Histoire de Vendée

Histoire de la Vendée
du Bas Poitou en France

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CHAPITRE XL
ILLUSTRATIONS VENDÉENNES DES 18e ET 19e SIÈCLES

 

Jacques Bousseau

Réaumur

Le vice-amiral comte d'Hector (1722-1808)

Le chevalier des Touches, chef d'Escadre

L'amiral Duchaffault

René de Grimouard

De Vaugiraud de Rosny

Le Chevalier de la Coudraye

La Réveillière-Lepeaux

Bonamy

Alquier

Mademoiselle Marie-Charlotte-Pauline de Lézardière

Le Cardinal de la Fare

Cavoleau

Le R. P. Baudouin

Garnereau

René Guiné

Le Général Belliard

Ouvrard, Gabriel-Julien (1770-1846)

Isidore Massé

Le Général Baron de Lespinay

Largeteau, membre de l'institut

Mgr Hillereau, vicaire apostolique

Richier Edouard

Piet François

Crétineau-Joly

Le Général Collineau

Charles Merland

Paul Marchegay

Benjamin Fillon

Paul Baudry

Gaston Guitton

Beaussire Emile

Louis de la Boutelière

Dugast-Matifeux

De Villebois-Mareuil

M. Arsène Charier

Octave de Rochebrune

 

JACQUES BOUSSEAU

 

Jacques Rousseau, qui devint un de nos plus habiles sculpteurs, et porta même le titre de sculpteur du roi, naquit à la Crépelière commune de Chavagnes-en-Paillers, le 17 mai 1681 (1).

Il appartenait à une famille de simples cultivateurs. Dès son enfance, il se fit remarquer par l'adresse avec laquelle, sans autre outil que son couteau, il exécutait divers travaux de sculpture, tel que des Christs et des Saintes Vierges. Aussi l'évêque de Luçon, Henri de Barilllon. étant venu à Chavagnes, en visite épiscopale, le 23 août 1697, le curé lui présenta le jeune artiste et le prélat, charmé de ses dispositions, le prit sous sa protection et l'envoya étudier à Paris. Il y eut pour maître le célèbre Nicolas Coustou, sous lequel il se forma rapidement ; ensuite, il passa quelque temps à Rome.

A son retour à Paris, l'Académie le reçut au nombre de ses membres, et, plus tard, il y obtint le grade de professeur. Son morceau de réception était Ulysse tendant son arc.

Le roi d'Espagne, Philippe V, l'ayant choisi pour son premier sculpteur, Bousseau se rendit dans ce royaume, fit beaucoup de travaux à Madrid et y mourut le 13 février 1740, à l'âge de 59 ans.

La cathédrale de Rouen, le palais de Versailles et diverses églises de Paris renfermaient des œuvres du sculpteur poitevin.

Nous citerons le mausolée du cardinal Dubois, aujourd'hui dans l'église Saint-Roch, et que l'on a, à tort, attribué à Nicolas Coustou ; - le grand autel de la cathédrale de Rouen, représentant l'ancienne loi accomplie par la nouvelle ; - Saint Maurice et Saint Louis, placés dans une chapelle de l'église N.-D. ; - J.-C. donnant les clefs à Saint Pierre ; - La Religion, le tombeau de M. d'Argenson à la Madeleine du Tresnel, un bas-relief dans la chapelle de Noailles, un Zéphir qui ornait le parc Ténars (bords de la Loire), embelli par Mme de Pompadour, et qui, lors d'une vente qui eut lieu il y a quelque vingt-cinq ans, atteignit un prix très élevé.

Au milieu de ses succès, il n'oublia pas sa paroisse natale ; car il sollicita et obtint du pape, en 1719, des reliques de sainte Gaudence et de saint Restitut, partagées entre la paroisse de Chavagnes, où elles sont encore, et celle de Saint-Sulpice-le-Verdon, dont était curé un de ses frères.

 

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(1) En marge de l'acte de baptême on lit : le dit Bousseau est actuellement un des premiers sculpteurs du royaume.

 

 

RÉAUMUR

 

René-Antoine Ferchault, seigneur de Réaumur, naquit à La Rochelle le 28 février 1683. Malgré l'éloignement de cette naissance, la famille Ferchault n'en appartient pas moins tout entière au Bas-Poitou, d'où René Ferchault, seigneur de Réaumur, père du savant auquel nous consacrons ces lignes, ne s'éloigna que pendant quelques années pour occuper la place de conseiller au présidial de La Rochelle.

Après avoir terminé ses études à Poitiers et fait son droit à Bourges, Réaumur, entraîné par un goût irrésistible vers l'observation de la nature, se livra avec une ardeur fébrile à l'étude des mathématiques et de la physique. En 1703, il se rendit à Paris, où son parent, le président Hénault, le mit en relation avec les savants de l'époque. Dès 1708, alors qu'il n'avait que 24 ans, l'Académie des Sciences à qui il avait présenté « des mémoires de géométrie », l'accueillit dans son sein. Il fit partie pendant près de cinquante ans de cette illustre compagnie. Il faut voir dans son Eloge prononcé à l'Académie des sciences, et dans la notice que Cuvier a publiée sur lui, la liste prodigieuse des découvertes importantes qui lui sont dues, et dont quelques-unes seulement eussent suffi à la renommée d'un autre : rien dans les sciences ne lui échappe. Nous n'indiquerons ici que les principales. En 1710, l'Académie le charge de sa grande description des arts et métiers. Les études auxquelles il se livre pour ce travail donnent lieu à une foule de découvertes, par lesquelles il rend ainsi à l'industrie française des services aussi nombreux que variés. Dans son traité sur l'art du cordier, en 1711, il prouve, contre l'opinion commune, que la torsion diminue la force des cordes. En 1722 il publie un Traité sur l'art de convertir le fer en acier et d'adoucir le fer fondu. Le Régent le récompensa de cette brillante découverte en lui accordant une pension de 12.000 livres.

Réaumur dote ensuite la France de la fabrication du fer blanc qui y était inconnue. Son mémoire est de 1725. Il sut retrouver et perfectionner les secrets des Egyptiens dans l'art d'employer la chaleur artificielle pour l'incubation des œufs, et décide l'important problème de la digestion chez les animaux. Ses Mémoires, pour servir à l'Histoire des Insectes, composés de 6 volumes in-4°, parus de 1734 à 1742, se font lire avec l'intérêt du roman le plus attachant. C'est surtout au cinquième volume que brille son génie observateur, dans la description du gouvernement merveilleux des abeilles.

Mais son titre le plus durable devant la postérité « plus durable, dit un panégyriste, qu'une colonne et qu'un obélisque », est son thermomètre.

« Le caractère particulier aux œuvres de Réaumur, dit M. Léon Audé, est le bon sens, la naïveté, la finesse dans l'observation poussée jusqu'au génie. Ses travaux l'avaient placé au premier rang dans la science : entouré de la déférence du gouvernement, il vit les hommes les plus distingués de l'Europe, par leur naissance et leurs talents se faire honneur de son amitié. Mais il ne fut pas seulement un savant illustre, il fut encore un bon et noble cœur, d'un commerce aimable en société, toujours prêt à prodiguer à ses amis son crédit, ses connaissances, sa fortune. Chaque année il faisait un voyage en Poitou, et passait une partie des vacances à son château de Réaumur. Il mourut le 18 octobre 1757, d'une chute faite à la Bermondière, dans le Maine, à l'âge de 74 ans. - Ses collections d'animaux passèrent au cabinet du roi, et sont devenues le principe du Museum d'histoire naturelle. Il avait, par son testament, légué à l'Académie des sciences ses papiers, qui ne remplissaient pas moins de 138 portefeuilles pleins d'ouvrages commencés ou terminés. Telle fut la vie de Réaumur ; vie heureuse, exempte de traverses. »

 

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LE VICE-AMIRAL COMTE D'HECTOR (1722-1808)

 

Charles-Jean d'Hector, né à Fontenay-le-Comte le 22 juillet 1722 (1), perdit très jeune son père, officier de marine. Après avoir reçu une instruction très élémentaire à Saint-Georges-de-Montaigu, où s'était retirée sa mère, il fait une campagne de six mois à la Martinique ; nommé en 1740 officier-garde de la marine, il s'embarque le 28 avril sur l'Apollon et fait de nombreuses campagnes. En 1757, après la journée désastreuse des Cardinaux, alors qu'il est commandant de frégate, il sauve avec l'aide du chevalier de Ternay, six vaisseaux français retenus par les Anglais dans les eaux de la Vilaine. Nommé à la suite de sa brillante conduite commandant du Minotaure, il fait, en 1766, partie de l'escadre de l'amiral d'Estaings, puis prend le commandement de l'Actif, sur lequel l'amiral Duchaffault - un autre Vendéen d'illustre mémoire - avait arboré son pavillon. Il passe ensuite sur l'Orient, vaisseau de soixante-quatorze canons et s'y couvre de gloire à la fameuse bataille d'Ouessant. Promu successivement chef d'escadre (4 mai 1779), lieutenant-général et chevalier de Saint-Louis, il est en 1783, chargé par Louis XVI de l'inspection générale des ports de France, dans le but de leur appliquer un règlement uniforme ; nommé vice-amiral le 10 janvier 1792, il rejoignit bientôt les princes à Coblentz, où il se mêla aux intrigues des émigrés, prit part à la fameuse expédition de Quiberon, et mourut en Angleterre le 18 août 1808, à l'âge de 86 ans, ayant eu le tort d'oublier un moment qu'au-dessus des partis il y avait la France. Il fut enterré dans le cimetière de Saint-Gilles, à Reading, où sa belle-sœur lui fit élever une tombe.

 

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(1) Il était si faible en venant au monde, que l'on crut qu'il ne vivrait pas, lui qui devait fournir une si longue carrière, et qui fut ondoyé dans la maison paternelle dans la crainte de hâter sa fin en le transportant à l'église pour y recevoir le baptême.

