grand'Rue (ancien Chemin Vert), on a aussi trouvé, à Fontenay, des fers de chevaux de l'époque; celtique et de l'époque gallo-romaine qui ont été soigneusement controlés par M. Magnin, de l'Institut. - La superposition en ce point de deux civilisations est encore une de ces lois historiques, qui ne souffrent guère d'exceptions, parce que les raisons qui avaient attiré en ce point les Celtes subsistaient toujours pour les Romains.

(2) M. Ballereau pense que l'épingle en bronze était de l'époque romaine- Découvertes de M. Charrier. - Extrait de l'Annuaire de la Société d'émulation de la Vendée (année 1874).

(3) Elle est en notre possession.

 

 


PROGRÈS DE L'AGRICULTURE

 

L'agriculture naît, le troupeau est formé, les animaux domestiques sont acquis, la nourriture ne dépend plus des résultats chanceux d'une expédition de chasse ! Or, tandis que nos aïeux progressent ainsi de la pierre au métal, de l'abri sous roche à la demeure construite de leurs mains, du gibier incertain au troupeau, un exhaussement lent, continué pendant une longue série de siècles, change la configuration de la Vendée. La grande plaine est mise à sec, la mer des Pictons se retire, le climat devient moins froid, l'auroch et l'élan suivent dans leur retraite les régions glacées ; notre pays acquiert la flore et la faune d'aujourd'hui, et nos antiques aïeux, toujours plus riches d'idées, d'acquisitions et de découvertes, marchent à la conquête de notre sol.

Mais notre pays était dans une position tellement avantageuse qu'il ne pouvait rester longtemps sans conteste aux mains de ses premiers habitants. - Hâtons-nous de dire que les races primitives n'ont pourtant jamais disparu complètement de notre sol : elles ont dû se mêler à celles qui sont survenues depuis. Qui sait si même les hommes de l'âge de la pierre éclatée qui chassaient aux rhinocéros et à l'ours blanc n'ont pas laissé une postérité, et s'il n'y a pas des Vendéens qui ont dans les, veines le sang des troglodytes

 

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PREMIÈRES INVASIONS CELTIQUES.

 

Une antique tradition nous rapporte que 1500 ans avant Jésus-Christ, des peuples de l'Asie, s'avançant des bords de la mer Caspienne, franchirent le Rhin et pénétrèrent jusque dans le pays que nous habitons.

Ces hommes portaient, paraît-il, le nom de Gomériens (1), et étaient issus de Gomer, l'un des fils de Japhet, mais l'histoire ne les connaît que sous le nom de Gaëls, Galls ou Celtes, d'où est dérivé plus tard le nom générique de Gaulois, appliqué par les historiens romains à toutes les tribus qui ont habité ces contrées depuis cette époque, et mêlé leur sang à celui de cette race primitive que nous trouvons répandue à la fois dans les îles Britanniques, la Suisse, la Belgique, aussi bien que sur le reste du sol de la France. Tous ces pays ont conservé des traces de son passage, et c'est d'elle que le pays de Galles, en Angleterre, a reçu son nom.

Aucun monument important ne nous est resté de cette époque reculée : seulement on rencontre encore aux confins de la Basse-Bretagne l'idiôme primitif d'une tribu gallique.


NOTES:

(1) Bouchet. - (Annales d'Aquitaine), Haute Serre (Rerum Aquitanicarum) etc.

 

 

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ASPECT DE LA VENDÉE A L'ÉPOQUE CELTIQUE.

 

La Vendée, à l'époque des premières invasions celtiques, différait singulièrement de la Vendée actuelle. D'après les historiens autorisés, elle était couverte de bois, de landes, de marais ; il y régnait un froid excessif qu'entretenaient d'un côté les débordements des rivières peu encaissées, et de l'autre' lés forêts dont le sol étaIt hérisse, et où pullulaient les cigognes, les butors, les hérons, les sangliers et les loups.

Dans ces forêts solitaires, effrayantes, où n'existaient que de simples sentiers, le chêne étendait partout une verdure uniforme, une ombre religieuse et séculaire. De vastes espaces couverts de bruyères et d'asphodèles, des vallées profondes, un ciel mélancolique pesant sur la tête, vous saisissait de je ne sais quelle crainte, et vous imposait un pieux recueillement.

Les rares campagnes cultivées ne produisaient guère que du seigle et de l'avoine, et n'offraient point cette agriculture variée que présente aujourd'hui le sol coupé de jardins.

Fidèles aux habitudes de la vie sauvage, nos aïeux n'avaient pour habitations que des chaumières éparses dans les champs ou les trous creusés des chênes.