 

 

LE CHEVALIER DES TOUCHES, CHEF D'ESCADRE

 

Charles-Dominique Sochet, seigneur des Touches, est né à Luçon le 7 octobre 1727. Entré dans la marine le 29 décembre 1743, il était capitaine de vaisseau en 1767, après avoir servi avec distinction sur la Gloire, le Jason, l'Alcyon, le Tigre et la Friponne. Marié le 3 juillet 1770 à Mlle Mauras d'Hervy, il demeura bientôt veuf. L'affection très grande qu'il portait au jeune fils issu de cette union, et le chagrin de s'en séparer, ne purent l'empêcher de courir à de nouveaux dangers. L'année 1775 venait d'agiter le Nouveau-Monde, et l'enthousiasme prodigieux qu'avait excité chez nous le soulèvement des Etats-Unis contre la domination tyrannique des Anglais, avait trouvé un écho puissant dans le cœur de notre vaillant compatriote. Le 27 juillet 1779, il prend, en qualité de commandant de l'Artésien de 64 canons, part au sanglant et glorieux combat d'Ouessant, où se signalèrent d'autres illustres représentants du Bas-Poitou : Duchaffault, d'Hector, de Vaugiraud.

Nommé après le combat d'Ouessant, à la tête d'une flotte de dix navires, il remplace dans les derniers mois de l'année de 1780, le chevalier de Ternay qui, à la tête d'une escadre, donnait la chasse à l'amiral anglais Cornwalis, qui avait envahi la Caroline et ravageait les côtes de la Virginie (1). Après quelques jours de mer, il court sur une flotille ennemie qui lui est signalée à l'entrée de la baie Chesapeak, coule dix bâtiments ennemis et ramène en triomphe à Newport, le vaisseau anglais le Romulus de 44 canons.

Dans l'ivresse du succès, le chevalier des Touches ne rêve rien moins que l'entière délivrance de la Virginie. Mettant à profit l'enthousiasme général, il veut attaquer l'ennemi par mer et par terre, sans lui laisser le temps de se reconnaître. Il se concerte avec le comte de Rochambeau et le général de La Fayette, qui commandaient chacun un corps de volontaires français. Il est décidé, dans un Conseil de guerre, que la flotte recevra à bord un détachement de 3.000 hommes déterminés, sous les ordres du baron de Vioménil, qui seront jetés sur les côtes de la Virginie. Le point du débarquement devait être la baie de Chesapeak.

L'escadre, après avoir louvoyé pendant plusieurs jours par un vent contraire, tombe sans s'y attendre, à une heure après midi, dans une brume épaisse, sur les lignes ennemies. L'Anglais, qui sans doute avait éventé le plan, s'était hardiment embossé à l'entrée même de la baie de Chesapeak et barrait le passage. L'amiral Arbhut présentait en bataille onze vaisseaux armés de 670 bouches à feu. Le but du chevalier des Touches était manqué ; il était impossible de songer au débarquement des volontaires sous le feu d'une si formidable artillerie. Que faire ? Prendre le large sous les yeux de l'Amérique attentive ? C'était donner à la jactance anglaise le droit de se vanter d'avoir mis en fuite notre pavillon, sans combat, avec des forces presque égales. Cette seule pensée faisait bouillonner le sang du gentilhomme poitevin, jaloux de sauver l'honneur des armes du roi de France. Il attaquera lui-même : le signal du branle-bas est donné et le feu s'ouvre sur toute la ligne. C'était le 16 mars 1781. Le combat fut acharné, terrible, manœuvres contre manœuvres, feux contre feux. Après deux heures de lutte, la plupart des vaisseaux anglais, hors d'état de résister, se traînent au large, laissant le passage libre à la flotte française. La victoire fut complète, et le débarquement opéré. C'était, depuis l'ouverture des hostilités, le premier succès marquant qui eût couronné notre pavillon. Il produisit sur l'esprit des Américains l'effet désiré en détruisant à leurs yeux le prestige de la suprématie navale des Anglais.

Les applaudissements frénétiques du Congrès américain, les ovations de tout un peuple et l'amitié particulière du grand Washington furent pour le marin du Bas-Poitou une récompense flatteuse et méritée. Mais la victoire était chèrement acquise ; plusieurs de ses vaisseaux étant endommagés, il se vit momentanément contraint de suspendre ses opérations et de rentrer à Newport pour réparer ses avaries.

Washington, enthousiasmé, conçut une telle confiance dans nos armes que, sans laisser à la flotte le temps de respirer, il adressa, le 10 avril 1781, de son quartier général de New-Windsor, au chevalier des Touches, une lettre autographe pour le presser de se concerter de nouveau avec les généraux commandants les troupes françaises et d'enlever au plus vite le fort de Penobscot, dans le Massachussetts, fort dont la garnison causait de grands ravages. Peu de jours après, les Anglais avaient quitté le pays.

Le chevalier des Touches était en veine de succès. Avant la fin de la même année 1781, il eut encore la gloire de prendre part aux opérations du siège et à la reddition de la place de New-York, en Virginie. Ce fait d'armes présenta cette particularité, que les officiers de notre marine reçurent des éloges des deux côtés à la fois. Le Congrès américain lit ériger sur la place publique de New-York une colonne triomphale et offrit à l'amiral en chef, comte de Grasse, comme témoignage de la reconnaissance publique envers la flotte française, deux canons pris sur les Anglais. En même temps, l'amiral Cornwalis rendant compte à son gouvernement des nobles procédés de nos officiers envers leurs prisonniers, écrivait :

« La délicatesse des officiers français, la part qu'ils semblaient prendre à notre triste situation, la générosité avec laquelle ils nous offrirent toutes les sommes dont nous pouvions avoir besoin, sont au dessus de toute expression et doivent servir d'exemple en pareil cas aux Anglais ». Ces dernières lignes semblaient être inspirées par une secrète prévision des événements futurs qui ne se réalisa que trop. L'année suivante une cruelle humiliation était réservée à notre pavillon. Le 12 avril 1782, une flotte française aux ordres du comte de Grasse, secondé par MM. de Verneuil et Bougainville, était, après un combat héroïque de onze heures, battue dans la mer des Grandes Antilles par l'amiral anglais Rodney. - Parmi les vaillants capitaines qui, dans cette lutte inégale, avaient poussé le devoir jusqu'à l'héroïsme se trouvait le chevalier des Touches, qui, peu de jours après son retour de captivité, recevait de la main du roi le cordon rouge de grand'croix de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, et le grade officiel de chef d'escadre.

L'isolement du veuvage laisse au cœur de l'homme un vide, que les enivrements de la gloire ne peuvent pas toujours remplir. Le marin épousait, en l'année 1785, à Luçon, Aimée-Prudence-Geneviève de Racedet, dame de Saint-Martin-Lars, proche parente de sa première femme. Elle même était veuve de messire Fortuné Boisson, chevalier seigneur de la Couraizière, ancien lieutenant des vaisseaux du roi. De ce mariage le chevalier des Touches n'eut point d'enfant, mais la famille Racodet était riche et se composait de neuf filles, qui étaient presque toutes mariées dans ce pays ; par cette alliance le chevalier des Touches étendait considérablement sa parenté en Bas-Poitou (2).

« Déjà avancé en âge, il ne songea point à jouir immédiatement du calme que pouvait lui offrir une douce retraite, et ne se retira point du service. Plus sensible à ce qui pouvait donner du lustre à son nom qu'aux avantages de la fortune, il demandait, le 26 février 1789, que le combat de la Chesapeak fut compris au nombre de ceux dont le pinceau d'un grand maître devait immortaliser le souvenir. En 1790 le nom du brave chef d'escadre figurait encore sur les états de la Marine. Peu après il quitta le service, et au lieu d'émigrer comme le firent presque tous les officiers de la marine appartenant au Poitou, il se retira à Luçon, ne demandant que le repos et la paix dus à ses longs et honorables services.

Quoique dès Touches n'eut pris aucune part à l'insurrection de la Vendée, la conduite de son fils devait le rendre suspect aux patriotes. Après avoir quitté les gardes françaises où il était sous-lieutenant, pour suivre les princes à l'étranger, ce jeune officier avait fait dans l'armée de Condé la campagne de 1792. Son corps ayant été licencié, il était passé en Angleterre, d'où il avait rejoint Charette dans la Vendée. Blessé dangereusement dans une affaire, aux portes de la Roche-sur-Yon (3), il avait été obligé de se cacher chez des paysans, où il avait été découvert et conduit a Nantes. Il allait y être fusillé, quand un généreux citoyen, M. Caumartin, commissaire général de l'armée, le fit entrer à l'hôpital et facilita son évasion. Repris dans le château où il avait cherché un asile, il fut encore sauvé par Caumartin, qui le confia à un honnête homme de Nantes (4). Il resta trois ans chez lui avec deux de ses cousins, MM. Grellier. Dufougeroux et de Bernon, et n'en sortit qu'au moment ou le décret d'amnistie lui permit, de se montrer en toute sécurité.

Arrêtéà Luçon, son père fut conduit à Fontenay, où son procès allait s'instruire quand la ville fut prise par les Vendéens. Il les suivit alors, cherchant dans leurs rangs un refuge contre ceux qui le poursuivaient, plutôt que prenant une part active à la guerre. Il servait en même temps de protecteur à deux de ses nièces, les demoiselles de Bernon, qui chassées de leur propriété de la Guillemandière, étaient venues, après avoir erré quelque temps sans asile, demander un périlleux abri aux royalistes. Bien qu'il n'eut aucun commandement dans l'armée, il avait pourtant voix au Conseil, car on trouve son nom dans celui qui se tint à Fougères après la désastreuse expédition d'Outre-Loire.

Il assistait à la bataille de Savenay, si fatale aux armes des Vendéens. Assez heureux pour se dérober à la poursuite des républicains, il vint avec ses deux nièces chercher un asile chez un fermier de la paroisse de Prinquiau,où Mme de Lescure était cachée. Il y tomba dangereusement malade, et après avoir reçu les secours de la religion de la main d'un prêtre qui, lui aussi, avait trouvé l'hospitalité dans le voisinage, il mourut au commencement de l'année 1794, âgé de 67 ans. Mme de La Rochejaquelein raconte qu'après avoir récompensé un domestique fidèle qui l'avait accompagnée, il lui confia cent louis pour être donnés à son fils (5). Ce dépôt fut remis entre ses mains, et elle en donna un reçu, gravé sur une feuille de plomb que l'on enterra devant témoins. Plus tard, cette somme arriva à sa destination.

Aujourd'hui le nom de des Touches est éteint, mais il conserve une place impérissable dans l'histoire de la marine. » (6)

 

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(1) La notification officielle qu'il fit de sa nomination au général américain Washington, lui valut, du liberateur des Etats-Unis, une lettre autographe des plus flatteuses conservée précieusement par la famille des Touches, ainsi que plusieurs autres autographes dont nous parlerons plus loin.

(2) Extrait en partie d'un remarquable article publié par M. Alexis des Nouhes dans la Revue de Bretagne et de Vendée (1864).

(3) Affaire du vieux manoir de la Bouchère.

(4) Il s'appelait Roulion et habitait rue Notre-Dame.

(5) Biographies vendéennes, par Merlaud, T. II, pages 347-348.

(6) Rendu à la liberté, Adrien des Touches, fils de l'amiral, épousa en 1800, au château de la Rairie près Bazoges-en-Paillers, Charlotte-Ambroise-Angélique de Sapinaud, âgée de 24 ans, l'une des trois filles du gênéral vendéen. Elle lui donna deux enfants : Adrien, né en 1801 et mort célibataire en 1825 au château de la, Rairie : avec lui s'éteignit le nom des Sochet des Touches ; Clémence des Touches, mariée vers 1823 à Gustave Majou de la Débuterie, dont de nombreux descendants existent en Vendée.

 

 

L'AMIRAL DUCHAFFAULT

 

L'amiral Duchaffault, dont le nom glorieux est porté par la caserne d'infanterie de Fontenay-le-Comte, naquit accidentellement à. Nantes, paroisse de Saint-Vincent, le 29 février 1708, alors que son père, plus tard conseiller au Parlement de Rennes, habitait la Sénardière, près Montaigu.

Allié aux familles des d'Escoubleau du Sourdis, de La Roche-Saint-André et des Herbiers-l'Etenduère, qui avaient fourni à la France d'illustres marins, le jeune bas-poitevin se sentit de bonne heure attiré vers la marine, dans laquelle il entra comme aspirant. Marié le 7 janvier 1732 à sa cousine Pélagie de La Roche-Saint-André, dont le père avait été son premier guide, Duchaffault était, 1736, enseigne de vaisseau, et en 1747, capitaine de pavillon du vaisseau Le Tonnant, de quatre-vingts canons, monté par son parent le chef d'escadre des Herbiers-l'Etenduère, lors du mémorable et sanglant combat du 25 octobre de la même année. Là, Duchaffault fit preuve d'un rare courage, et en 1756 il commandait la frégate de trente canons L'Atalante. Après un violent combat dans les eaux de la Martinique, le capitaine anglais du Warvick, vaisseau de soixante-quatre canons, fut obligé de se rendre à un simple commandant de frégate française, qui, à cette occasion, reçut de Louis XV une lettre autographe des plus flatteuses.

Devenu chef d'escadre en 1764 et après divers exploits, Duchaffault bombarde les ports de Larrache et de Salé, détruit les batteries, brûle les navires mauresques.

Douze ans après, il commande l'escadre de dix-sept bâtiments, destinée à une expédition aux îles du Vent, et au mois de février de l'année suivante, il devient lieutenant-général des armées navales de France, ayant ainsi gravi tous les degrés de la hiérarchie militaire, sans avoir rien « escaladé dans les antichambres », mais après en avoir teint tous les degrés de son sang. C'est ainsi que le 27 juillet 1778, au combat d'Ouessant, alors qu'il comptait 70 ans, il fut blessé grièvement d'une balle à l'épaule et d'un coup de feu au pied. Mais ce qui le frappa encore plus durement au cœur, il eut son fils unique, qu'il se complaisait à voir marcher sur ses traces, tué près de lui, ainsi que son neveu (1).

A la suite d'une interruption de service motivé par ses blessures, Duchaffault fut choisi pour commander provisoirement les flottes combinées de France et d'Espagne en remplacement de d'Orvillier, démissionnaire. Peu de temps après il se retirait dans ses terres de Montaigu, consacrant aux bonnes œuvres et aux travaux agricoles les dernières années d'une existence bien remplie.

La Révolution de 1789 surprit Duchaffault dans ses douces et paisibles occupations. Après s'être montré un adversaire acharné du nouveau régime, avoir dirigé lui-même la défense de Montaigu contre les républicains en septembre 1793, il fut bientôt arrêté par ordre du commandant de place Chastenet, qui le fit conduire à Nantes.

Devant Carrier, ses magnifiques états de services et aussi sa vieillesse, lui évitèrent la peine capitale. - Transféré au château de Luzançay, près de Nantes, il y mourait le 11 messidor an II (29 juin 1794), après avoir vu périr sur l'échafaud plusieurs membres de sa famille qui lui étaient le plus attachés, notamment une de ses filles, Mme veuve de L'Ecorce, dont la maison avait été pendant longtemps le lieu de réunion des commandants royalistes. Il fut inhumé dans le cimetière de Miséricorde à Nantes, et sur sa pierre tombale se lit cette inscription : A la mémoire du très haut et très puissant seigneur, Louis-Charles Duchaffault de Berné, comte Duchaffault, lieutenant-général des armées navales, grand'croix de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis décédé le 29 juin 1794, à l'âge de 87 ans.

 

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(1)   Auguste Duchaffault, né à Montaigu le 19 octobre 1732, marié à Aimé Jousseaume de la Bretèche. Pour plus de détails (Voir Les Echs du Bocage, n° 3 et 4 de l'année 1884.)

 

 

RENÉ DE GRIMOUARD

 

René de Grimouard naquit à Foutenay le 25 janvier 1743, dans la maison qui sert aujourd'hui de Justice de paix, et sur la porte de laquelle on a conservé son nom. Après quelques études chez les Frères de l'Oratoire de Niort il entrait à Rochefort dans la compagnie des gardes de la marine. Il monte tour à tour sur l'Inflexible et le Solitaire ; puis mettant à profit les loisirs que crée à la marine la paix humiliante signée par Louis XV avec l'Angleterre, il prend avec les Jean Bougner, Bordé de Villesmet, Charles Borda, etc., part à ce mouvement intellectuel qui devait faire de nos officiers de marine des hommes d'une distinction et d'un talent rares....

La guerre venait d'éclater avec l'Angleterre : le 17 septembre, de Grimouard, qui commande la frégate La Minerve, livre au navire anglais le Belkowi un combat terrible, dont l'issue était l'incendie de ce beau bâtiment chargé d'une riche cargaison. Un mois après il s'empare de la Debora, puis de trois autres petits bateaux ennemis. Assailli le 1er janvier 1781 par deux vaisseaux anglais de 74 canons : le Courageux et le Vaillant, Grimouard, monté à bord de la Minerve, et grièvement blessé, n'amène son pavillon qu'après avoir perdu la moitié de son équipage.

Rendu à la liberté, il monte le 16 janvier 1782, en qualité de second, le Magnifique, qui, grâce à lui, peut échapper au désastre infligé entre la Dominique et les Saintes à la division navale du comte de Grasse par l'amiral Rodney. Le 17 octobre de la même année, croisant dans les parages des Antilles, à bord du Scipion, il rencontre une division anglaise. Malgré la disproportion des forces, de Grimouard offre le combat, et, après une lutte acharnée et victorieuse, son vaisseau, qui doublait la pointe d'Icagne, vint se briser sur un rocher qu'aucune carte ne signalait. Quoique blessé pendant l'action, Grimouard procéda au sauvetage de son équipage et voulut sortir le dernier de son vaisseau. Ce combat héroïque fut à bon droit considéré en France et aux Antilles comme un triomphe, et à Saint-Domingue, où dix ans plus tard, il devait être couvert de huées, de Grimouard fut reçu aux acclamations d'une population en délire.

Après quelques mois de repos auprès de sa femme, Catherine de Turpin et de ses enfants, il va en 1788, prendre le commandement de la station française des côtes d'Afrique. C'est la que la Révolution le trouva, et c'est à Saint-Domingue qu'à la suite de conflits de races, il fut abreuvé d'injures imméritées. Le gouvernement sut rendre justice au vaillant marin qui, le 18 juillet 1792, était nommé contre-amiral. Le 10 août la monarchie s'écroulait, et avec elle finissait pour ainsi dire la carrière militaire de Grimouard qui, au mois de janvier 1794, était destitué de son emploi par mesure de sûreté générale., Le 9 février 1794, le brave marin, qui méritait une récompense nationale pour sa belle conduite, était condamné à mort comme traître à sa patrie et exécuté le lendemain (1).

 

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(1) Deux tableaux représentant les combats de la Minerve et du Scipion sont .aujourd'hui au ministère de la marine. Des copies de ces tableaux existent aussi dans les galeries historiques de Versailles et à la Loge, chez les Grimouard de Saint-Laurent. Un de ses arrière-petits-fils par les femmes, Régis de Brem, se distingua en 1881, au siège de Sfax, en dirigeant les torpilleurs.

 

 

DE VAUGIRAUD DE ROSNY

 

De Vaugiraud de Rosny, autre marin fameux, né aux Sables-d'Olonne en 1740, prenait, dès 1756, part à l'attaque du Greenwich. Lieutenant de vaisseau en 1773, et chevalier de Saint-Louis, il se trouve à la bataille d'Ouessant à bord de la Couronne, commandée par Duchaffault, et quand ce brave chef d'escadre, atteint à l'épaule d'un coup de mitraille qui met ses jours en danger, tombe à côté de son fils mortellement blessé, c'est à Vaugiraud qu'il remet le commandement de son vaisseau.

Après avoir servi comme major en second, sous les ordres de d'Orvilliers, le héros d'Ouessant, de Vaugiraud, est nommé major général et capitaine de vaisseau dans la flotte qui, sous Duchaffault, devait se couvrir de gloire en Amérique. Par son sang-froid, il sauve d'une destruction certaine l'Intrépide, à bord duquel avait pris le feu. Il suit le comte de Grasse, et à la malheureuse affaire de Saint-Domingue, il est avec son chef fait prisonnier par les Anglais, non sans avoir coinbattu avec la plus grande bravoure. Ce ne fut qu'après avoir épuisé toutes ses munitions, qu'entouré de dix vaisseaux ennemis et ne comptant plus que quelques hommes debout, que la Ville de Paris fut obligée d'abaisser son pavillon. Après la paix, de Vaugiraud vint pendant quelque temps se reposer dans son magnifique château des Granges-Cathus ; puis il fut chargé d'établir sur les côtes de Terre-Neuve une croisière, au cours de laquelle il fit preuve d'une grande énergie vis-à-vis d'un commandant anglais.