Accoutumés à tout conquérir par la force, des armes, ils dédaignèrent d'abord l'agriculture ; mais enfin le besoin les plia à cultiver la terre et à couper quelques forêts. Nomades, ainsi que nous l'avons dit, ils s'arrêtaient à peine dans un canton l'espace d'un an pour y attendre la récolte; puis ils recommençaient leurs courses. Ils creusaient au pied des collines, et quelquefois même dans la plaine des cavernes ou silos, où ils terraient leurs moissons; le grain s'y conservait parfaitement. Lorsqu'ils abandonnaient -une contrée, ils couvraient si bien ces magasins de gazon qu'ils échappaient à toutes les recherches. On rencontre encore çà et là, notamment à Mareuil, Benet, Xanton, Auzay, Saint-Pierre-le-Vieux, Puymaufrais, Mervent, etc., quelques souterrains dont l'existence paraît remonter à cette époque.

Il fallut sans doute à ces tribus turbulentes, inquiètes, avides de pillage, bien des siècles pour dompter cette nature inculte et se livrer au commerce, aux arts et aux travaux sédentaires. Elles n'acceptèrent cette condition que lorsque la nécessité les y força, ou que le contact des peuplades plus civilisées les eut portées à imiter leur exemple (1).

L'histoire n'a pas conservé le détail des événements qui durent s'accomplir en Vendée avant l'invasion des Cimbres ou Kymris (600 ans avant Jésus-Christ). A peine si, secondée puissamment par l'archéologie, science encore presque nouvelle, mais pleine d'avenir, laisse-t-elle percer quelques traits bien incertains sur la forme de leur gouvernement, sur la religion, le caractère et les moeurs.

La conquête de notre pays par les Cimbres, peuplade nomade qui par son langage et sa physionomie paraissait appartenir à la même race primitive que les Galls, modifia singulièrement les mœurs, la religion et la forme du gouvernement chez les vaincus. Au polythéisme grossier des Celtes, succéda une religion mystérieuse et symbolique, fondée par Hésus, dont les druides étaient les ministres et qui remplaça le pouvoir militaire par une sorte de théocratie.


NOTES:

(1) Qui se nourrit principalement de poissons.

(1) On a constaté à l'Ileau-les-Vases, commune de Nalliers, la présence de fondations de quelques huttes rondes d'origine gauloise creusées dans la couche de terre végétale qui recouvre les dépôts de cendre, et pénétrant dans la partie supérieure de ceux-ci. Nous en avons trouvé un grand nombre dans la forêt de Vouvent, au lieu dit Les Darnes et Les Logettes. - En général, les fondations de ces huttes bâties avec des pierrailles et de la terre, affectaient la forme ronde ou ovale. - On y a trouvé notamment des fragments de hache en silex poli, des andouillers de bois de cerf détachés et faconnés de main d'homme, et bon nombre de tessons de poteries noires, mal cuites, semblant remonter aux derniers temps de l'âge de pierre,
En général (les huttes de la forêt de Vouvent en sont une preuve) les populations primitives recherchaient, pour y poser leurs demeures, des espaces secs et pierreux, les vallées où se trouvaient d'excellents pâturages, et le voisinage des rivières profondes et poissonneuses, ayant l'avantage de fournir une nourriture abondante, et de favoriser la défense du pays contre toute attaque extérieure.
Sur plusieurs points des substructions de la période romaine ont remplacé ces huttes.

 


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LES DRUIDES
RECOLTENT DU GUI. - VIEILLES COUTUMES CONSERVÉES
DANS PLUSIEURS COMMUNES.

 

Les Druides (hommes ou fils de chêne) formaient le premier ordre, et se recrutaient par le mérite et l'élection dans tous les rangs de la société ; ils se divisaient en prêtres, poètes et devins (ovates ou eubages) chargés des fonctions inférieures du ministère. Ils jugeaient toutes les causes, punissaient les crimes et étaient chargés de l'éducation de la jeunesse. On regardait leurs volontés comme des lois, leurs paroles comme des oracles. Ils avaient une vénération profonde pour les forêts et honoraient le chêne d'un culte particulier : c'était sur cet arbre qu'ils cueillaient, avec une faucille d'or, le gui, objet de commerce pour eux, et auquel ils attribuaient le pouvoir de guérir toutes les maladies ; c'était surtout un remède contre la stérilité.

Toutes les pompes du culte druidique se déployaient dans la solennité annuelle de la récolte du gui, dont la verdure éternelle était le symbole de l'éternité du monde. La fête, fixée au jour de la lune de décembre qui coïncidait avec le premier janvier, point de départ de l'année gauloise, était annoncée aux habitants par le cri célèbre : " Au qui l'an neuf" et le cortège, à la nuit tombante, partait pour se rendre à la clarté des torches innombrables dans la forêt voisine. Ce vieux souvenir du gui s'est encore conservé à l'époque actuelle.