Après la prise de la Bastille, il refuse à Saint-Pierre-de-Miquelon d'arborer la cocarde tricolore qu'on voulait lui imposer par la force, mais qu'il acceptera plus tard de bonne grâce au Fort-Royal, pour éviter des ennuis à M. de Vioménil. Arrivé à l'île d'Aix le 6 mars 1790, de Vaugiraud recula devant les exigences populaires, et vint se retirer en Vendée au soulèvement de laquelle il ne fut point étranger. Il était à la Proutière quand l'incendie dévora le château de son voisin le baron de Lézardière. Il fit plus tard l'expédition de Quiberon, accompagna le comte d'Artois à l'île d'Yeu et ne rentra en France qu'avec Louis XVIII qui, le 13 juin 1814, le nommait vice-amiral, grand-croix de l'ordre de Saint-Louis et gouverneur de la Martinique, où il était remplacé en 1818. Blessé dans son amour-propre et dans sa dignité, il succombait à Paris le 13 mai 1819.

 

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LE CHEVALIER DE LA COUDRAYE

 

Le chevalier de la Coudraye, né le 25 mai 1743, à Fontenay, dont son père était gouverneur, se distingua d'abord dans la marine. Dès 1764, il était reçu membre de l'Académie royale de marine, à laquelle, en 1770, il adressait les quatre premiers fascicules d'un dictionnaire ayant trait aux choses de la mer, et en 1778 il publiait La Théorie des Vents.

En 1780, il abandonne le service pour se consacrer exclusivement aux sciences, et fait imprimer successivement un mémoire sur le Régime Végétal des gens de mer (1781) et la Théorie des Ondes qui lui ouvre les portes de plusieurs académies étrangères.

Au mois d'avril 1787, devenu le collègue de Robespierre, à l'Académie des belles-lettres d'Arras, il publie un mémoire intitulé Observations sur l'histoire naturelle des Sables-d'Olonne. Successivement délégué de l'élection de Fontenay (1787), puis membre de la Constituante où il se fait remarquer par des aptitudes et une grande compétence dans les questions intéressant la marine, il avait, le 11 décembre 1790, la grande satisfaction de voir un décret réglementer, suivant ses vœux, l'organisation des gens de mer.

Mécontent de la tournure des événements politiques, il rentre en Vendée aussitôt la fuite du roi et se mêle à tous les complots qui s'y ourdissent. Au plus fort de la Terreur il se sauve en Suède ; en 1812, il devient colonel de la marine russe, membre honoraire de l'amirauté à ce département et sujet de l'empereur de Russie : il avait alors 67 ans. - Cette même année, il abjure entre les mains du général des jésuites, à Saint-Pétersbourg, les erreurs religieuses et philosophiques dont il se reconnaissait coupable. Il mourut en 1817.

 

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LA RÉVEILLIÈRE-LEPEAUX

 

La Réveillière-Lepaux naquit à Montaigu, le 24 août 1753, la même année que l'auteur de la Théorie des Lois de la Monarchie française ; singulier rapprochement de deux vies si différentes dans leurs aspirations et dans les voies qu'elles ont parcourues. Ses premières années, confiées à un ecclésiastique brutal, l'abbé Payraudeau, curé de Saint-Nicolas-de-Montaigu, ne furent pas heureuses ; les mauvais traitements finirent par altérer sa santé, et son épine dorsale se dévia. - Envoyé en 1775 à Paris, par sa famille, qui en voulait faire un avocat, il ne tarda pas à quitter le barreau pour les sciences, et peu de temps après son mariage avec Mlle Boylande Chandoiseau, il professa la botanique à Angers, où la Révolution le trouva pour en faire un député à la Constituante. Là, il se fit remarquer par l'énergie et le radicalisme de ses convictions, et toutes les mesures populaires et républicaines trouvèrent en lui un chaud apologiste. A la Convention, il se montra patriote et ami des Girondins. Il fit formuler, en réponse au manifeste de Brunswich, le décret de Propagande armée, déploya le 11 mars 1793, en face de Danton, une vigueur qui retarda de quelques jours la chute des Girondins, et n'échappa que par miracle à la proscription.

Au cri de : « Au tribunal révolutionnaire ! » poussé par la Montagne en furie, La Réveillière-Lepeaux avait répondu : « Ne vous gênez pas un crime de plus ou de moins ne doit pas vous coûter beaucoup ! » On allait voter, quand la voix d'un homme qui, sans doute, voulait le sauver, s'éleva du milieu de la Montagne et fit entendre ces paroles grossières : « Eh ! ne voyez-vous pas que le b... va crever ! Il ne vaut pas le coup. - Eh bien ! crève donc tout seul ! » crièrent d'autres voix. Reparaissant après le 9 thermidor, il combattit les Terroristes, fut envoyé au Conseil des Anciens, et prit part à la rédaction de la Constitution de l'an III. Elu membre du Directoire dès sa création (1795), il fit partie de la majorité qui fit le coup d'Etat du 18 fructidor et donna sa démission au 30 prairial. La Réveillière-Lepeaux avait imaginé une espèce de religion nouvelle, dont le déisme faisait le fonds, qu'il appelait Théophilanthropie : ce projet fut mis un instant à exécution en 1797, mais il eut peu de succès ; le nouveau culte tomba bientôt sous les coups du ridicule.

 

 

BARRÉ. - D'après une photographie de M. Auguste Douillard, de Montaigu.

 

Dès le 30 prairial, La Réveillière-Lepeaux s'effaça complètement de la scène politique et l'empire ne trouva pas en lui un flatteur : il refusa de prêter serment à l'Empereur en sa qualité de membre de l'Institut et n'accepta ni pension, ni fonction du gouvernement impérial à aucune époque. - Après les Cent jours, il revint en Vendée, pour y saluer la terre natale encore une fois avant de mourir et y présenter son fils Ossian à tous ses parents et amis. Le 27 mars 1824, La Réveillière-Lepeaux, atteint d'une affection chronique de lapoitrine, s'éteignait doucement en disant à ceux qui l'entouraient : « Au revoir ».

Avant de mourir il avait, de 1819 à 1823, dicté les mémoires de sa vie privée et publique à son fils Ossian, qui les a fait imprimer à Paris, par Claye, et éditer par Hetzel, 3 volumes in-8e (1873). Ce devoir filial rempli, Ossian s'éteignait le 28 septembre 1876, à Thouarcé (Maine-et-Loire) à l'âge de 80 ans. - Le 14 juin 1886, la ville de Montaigu inaugurait sur une de ses places publiques le buste d'un de ses enfants les plus marquants (1).

 

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(1) La liste des ouvrages de La Réveillière a été publiêe par Dugast-Matifeux, dans une notice parue en 1886, chez Hetzel, plaquette in-8° de 32 pages. - Voir la Biograpéie de La Réveillière-Lepeaux dans Merland. Tonie III, pages 311 à 387.

 

 

BONAMY

 

Né à Maillezais en 1764, maître des eaux et forêts à Fontenay, en 1790, Bonamy s'engage comme simple volontaire dans l'armée de La Fayette. Fait sous-lieutenant de cavalerie en 1792, il assiste aux batailles de Valmy et de Nerwinde et à la prise de Namur.

Après avoir servi avec distinction sous les ordres de Kléber, puis ensuite sous Marceau, qui tomba près de lui sur le champ de bataille, il fut, en 1798, envoyé près de Championnet, commandant de l'armée de Rome, dont il fut le chef d'état-major. Disgracié après la campagne d'Italie, il se retire là la Flocellière, dont il devint maire et qu'il ne cessa d'habiter jusqu'en 1811. Rentré en grâce auprès de l'Empereur, auquel il avait présenté une députation de Vendéens, Bonamy fut autorisé à rejoindre ses anciens compagnons d'armes. Bien que général de brigade, Bonamy n'avait même pas la décoration de la Légion d'honneur quand il fit la campagne de 1812 : « Qu'il la gagne de nouveau, » avait répondu l'Empereur à ceux qui faisaient valoir ses droits à cette distinction. - « Il faut donc qu'il se fasse tuer, avaient répondu ceux-ci ? »Attaché au corps d'armée de Davoust, Bonamy se distingua devant Smolensk, mais ce fut surtout à la Moskowa qu'il s'illustra par la prise d'assaut de la grande redoute, l'un des plus beaux faits d'armes de cette campagne, raconté avec force éloges par Thiers. Après une captivité de 22 mois en Russie, Bonamy ne rentra en France que le 17 août 1814. Louis XVIII le nomma lieutenant-général, mais sans l'employer. Après le retour de l'île d'Elbe, Bonamy assista au Champ de Mai, et le 4 juillet suivant fut chargé par le ministre de la guerre Davoust, de conduire derrière la Loire, les dépôts et les magasins de l'armée. Il y réussit et la France lui en dut la conservation. Son quartier général était à Poitiers, lorsque le duc et la duchesse d'Angoulême y passèrent. La ville et les campagnes environnantes étaient encombrées de soldats blessés, mécontents, privés de tout, irrités de leurs revers et plus que jamais attachés à la personne de l'Empereur. Leur attitude fit craindre pour la suite du prince et de la princesse ; cependant aucun conflit n'eut lieu, grâce à la prudence et à la fermeté du général Bonamy.

Rentré après ces événements à la Flocellière, il y mourut le 7 août 1830, âgé de 66 ans, en laissant un fils et une fille mariée au colonel Alquier, fils de l'ambassadeur.

 

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ALQUIER

 

Charles Alquier, né à Talmont le 13 octobre 1752, d'une famille originaire de la Flocellière, était maire de La Rochelle, lorsqu'il fut, en 1789, nommé député aux Etats-Généraux, puis président du tribunal criminel du département de Seine-et-Oise, qui l'envoya à la Convention, où il vota la mort de Louis XVI, à la condition que l'exécution serait ajournée à la paix générale. Nommé secrétaire du Conseil des Anciens, le 21 mars 1795, il fut, en 1801, appelé à l'Ambassade de Florence et de Naples. En 1806, il remplaça le cardinal Fesch à Rome, où il rencontra toutes sortes de difficultés.

Napoléon, qui ne pouvait souffrir de résistance, rappela son ambassadeur : « Vous êtes un dévot, M. Alquier, lui dit-il à son arrivée à Paris ; vous avez voulu gagner des indulgences à Rome ». « Sire, répondit le spirituel et souple diplomate, je n'ai jamais eu besoin que de la vôtre ».

En effet, Napoléon ne lui garda pas rigueur et l'envoya, deux ans après, en Suède et en Danemark. Le succès fut complet : le Danemark resta fidèle à la politique de l'Empereur jusqu'à sa chute, et Alquier, rappelé en 1814 par Louis XVIII, partit comblé de présents par Frédéric VI. La loi du 12 janvier 1816 contre les régicides, l'ayant obligé de quitter la France, il se fixa à Vilvorde, en Belgique, jusqu'en 1818, époque où, sur les pressantes sollicitations de Boissy d'Anglas, son ami et collègue à la Convention, devenu pair de France, les portes de la patrie lui furent rouvertes.

A partir de ce moment, Alquier vécut dans la retraite à Versailles, où il mourut le 4 février 1826. Homme distingué et d'esprit cultivé, Alquier fut un des ambassadeurs les plus remarquables de son temps, et suivant ses contemporains, plus d'un mot attribué à Talleyrand serait de lui. 

 

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Mademoiselle MARIE-CHARLOTTE-PAULINE DE LÉZARDIÈRE

 

Mademoiselle Marie-Charlotte de Lézardière naquit au château de La Vérie, commune de Challans, le 25 mars 1754, d'une famille noble et distinguée. Elle avait eu pour trisaïeul maternel le fameux Gabriel de Châteaubriant, seigneur des Roches-Baritaud, le vainqueur de Soubise. Son père, Jacques-Gilbert-Robert de Lézardière, ami de Malesherbes, de Turgot et de Vergennes, était un homme fort instruit, sous la direction duquel la jeune Charlotte fit, dans l'étude des lettres, de la géographie et de l'histoire de France surtout, de rapides progrès. - Indifférente aux jeux de son âge et aux frivolités de son sexe, elle se livrait avec une ardeur peu commune à la lecture des anciens monuments historiques, que renfermait la précieuse bibliothèque du château paternel, et s'occupait avec délices des formules de Marculphe, des Capitulaires et des lois des peuples barbares.

En 1776, la, famille de Lézardière abandonnait le château de la Vérie pour s'établir dans celui de la Proustière, dont le nom devait, 45 ans plus tard, acquérir une certaine notoriété lors des premiers troubles de la Vendée.

C'était le temps où les institutions monarchiques, chancelantes de vétusté, étaient devenues un objet d'examen. Boulainvilliers, Montesquieu, Dubos, de Mably, etc., s'étaient tour à tour engagés avec plus ou moins de succès dans le labyrinthe de nos origines. Il était réservé à notre jeune compatriote de saisir mieux que tout autre, le fil destiné à la guider à travers les détours les plus obscurs du dédale. Soutenue par l'ambition justifiée de combler une lacune laissée à regret dans le livre de l'Esprit des Lois elle voulut composer la théorie de nos lois politiques que Montesquieu n'avait pu joindre à sa théorie des lois civiles.

« Ses parents, effrayés de la difficulté et de l'immensité d'une semblable tâche, combattirent d'abord son projet ; elle triompha bientôt de leur opposition, et reléguée dans le repos de la province, ignorée du monde, elle put, sans entraves, se livrer au génie qui l'inspirait, consacrer ses plus belles années à satisfaire son irrésistible penchant pour les travaux historiques, et jeter les bases de son ouvrage » (1).

Les essais de cet ouvrage dressé avec art, divisé en trois parties la première appelée Discours qui est l'ouvrage lui-même ; - la deuxième nommée Sommaire des preuves où l'énumération des pièces justificatives, et l'indication des Preuves que contient la troisième, furent confiés par son père à M. de Malesherbes, son plus intime ami. Celui-ci les communiqua à M. de Brecquigny, au duc de Nivernais, à Dom Périer, nommé plus tard censeur de l'ouvrage, et à d'autres hommes éclairés qui, tous, attachèrent à ce travail une grande importance, encouragèrent l'auteur à le poursuivre, et mirent à sa disposition les documents qu'ils possédaient. Grâce à leur entremise, M. d'Ormesson envoya à la jeune savante plusieurs livres de la bibliothèque du roi ; les bénédictins de Poitiers ouvrirent également leurs trésors, et adressèrent à la Proustière les ouvrages les plus spéciaux.

« Enhardie par ces suffrages, et surtout par l'approbation et les conseils de Brecquigny, qui ne pouvait se défendre d'une sorte d'enthousiasme en voyant dans une femme une maturité de jugement et une portée d'esprit qui se rencontrent rarement chez les hommes, Mlle de Lézardière poursuivit laborieusement son œuvre et termina les deux premières époques, qui s'arrêtent à la fin du règne de Charles-le-Chauve, en 877. En les livrant à l'impression, elle annonça dans sa préface, comme étant presque achevée, la troisième partie, qui devait exposer les modifications et la tradition du droit public de la monarchie, depuis la division de l'ancien empire franc jusqu'au règne de Philippe-le-Bel.

La destinée de ce livre eut quelque chose de triste ; fruits de longues années de travail, il fut, durant ce temps, l'objet d'une attente flatteuse dans la science et dans la société. M. de Malesherbes en suivait les progrès avec une sollicitude mêlée d'admiration ; tout semblait promettre à l'auteur un grand succès et de la gloire ; mais la publication fut trop tardive et les événements n'attendirent pas. La Théorie des Lois politiques de la Monarchie française s'imprimait en 1791, et elle était sur le point de paraître lorsque la monarchie fut détruite. Séquestré par prudence durant les troubles de la Révolution, l'ouvrage promis depuis tant d'années ne vit le jour qu'en 1801, au milieu d'un monde nouveau, bien loin de l'époque et des hommes pour lesquels il avait été composé (2) ».

Le malheur de ce grand travail - nous venons de le dire - fut d'arriver à son terme au moment où l'ancienne monarchie s'affaissait ; et si la Révolution eût été moins passionnée, peut-être eût-elle accueilli avec reconnaissance un ouvrage aussi propre à lui retracer les constitutions primitives de la patrie.

Examinons maintenant les jugements qui ont été portés sur la manière dont Mlle de Lézardière a rempli le cadre qu'elle s'était tracé pour renverser les traditions universellement admises jusqu'à elle.

Dom Périer, membre de l'Académie des belles-lettres, chargé de l'examen du manuscrit, s'exprime ainsi dans son attestation du 31 mars 1791 : « Cet ouvrage, l'un des plus savants et le plus méthodique que l'on ait composés sur le sujet annoncé par le titre, est le fruit d'environ 20 années de recherches immenses et d'un travail assidu... Le style en est simple, clair et tel qu'il convient à un sujet qui n'en exige point d'autre... C'est un vrai phénomène au milieu de tant de productions frivoles et de livres superficiels dont notre littérature est surchargée ; phénomène littéraire qui paraîtra encore plus surprenant, lorsque l'auteur aura jugé à propos de se faire connaître.

« On ne peut que louer l'auteur, dit-il enfin, de n'avoir point adopté les préjugés de ses devanciers ; mais elle-même n'a pu se défendre de l'esprit de système, et le sien, pour différer des autres, n'en est pas moins exclusif. »

M. de Savigny attaque sur quelques points l'opinion de Mlle de Lézardière, qu'il prétend être tombée dans diverses méprises, sur la nature des institutions romaines. « Cette critique fut-elle fondée (ce qu'il ne faut pas admettre superficiellement), quel savoir encore dans une femme pour traiter de pareilles questions avec tant d'habileté, avec une aussi incontestable supériorité (3) ! »

M. Augustin Thierry (4), après avoir condamné le système, qu'il ne trouve pas toujours fondé sur l'ensemble et l'intégrité des monuments historiques, reconnaît que l'ouvrage, plus savamment et plus fortement motivé que ceux des auteurs qui l'avaient précédé, est digne de gagner le suffrage des esprits les plus sérieux, et il ajoute :

« Si Mlle de Lézardière, livrée à l'étude exclusive des documents législatifs séparés de l'histoire elle-même, oublie les règles de la méthode historique pour se livrer à un travail tout spéculatif, où la chronologie ne joue aucun rôle, ce travail est complet, ingénieux, sauvent plein de sagacité. Elle est douée d'une remarquable puissance d'analyse ; elle cherche et pose toutes les questions importantes et ne les abandonne qu'après avoir épuisé les textes qui s'y rapportent. »

 

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Enfin, il est avéré que M. Guizot a beaucoup emprunté à Mlle de Lézardière, dans ses Essais sur l'Histoire de France, M. Jourdan fournit, à l'époque où ils parurent, des preuves d'imitations nombreuses ; et, après avoir signalé une erreur dans laquelle est tombé l'habile professeur en parlant des décurions, le critique ajoute « Pourquoi M. Guizot a-t-il abandonné pour cette fois son guide accoutumé ? »

« Ce passage n'est-il pas la preuve de l'estime que portent à l'auteur de la Théorie des Lois politiques ces deux derniers écrivains ? »

La Théorie des lois politiques de la monarchie française était divisée en trois Epoques ; - avant Clovis, - de Clovis à Charles-le-Chauve, - de celui-ci à Saint Louis. - Les deux premières seulement furent imprimées en 1791 et publiées sans nom d'auteur. Les préoccupations d'alors en empêchèrent le débit, et le magasin où l'édition entière était en dépôt, fut pillé. La famille de Lézardière, de son côté, souffrit cruellement de la Révolution. Le château de la Proustière fut incendié deux ans avant l'insurrection vendéenne, et au moment même où l'ouvrage voyait le jour, les livres du château, les documents prêtés par la bibliothèque nationale et par le couvent bénédictin de Poitiers furent dévorés par les flammes. La famille se dispersa après cet événement. Deux frères de notre auteur furent condamnés par les tribunaux révolutionnaires, et un troisième, prêtre, fut compris dans le massacre des Carmes. Le baron de Lézardière, qui n'avait pas émigré, se trouva néanmoins inscrit sur la liste fatale, et fut obligé de se réfugier à l'étranger. Melle de Lézardière erra sur le sol français, emportant avec elle un exemplaire de son ouvrage imprimé, et le manuscrit inédit contenant la troisième Époque.