Dans la nuit du 31 décembre au le, janvier, les jeunes gens du Bernard et d'Avrillé, sur le même sol occupé par la grande forêt du Breuil où s'accomplissait le rite solennel de la cueillette du gui, vont moduler de ferme en ferme et de village en village, la vieille chanson rustique connue sous le titre de la Guillaneu. - Ce titre n'est que la répétition et l'écho prolongé à travers les âges de l'antique refrain par lequel la foule répondait au chant des bardes : Au gui l'an neuf !

Les habitants de Saint-Benoît-sur-Mer vous diront que la Guillaneu ou la nouvelle année fait toujours son entrée dans le monde, montée sur un cheval blanc et ils `vont chantant à la porte de chaque famille:


La Guillaneu, elle est dans la maison,

Nous la voyons par la fenêtre,

Montée sur un cheval blanc

Qui n'a ni queue ni tête.

Ses quatre pattes sont ferrées à neuf ;

Donnez-nous là, la Guillaneu (1).


Cette tradition du gui s'est également conservée dans le pays de Galles. En effet, parmi les marchandises que la Bretagne exporte en Angleterre, il en est une qui jouit d'une faveur particulière aux approches des fêtes de Noël : le gui. C'est par centaines de mètres cubes que les bateaux à vapeur de la compagnie South-Western et d'autres navires encore emportent le gui breton. Les quais d'embarquement de Saint-Malo en sont couverts avant la Noël, et bien rares sont les navires voiliers qui n'arborent pas la touffe de Mistletae à la tête de leurs màts avant de quitter le port. C'est une vieille coutume des ancêtres qui rappelle aux descendants des anciens bretons, les fêtes sacrées des Druides.

Le gui n'était pas seul un objet de commerce pour les Druides, qui fabriquaient aussi des talismans symboliques comme les chapelets d'ambre, que les guerriers portaient sur eux dans les batailles et qu'on retrouve encore à leur côté dans les tombeaux (2).

Le plus précieux de tous ces symboles était l'œuf de serpent, qui rappelle à la fois l'œuf cosmogonique des mythologies orientales et l'éternelle rénovation dont le serpent était l'emblème.
On vantait la gravité des prêtres, leur science, leur philosophie, mais malgré cette réputation de sagesse et alors qu'ils enseignaient le dogme de l'immortalité de l'âme, leur culte était souillé d'horribles superstitions. Ils immolaient à leur dieu Teutatès, dans les grandes solennités, ou pour détourner les fléaux dont ils étaient menacés, les prisonniers qu'ils avaient faits à la guerre.

Souvent ils entassaient les victimes dans un colosse d'osier à figure humaine, et y mettaient le feu pendant la nuit en chantant dés hymnes.

Il est difficile d'apprécier jusqu'à quel point les druides étaient parvenus dans les diverses branches de la science. César dit vaguement qu'ils enseignaient bien des choses sur le mouvement des astres, sur la grandeur de la terre et de l'univers, sur la force et la puissance des dieux immortels. Ils n'ont jamais rien écrit touchant leurs dogmes, de peur que cette science mystérieuse ne fut révélée aux profanes. Dans toutes les affaires politiques ou privées, étrangères à la religion, ils écrivaient en caractères grecs, car les Gaulois n'eurent point d'alphabet national.

Les druides avaient aussi le monopole de deux arts qui exerçaient dans les sociétés antiques et primitives une toute autre influence que dans nos vieilles et positives sociétés nous avons nommé la poésie et la musique, qui donnaient aux Druides la faculté d'agir puissamment sur les imaginations gauloises par elles-mêmes vives, promptes et faciles à s'émouvoir.


(1) La Vendée avant 1793, par P. L. P. (Légendes et récits).

(2) Nous en avons recueilli un à Fontenay, au mois d'octobre 1890, lors de la construction d'un collecteur dans le Puy-Saint-Martin

 

 

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LES DRUIDESSES DE (NOIRMOUTIER).

 

Des prêtresses et des magiciennes étaient affiliées et soumises à l'ordre des druides. Elles avaient, au milieu des forêts, ou même sur des îlots battus parles vagues, des sanctuaires dont l'entrée était interdite aux hommes. Dans leurs sacrifices, elles immolaient elles-mêmes les victimes, et feignaient de lire dans leurs entrailles palpitantes les volontés du destin.

Strabon parle d'un îlot situé près de l'embouchure de la Loire, qui possédait un collège de prêtresses. Cette île, d'après une tradition constante dont nous avons déjà parlé serait, paraît-il, Noirmoutier.