Elle revint en 1801, avec deux de ses frères qui avaient survécu, s'établir à la Proustière, sous un toit modeste, relevé avec les débris de l'incendie, et qui depuis la reconstruction du château sert de remise. Elle y a passé le reste de sa vie jusqu'en 1835, dans cette intimité douce et distinguée qui, de temps immémorial, a été le partage de la famille de Lézardière. Comme l'a fait observer un spirituel biographe de Mlle de Lézardière. M. Oscar Pinard (5), on ne pourrait citer aucun auteur de quelque renom qui se soit autant survécu que celui de la Théorie des lois politiques. Lorsqu'elle vit le résultat de tant de travaux foulés aux pieds par la Révolution, elle était âgée de 37 ans, c'est-à dire dans la force de l'âge et du talent. Dix ans plus tard, elle n'avait certainement rien perdu de ses facultés ; mais, au lieu de rentrer dans la lutte, elle accepta l'oubli auquel les événements semblaient la condamner et quand l'auteur du Dictionnaire des Anonymes la déclara décédée en 1814. elle ne réclama pas plus contre son assertion que contre l'injustice révolutionnaire. Elle remit à Dieu et au temps le soin de la juger. Le jour de la justice se leva en effet, mais par des lueurs tardives et lointaines. L'un des rares exemplaires échappés au pillage avait passé la frontière, et était allé, en Allemagne, aux mains de l'auteur de l'Histoire du droit romain pendant le moyen-âge, M. de Savigny. Le savant professeur prussien, après avoir passé en revue les travaux historiques de Dubos, de du Buat, de Mably et de Moreau, déclara le plan et l'exécution du livre de Mlle de Lézardière, comme étant sans contredit plus profond et plus conforme aux sources que ceux des ouvrages précédents.

C'était, depuis les voix éteintes de MM. de Malesherbes, de Brecquigny et de Dom Périer, le premier hommage rendu à un noble travail, et cet hommage avait dû venir de l'étranger ! L'Atlas historique de Lesage répéta le nom de Melle de Lézardière. MM. Guizot et Augustin Thierry apprirent par l'ouvrage de Savigny, l'existence de celui de notre compatriote. Ils le recherchèrent, le lurent et l'apprécièrent (6). L'école de ces deux célèbres historiens publicistes, loin de renier le passé de la patrie, comme l'avait fait celle de la Révolution, s'appliquait au contraire à rechercher dans la France d'autrefois les titres de celle d'aujourd'hui, et à relier l'une à l'autre comme la conséquence à ses prémices. Ils résolurent d'arracher la Théorie des lois politiques à l'oubli dont l'avait recouvert le malheur des circonstances.

Mlle de Lézardière venait de descendre dans la tombe. Des ouvertures furent faites à sa famille par les hommes illustres dont nous venons de parler.

Un de ses frères, le Vicomte Charles, député de la Vendée en 1823, avec qui elle avait passé sa vie depuis 1801, se chargea de répondre à l'appel si honorablement adressé par M. Guizot, alors ministre de l'instruction publique. Il dirigea. la nouvelle édition et la compléta par la troisième Epoque restée inédite. L'ouvrage, formant quatre volumes in-8°, fut imprimé sans luxe, mais avec le mérite préférable que portent avec elles les presses si renommées de la maison Crapelet. Il parut en 1844, alors que d'autres travaux, fruits de savantes recherches, s'efforçaient également de porter la lumière sur nos origines. Ces études peuvent différer par les nuances, mais toutes s'accordent sur le fond. La thèse, devenue irrécusable par un tel concours, est toujours celle-ci : Les Français furent libres a leur origine, mais dans la marche des événements et de la civilisation, ils ont vu, par un singulier retour, leurs libertés politiques se restreindre au lieu de se développer. Sous Clovis, sous Charlemagne, ils furent libres et barbares ; sous le règne de Louis XIV ils avaient acquis tout l'éclat de la civilisation et perdu toute trace de liberté primitive (7). »

En résumé, comme le dit si justement M. Mourain de Sourdeval, dans son travail sur Melle de Lézardière et auquel nous avons fait de nombreux emprunts : « Si vous voulez connaître à fond les ressorts qui successivement ont fait mouvoir notre nation, lisez l'ouvrage de Melle de Lézardière ; il n'y a pas de meilleur guide jusqu'au règne de saint Louis, et après ce grand prince, qui apparaît comme le point de partage entre l'âge féodal et l'âge administratif, lisez l'histoire du Tiers-Etat par M. Augustin Thierry, et une histoire de l'Administration par M. Cheruel. Vous aurez de la sorte une histoire complète de la constitution française. L'ouvrage de Melle de Lézardière n'est pas un simple tableau dont l'effet dépend du jour sous lequel il est placé, de l'emploi des couleurs, ou dont le mérite provienne de l'imagination de l'auteur ; c'est plutôt un édifice élevé par un architecte habile, sur une base solide, et construit avec des matériaux également bien choisis, taillés, appareillés et cimentés. Cet édifice peut-être vu de toute face. Sans doute, il a ses défauts comme toute œuvre humaine, mais ces imperfections ne compromettent ni sa solidité, ni le mérite de son plan ou de son exécution. Il est peu de livres autant que celui-là en état de lutter contre les injures du temps, et de rester intact devant les progrès de l'avenir. Il a été écrit au fond de notre province, il a pris rang parmi les titres les plus complets et les plus authentiques de la patrie ; il en est un immortel pour le sol vendéen (8) ».

 

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(1) Histoire littéraire du Poitou. (Dreux- Duradier).

(2) Augustin Téierry. - Introduction des Récits Mérovingiens.

(3) M. de La Fontenelle de Vaudoré, à qui cette dernière phrase est empruntée, a payé à Mlle de Lézardière son tribut d'éloges dans un article publié en 1835, dans la Revue de l'Ouest, pour annoncer Ia mort de cette célèbre bas-poitevine. Histoire Littéraire du Poitou. - Dreux-Duradier, p.,653.

(4) Loc. jam. cit,.

(5) La notice trés intéressante de M. Oscar Pinard sur Mlle de Lézardière fait partie d'un volume de cet auteur intitulê : L'histoire à l'audience ; elle a êté reproduits par le Publicateur, journal de la Vendée, les 2 et 9 septembre 1849. Une autre notice sur notre auteur, par le comte de Lastic Saint-Jal, est insérée au Bulletin de la société de Statistique des Deux-Sèvres 1842, p. 126.

(6) Voir l'avant-propos des Récits des temps mérovingiens, par M. Augustin Thierry.

(7) Annuaire, Société d'Émulation de la Vendée, pp. 181-84 et 193.

(8) Annuaire, Société d'Émulation de la Vendée, pp. 181-84 et 193.

 

 

LE CARDINAL DE LA FARE

 

Le cardinal de La Fare (Anne-Louis-Henri), naquit au château de Bessay le 9 septembre 1752. Il était le fils de Dominique de la Fare, ancien officier de cavalerie au régiment de Chabrillant, et de Gabrielle Gazeau de Champagné, héritière par sa mère de la branche aînée des Bessay. - Après de brillantes études au collège Louis-le-Grand, il fut ordonné prêtre, et à 26 ans nommé vicaire général de Dijon, grâce un peu à la recommandation de son parent le cardinal de Bernis.

Successivement nommé élu général du clergé de la province de Bourgogne (1782-1787), membre de l'Assemblée des notables qui se réunit à Versailles le 22 février 1787, il était le 7 octobre appelé à l'évêché de Nancy, et c'est en cette dernière qualité qu'il fit partie des Etats-Généraux. Ce fut lui qui, au milieu des applaudissements unanimes des trois ordres, prononça le discours d'ouverture. Après avoir, au 4 août 1789, fait preuve d'un grand désintéressement, il fut le 25 septembre de la même année élu un des secrétaires de l'Assemblée. La Constitution civile du clergé trouva en lui un adversaire résolu, qui devant les clameurs de la foule et les dangers qui naissaient sous ses pas, dut se réfugier près l'Archevêque de Trèves et de là à Vienne (Autriche).

Attaché en 1795 à la fille de Louis XVI, en qualité d'aumônier, ce fut lui qui négocia son mariage avec le duc d'Angoulême. - Au retour des Bourbons, il fut en 1814 chargé de faire exhumer de l'ancien cimetière de la Madeleine et transporter à Saint-Denis les restes de Louis XVI et de Marie-Antoinette. - En 1820 il était appelé à l'archevêché de Sens, et en 1822, élevé à la dignité de pair de France; et c'est en cette qualité qu'il prononça, le 25 février 1823, L'éloge funèbre du comte de Bernis, archevêque de Rouen, dont il était l'obligé, le parent, le condisciple et l'ami. Le 20 juin de cette même année, il recevait la barrette cardinalice ; le 26 août 1824, il était nommé ministre d'Etat et membre du Conseil privé.

Le 29 mars 1825, dans la cathédrale de Reims, il prononçait à l'occasion du sacre de Charles X, un grand discours religieux, dont il prit pour texte, ces mots appropriés à la circonstance :

« Spiritus Domini super, me quod, Dominus unxerit me ». - Il mourut le 11 décembre 1829, au retour d'un voyage à Rome, et fut inhumé à Sens, dans le caveau destiné à recevoir la dépouille mortelle des archevêques.

 

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CAVOLEAU

 

Cavoleau, né à Légé, département de la Loire-Inférieure, le 3 avril 1754, était au moment de la Révolution, curé de la paroisse de Péault, près Luçon. Tout en se vouant à l'éducation morale et religieuse de la population qui lui était confiée, il comprit qu'il devait encore travailler de tous ses efforts à l'associer au mouvement de la civilisation et aux améliorations matérielles, et c'est dans cette pensée que, l'un des premiers, il conçut et réalisa au milieu de la Vendée, le projet de ces fermes-modèles, qui, de nos jours, rendent tant de services à l'agriculture.

Mais pendant que le prêtre-laboureur se livrait dans le calme et la retraite à ses utiles et paisibles occupations, les vieilles institutions de la monarchie disparaissaient chaque jour, et déjà se formait à l'horizon l'orage qui devait modifier de fond en comble la vieille organisation politique et administrative de la France. - A peine le département de la Vendée avait-il été créé, que le 9 novembre 1790, le Directoire ordonnait à Péault, l'établissement d'une bergerie-modèle, dont était nommé directeur Cavoleau, qui, ayant prêté serment à la Constitution civile du clergé, allait devenir bientôt vicaire-général de l'évêque constitutionnel de la Vendée, puis à la fin de 1792, membre et président du Conseil général du même département. Et c'est dans ces fonctions qu'il se révéla un administrateur remarquable, en sauvant de la famine les populations de notre malheureux pays, et un courageux citoyen, en résistant seul à une bande de forcenés, qui, dans la salle de l'Union-Chrétienne de Fontenay-le-Comte, voulaient massacrer quatre-vingts ecclésiastiques destinés à l'exil.