Les prêtresses (Nannètes), à des époques prescrites et à la nuit close, s'embarquaient- pour aller visiter leurs maris (1) sur le continent, passaient la nuit dans des cabanes préparées exprès, et s'éloignaient au point du jour à force de rames.

Une fois chaque année, les druidesses découvraient et recouvraient leur temple d'une nuit à l'autre. Couronnées de lierre et de feuillage elles commençaient au premier rayon du soleil, enlevaient le chaume et la charpente du toit, et les remplaçaient par de nouveaux matériaux. Si l'une d'elles avait le malheur d'en laisser tomber quelque chose, un cri poussé par toutes les autres était son arrêt de mort : elles s'élançaient avec rage sur la maudite, la mettaient en pièces et semaient ses chairs palpitantes(2).


NOTES:

(1) Quelques druidesses se vouaient au célibat perpétuel.

(2) Pitre-Chevalier. Le Druidisme.

 


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ANALOGIE ENTRE LES DRUIDES ET LES PRÊTRES.

 

La façon dont s'exprime César, sur le droit et le pouvoir excommunicateur dont étaient armés les druides, fait tout naturellement penser à ce que fut ce même droit, au moyen âge, entre les mains du clergé catholique. On dirait que celui-ci l'avait emprunté au druidisme ou qu'il en avait hérité. La similitude des deux droits est complète dans ses applications et ses conséquences. Écoutons César: Si qui aut priva tus aut plublicus eorum decreto non stetit, sacrificiis interdicunt. Hoec poena apud eos ,qravissima. Quibus ita est interdictum, ii numero impiorum ac sceleratorum habentur ; iis omnes decedunt aditum eorum sermonem que de fugiunt, ne quid ex contagione incommodi accipiant : ne que iis petentibus jus redditur, ne que honos ullus communicatur (1).

Il convient de remarquer que ce n'est pas la seule analogie et le seul rapport qui existent entre le druidisme et le catholicisme. Comme les prêtres catholiques, les druides ne se mariaient pas (2).
A ce propos, des historiens, entre autres le célèbre auteur de la Religion des Gaulois, Dom Martin, de la Congrégation de Saint-Maur, prétend que pour n'avoir aucun rapport charnel avec les femmes, ils se mutilaient à la façon des prêtres de Cybèle de là le nom de sénani, autrement eunuques, sous lequel on les désignait dans l'antiquité. Ils n'allaient point à la guerre ; ils ne contribuaient point aux charges publiques ; ils étaient dispensés du service militaire ; ils se recrutaient dans toutes les classes de la société ; ils n'avaient point de famille et vivaient détachés du monde, tout en y étant mêlés par leurs diverses fonctions : enfin, suprême similitude, ils n'avaient qu'un chef " le grand druide", qui siégeait sur un trône de_ forme mystérieuse. Il était comme le souverain pontife, le " primat des Gaules", et comme le pape, investi d'une autorité infaillible (omnibus- druidibus prœst unus qui summum inter eos Itabet autoritatem) en somme un vrai pape, surtout à la façon de ceux du moyen âge.

Il ne paraîtra pas étonnant, dès lors, que le druidisme et les Druides aient trouvé des apologistes dans d'éminents écrivains chrétiens. C'est ainsi que saint Jérome attribue aux Druides l'idée d'un Dieu unique et tout-puissant, et qu'il écrit que grâce à eux, la Gaule seule, c'est-à-dire la Gaule druidique, n'avait pas de monstruosités dans sa religion. Origène le senanus volontaire va jusqu'à dire que la Gaule et la Bretagne avaient été préparés au christianisme par l'enseignement des Druides... Les écrivains de l'antiquité qui parlent des Druides s'accordent pour faire l'éloge de leurs doctrines et de leur morale. Pline voit en eux les mages de l'Occident et Pomponius Mela, les appelle les maîtres de la sagesse et de la science, ~magistrate sapientice. La croyance à l'immortalité de l'âme dont nous avons déjà parlé, faisait le fond de leur philosophie et de leurs préceptes. Cette croyance à l'immortalité de l'àme était faite pour exciter le courage natif des Gaulois et les porter à braver la mort. Aussi ne craignaient ils rien, ainsi qu'il leur arriva de le dire à Alexandre(3).


NOTES:

(1) Livre VI, page 265. - Édition Charpentier 1855.

(2) Rambaud, dans l'Histoire de la civilisation, dit qu'ils n'étaient pas astreints au célibat, mais qu'en général ils ne se mariaient pas.

(3) A Caillé.- Extrait de la Revue de la Société littéraire, artistique et archéologique de la Vendée, 4e année Rambaud. - Histoire de la civilisation française. Tome I, page 18.

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