Lorsque la tempête révolutionnaire s'apaisa, Cavoleau devint successivement membre du Jury de l'Instruction publique, professeur d'histoire naturelle à l'école centrale de Luçon, puis secrétaire général du département, poste qu'il occupa jusqu'au retour des Bourbons.

De 1800 à 1814, il s'occupa de l'organisation syndicale des marais, en étudia l'histoire depuis les temps les plus reculés, se pénétra du mécanisme de leur administration, en signala les abus et les fit réformer. On lui doit spécialement les décrets impériaux qui ont organisé la société des travaux de desséchement des marais du Petit-Poitou et qui ont arrêté les usurpations dans le vaste communal de Benet. Il fut aussi associé à toutes les études du célèbre inspecteur-général de Prony, ayant pour but de créer une navigation intérieure pour le département. Fondateur d'un Journal politique et littéraire, qui eut de nombreux lecteurs, il fit paraître des Annuaires remarquables, publia une fort intéressante Statistique du département de la Vendée, qui révèle une connaissance approfondie du pays, et qui obtint une mention honorable de l'Institut. - Mais l'esprit de parti est aveugle dans les réactions politiques, tous les services sont oubliés et tous les droits méconnus. Cavoleau fut destitué. - Après avoir, grâce à M. de Barante, ancien préfet de la Vendée, qui avait su l'apprécier, rempli pendant quelque temps les fonctions de conseil pour les affaires contentieuses de l'administration des contributions indirectes, Cavoleau se retira chez un de ses amis de Fontenay, où il mourut en 1839, dans un état voisin de l'indigence, car il avait au plus haut degré les deux premières vertus des hommes public : la probité et le désintéressement.

Cavoleau, qui a travaillé jusqu'aux derniers moments de sa vie, était membre de la Société académique de Nantes, des Sociétés d'agriculture, philomathique et d'horticulture de Paris, des Sociétés d'agriculture de Niort, de La Rochelle, de Poitiers et de plusieurs autres sociétés savantes.

Une pierre tombale en granit, érigée il y a quelque trois ans, au cimetière de N.-D., par les soins de la municipalité de Fontenay-le-Comte, indique l'endroit où reposent les cendres de Cavoleau. Si le nom de cet homme de bien n'a pas eu de retentissement, c'est qu'enfant de la Vendée, il a consacré toute sa vie au pays qui l'a vu naître, et que c'est sur les grands théâtres et dans les grandes cités que la renommée distribue surtout ses couronnes.

 

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Le R. P. BAUDOUIN

 

Le R. P. Baudouin (Louis-Marie), naquit à Montaigu le 2 août 1765. Sa mère, restée veuve de bonne heure, entoura sa jeunesse d'une grande sollicitude et développa chez lui les sentiments d'une vive piété. A 15 ans il perdit cette excellente conseillère, et fut, par l'intermédiaire d'un de ses frères, vicaire à Chantonnay, placé au séminaire de Luçon, où il se montra un élève modèle. Effrayé des devoirs qu'impose le sacerdoce, il hésita un instant à recevoir les ordres majeurs, et il ne fallut rien moins que la main secourable de son frère alors curé de Luçon, et de ses supérieurs, pour lui faire franchir, comme diacre, les degrès qui devaient pour toujours le séparer du monde. Après avoir professé avec succès, et par ordre de ses supérieurs, renoncé aux missions étrangères, il était, par suite des évènements, ordonné prêtre à Saint-Malo par Monseigneur de Pressigny, son évêque diocésien, Mgr de Mercy, étant en ce moment aux Etats-Généraux.

 

Maison près du pont Jarlet, à Montaigu, où est né le R.P. Baudouin.

 

Agé alors de 24 ans, il refuse avec son frère le serment civil, et au mois de septembre 1792, s'embarque avec lui pour l'Espagne, d'où ils ne revienrent qu'au mois d'août 1797 : et c'est alors que d'accord avec son ami Lebédesque, il résolut de mettre à exécution le projet qu'il avait conçu depuis longtemps ; je veux parler de la fondation de la Congrégation des Ursulines de Jésus. Secondé par une femme d'élite, Mme Charlotte Ranfray de la Rochette, en religion Mme Saint-Benoist, et après avoir desservi la Jonchère et Saint-Cyr, il put, après sa nomination de curé de Chavagnes, voir se réaliser son plus cher désir. En 1802 Mme Saint-Benoist arriva à Chavagnes accompagnée de Mme Saint-Arsène et de quelques personnes qui se sentaient une vocation pour la vie religieuse. L'école s'ouvrit aussitôt et les élèves y affluèrent. Telle fut l'origine de la Congrégation des Ursulines de Jésus qui, après un siècle d'existance compte aujourd'hui plus d'un millier de religieuses et de nombreuses maissons d'éducation, tant en France qu'à l'étranger.

L'éducation des jeunes filles étant assurée, il s'occupa de pourvoir à celle des garçons, et à la fin de 1802, était fondé le séminaire de Chavagnes.

Au mois d'août 1808, le père Baudouin étant allé offrir ses vœux à Napoléon 1er et à l'impératrice à la Chardière, le grand capitaine lui promit, pour le développement de son œuvre, quatre-vingt mille francs qui ne furent jamais versés. Mais le zèle du père Baudouin pourvut à tout. Un décret impérial ayant soumis à l'inspection de l'Université les écoles ecclésiastiques secondaires, Mgr Paillou transféra le grand séminaire à La Rochelle et appela à sa direction le supérieur de Chavagnes, qui ne laissa pas sans un déchirement de cœur les deux communautés qu'il avait formées.

A La Rochelle comme partout, le père Baudouin fut un prêtre admirable, que son évêque nommait bientôt grand vicaire de la cathédrale. Après des événements de diverses sortes qui, plus d'une fois, attristèrent le cœur du vénérable prêtre, le fondateur des Ursulines était, par Mgr Soyer, appelé au poste éminent de vicaire général et de supérieur du grand séminaire de Luçon. Mais la perte de sa sœur vénérée et quelques difficultés avec son évêque, altérèrent profondément sa santé. Les dernières années passées sur la terre ne furent pour lui qu'une longue souffrance ; ses nerfs se paralysèrent, si bien qu'il devint insensible aux impressions du chaud et du froid. On pouvait bien appliquer ces vers du poète :

L'été n'a point de feux

L'hiver n'a point de glaces.

Le 12 février 1835, après une longue agonie, il expirait au milieu de la communauté qu'il avait créée par son zèle, pourvue d'un hôpital, soutenue de ses exhortations, édifiée par son exemple (1).

 

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(1) La collaboratrice du R. P. Baudouin, Charlotte Ranfray de la Rochette, née à Luçon le 4 novembre 1755, l'avait précédé au tombeau. Elle était morte presque subitement à Saintes, au mois de juillet 1828. - La Vendée adonné aussi a la fin du siècle dernier (31 juillet 1796), le jour à une autre noble femme : Rose Virginie Pelletier, née à Noirmoutier, supérieure de la Congrégation de N.-D. de Charité du Bon Pasteur, morte à Angers en 1871.

Voir pour sa biographie et celle de Charlotte de Ranfray : Les Biographies vendéennes de Merlan T. IV.

 

 

GARNEREAU

 

Garnereau (Francois-Gabriel), naquit à Fontenay-le-Comte le 14 septembre 1765, d'une famille d'honorables commerçants. Après de bonnes études au collège de sa ville natale et au séminaire d'Angers, où il connut l'abbé Soyer, plus tard évêque de Luçon, et le fameux abbé Bernier, Garnereau, chassé par la Révolution, revint à Fontenay, où il occupa, pendant quelque temps, une chaire de professeur, mais le flot montant de la démagogie le força de quitter cette ville, et d'aller chercher un asile au château de la Mothe, où il fit la connaissance d'Henri de la Rochejaquelein.

Ordonné secrètement prêtre à Nantes, l'abbé Garnereau, grâce à un passeport que lui procure un garde national nommé Bompart, se réfugie en Angleterre, où il devient professeur de français. Il y reste jusqu'au 18 brumaire. La voix de Bonaparte, réveillant alors la France de sa profonde léthargie, rouvrit les églises et les collèges, et Garnereau fut chargé de réorganiser comme Principal celui de Fontenay, qu'il dirigea d'une façon remarquable jusqu'en 1811. - A cette date, de Fontanes, ministre de l'Instruction publique dont il était l'ami, le chargea d'aller organiser l'Université impériale dans les collèges d'Italie. Après avoir rempli cette mission avec ardeur, l'abbé Garnereau est successivement promu Principal du collège de Niort, puis Inspecteur d'académie à Poitiers et à Orléans.

 

Le chalet de Saint-Luc, actuellement habité par M. Espierre d'après une photographie de M. Gabriel Espierre.

 

En 1822 il abandonne l'enseignement pour jouir de sa liberté et de la fortune qu'il avait acquise. Il revoit l'Angleterre, va en 1836 saluer le vieux roi Charles X en exil, parcourt la Bavière, la Hollande, et en 1842 toutes les grandes villes d'Italie.

A partir de ce moment, l'abbé Garnereau mena une existence plus sédentaire. Retiré dans sa solitude de Saint-Luc, près de Fontenay, au lieu où s'élève le joli cottage de M. Espierre, reproduit dans notre texte, l'abbé Garnereau, assis sur ces âpres rochers, sembla poursuivre à l'horizon le souvenir de son passé, comme un vieux matelot qui, du port où il est retenu par les ans, voit s'enfuir le vaisseau où s'écoula sa jeunesse.

C'est dans cet asile de la paix, où il semait à pleines mains le bien autour de lui, que s'éteignit doucement l'écrivain, le poète, l'artiste, le grand chrétien que fut l'abbé Garnereau, dont le cœur repose dans un modeste oratoire élevé au milieu même où le pieux solitaire rendit I'àme le 3 juin 1847, après avoir donné presque tous ses biens aux pauvres, et sa précieuse bibliothèque à sa ville natale.

Ses œuvres consistent principalement en deux volumes in-8° intitulés Opuscules littéraires, en prose et en vers, et Voyages en quelques parties de l'Europe. Toutes portent le cachet d'une honnêteté rigide et d'un travail consciencieux. Le but poursuivi par l'auteur n'a pas été surtout d'amuser ses lecteurs, mais de les instruire et de les rendre meilleurs en leur enseignant une morale pure, indispensable au bonheur des individus et des peuples.

 

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RENÉ GUINÉ

 

Parmi les marins illustres que le Bas-Poitou a donnés à la France, il n'en est pas de plus populaire que celui de René Guiné, né aux Sables-d'Olonne le 7 janvier 1768. Sans doute il n'eut pas les grandes places occupées par les Duchaffault, les Vaugiraud, les Grimouard, les Hector, les des Touches ; mais dans un temps difficile, il protégea le commerce, sauva la fortune des armateurs de Bordeaux, de La Rochelle des Sables-d'Olonne et de Nantes.

Pendant que dans la Vendée, Charette, Royrand, Marigny, de Vaugiraud, Duchaffault et Grimouard, les deux de Lézardière, et bien d'autres, par peur d'une Révolution qui les épouvante, refuseront leur concours à la République, et la plupart iront la combattre, leur place sera prise par une jeunesse inexpérimentée, mais ardente et patriote, au premier rang de laquelle allait se signaler le jeune Guiné.

Simple enseigne de vaisseau en 1794, au moment où la France, triomphante de la coalition des rois, venait de perdre une partie de ses colonies, Guiné s'empare à l'entrée de la rivière des Amazones de plusieurs navires portugais, et sauve Cayenne des mains de l'ennemi.

Chargé en 1796 d'une mission secrète, il reçoit le commandement de la corvette La Gaîté, armée de vingt canons, avec ordre d'éviter tout engagement avec l'ennemi. Rencontré par la frégate anglaise l'Arethuse, que montaient quatre cents hommes d'équipage, le commandant Guiné oublia ses instructions, et plutôt que de prendre chasse devant l'ennemi, se prépara à le combattre.

La supériorité des forces de son redoutable adversaire ne l'intimida point, et après une lutte acharnée de plusieurs heures et trois essais d'abordage, La Gaîté, trouée de boulets, faisant eau de toutes parts, amena son pavillon. L'Aréthuse conduisit sa prise en Angleterre, mais elle lui coûtait cher, car elle avait elle-même tellement souffert qu'elle avait peine à tenir la mer.

Malgré son dénouement, ce combat fut considéré par tous les gens du métier comme un des plus glorieux qu'eut livré notre marine. Traduit devant un Conseil de guerre pour désobéissance aux ordres reçus, et malgré l'admiration du jury pour tant de bravoure, Guiné n'en fut pas moins condamné à servir cinq ans en sous-ordre. - Ce jugement d'une sévérité inouïe produisit dans le port de Rochefort une sensation pénible, et un brave marin, le vice-amiral Martin, parti comme Guiné des derniers rangs de la marine, s'approchant du capitaine de vaisseau qui avait présidé le Conseil de guerre lui dit à voix basse : « Monsieur, si j'étais à votre place, j'irais me pendre ! »

Embarqué en sous-ordre, successivement sur le Rhinocéros, la canonnière l'Ile-Dieu, la corvette le Citoyen, la frégate la Thémis, le vaisseau Duguay-Trouin, la gabarre La Lionne, ses chefs, rendirent de lui un si brillant témoignage qu'il fut appelé au commandement de la corvette la Bergère, chargée après la paix d'Amiens de conduire l'ambassade française à Constantinople et de déposer des consuls dans toutes les Echelles du Levant.

Mais pendant ce temps-là, les gazettes anglaises redoublaient de déchaînement contre la France, et comme le disait le premier Consul « Chaque vent qui se levait de l'Angleterre ne lui apportait que haine et outrage ». Au mois de mai 1803, la guerre recommença avec un nouvel acharnement.

Guiné commandait alors le lougre l'Angélique, dont l'artillerie se composait de six canons de quatre. Attaqué devant la Teste par le cutter anglais la Providence, armé de seize canons de seize et de dix-huit, il le força après un combat opiniâtre à prendre le large.

La défaite de Trafalgar venait de donner l'empire des mers aux Anglais, qui insultaient nos côtes, bloquaient nos ports, et couraient sus aux navires qui se hasardaient à en sortir. Mais si nos couleurs ne flottaient plus sur nos escadres, de hardis corsaires les arboraient encore en haut de leurs mâts.

Pendant qu'ils ruinaient le commerce de l'Angleterre, Guiné entreprenait de protéger et de défendre celui de la France. Pour y parvenir, il organise dans le port des Sables, une flottille composée de quinze péniches, ayant à leur tête un lougre, Le Rapace, qu'il monte aussi fièrement que s'il eut été le vaisseau amiral. Pendant dix ans, avec une activité, une patience, un courage qui ne se lassent jamais, il accompagne les convois de Bordeaux à La Rochelle, de La Rochelle à Nantes, ayant Les Sables-d'Olonne pour port de refuge.

Luttant.contre les tempêtes, côtoyant la terre, et pour éviter d'être pris, s'exposant au naufrage, il sauve de 1805 à 1811, plus de trente navires et s'empare de plusieurs bâtiments anglais.

Le 23 février 1809, trois frégates françaises aux ordres du vice-amiral Jurien de la Gravière, bloquées dans le port des Sables par l'escadre de l'amiral Stopfort, sont dégagées grâce surtout au feu nourri des batteries de terre, dont la plus importante, celle de Saint-Nicolas, est sous les ordres du capitaine Guiné. On se battait de si près qu'un nuage de fumée dérobait souvent la vue des combattants.

La terreur qu'inspirait Guiné à l'Angleterre était telle, que tous les navires qui sortaient de ses ports avaient pour mot d'ordre cette recommandation si honorable pour lui : « Défiez-vous du commodore Guiné dans le golfe de Gascogne ».

 

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Le 24 mars 1812, la chambre de commerce de Nantes, en témoignage de gratitude, offrait à Guiné une épée d'honneur, et la ville de La Rochelle ne voulant pas demeurer en reste avec celle de Nantes, lui faisait don d'un instrument de marine.

Guiné eut non seulement l'estime de ses concitoyens, mais aussi celle de ses ennemis, et la paix signée après la chute de Napoléon, le commandant de la croisière anglaise, dans le golfe de Gascogne, voulut faire la connaissance du vaillant capitaine qui avait défendu la station des Sables. Il l'invita à sa table et lui exprima vivement les entiments qu'il avait pour sa personne et son caractère.

Nommé officier de la Légion d'honneur par Louis XVIII, le 18 août 1814, il fut, après les Cent jours, rayé des cadres de la marine, avec une misérable pension de 750 francs. Triste effet de nos discussions politiques et faute trop souvent renouvelée par les gouvernements, quand, au lieu d'accueillir tous les dévouements à la patrie, sous quelque drapeau qu'ils l'aient servie, obéissant au sentiment de la rancune ou de la colère, en font une politique d'exclusivisme.

Guiné, qui n'avait que 47 ans quand il fut arrêté dans sa carrière, ne put se résigner au repos, qui, pour un homme aussi actif, était une mort anticipée. - La mer, avec ses tempêtes et ses écueils, conserve pour tous ceux qui l'ont parcourue longtemps, des charmes irrésistibles, et Guiné ne voulut pas la contempler du rivage.

Sans fortune, après avoir été capitaine de frégate, il devint capitaine d'un navire de commerce du port de Nantes. Mais au sein de ces nouvelles occupations, la certitude de ne plus pouvoir se mesurer avec l'ennemi, le laissait, en souvenir du passé, plein de regrets et de tristesse. La conscience d'avoir toujours bien servi son pays et de pouvoir le servir encore, le sentiment de l'injustice dont il était victime, et aussi peut-être une noble ambition, troublaient continuellement sa pensée : il n'en parlait guère, mais il en était sans cesse tourmenté : il se soumettait, mais ne se résignait pas. Le chagrin, les fatigues, les blessures, les infirmités usèrent avant l'âge un corps d'ailleurs peu robuste, mais qu'animait toujours une âme ardente. Le 4 décembre 1821, à l'âge de 53 ans, Guiné mourait à Nantes. La ville qui l'avait tant honoré de son vivant (1) ne l'a pas oublié après sa mort. Elle lui a élevé une tombe sur la table de marbre de laquelle on peut lire encore la recommandation que l'amirauté donnait aux navires anglais : « Défiez-vous du commandant Guiné dans le golfe de Gasgogne (2) ».

 

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(1) La ville de La Roche a donnée le nom de Guiné à une de ses rues, et celle des Sables à un de ses quais.

(2) Extrait analytique de là biographie de Guiné, par Merland.

 

 

LE GÉNÉRAL BELLIARD


Belliard (Augustin-Daniel), comte de Plock, général de division, pair de France, ambassadeur à Vienne et à Bruxelles, grand-cordon de la Légion d'honneur, naquit à Fontenay-le-Comte, le 25 mai 1769, la même année que le grand capitaine qu'il devait accompagner sur tant de champs de bataille. Député par la ville de Fontenay, à la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, il revint de Paris plein d'enthousiasme, et l'année suivante, ses concitoyens l'élisaient capitaine de la 1re compagnie du bataillon des volontaires formé à Fontenay pour aller combattre l'ennemi. Belliard rejoignit l'armée du Nord, où il demeura pendant quelque temps sous les ordres de Dumouriez. A Valmy, au milieu de la canonnade, il transmet d'un corps d'armée à un autre, les ordres de Beurnonville. A Jemmapes, bien que blessé d'une chute de cheval, il prend néanmoins part à la charge brillante fournie par le 1er hussards de Bercheni, où se trouvaient beaucoup de Vendéens, et qu'il avait lui-même conseillée.

En 1796, il va rejoindre cette glorieuse armée d'Italie que commandait un jeune général de 27 ans, prend part à tous les combats et, lorsque le vainqueur d'Arcole un drapeau à la main, se jette au milieu des boulets et des balles pour électriser ses troupes, Belliard est au nombre des officiers qui l'entourent et le couvrent de leur corps ; et lorsque Bonaparte est précipité dans un marais, c'est Belliard qui rallie les grenadiers, se précipite à son tour sur les Autrichiens et dégage son général.

Nommé général de brigade, sur la présentation de Bonaparte, Belliard refuse ce nouveau poste, pour lequel il se juge insuffisamment préparé. Ne croit-on pas être au. temps des Républiques antiques et lire une page de Plutarque ?

Dans la campagne du Tyrol, il se multiplie au passage du Lavis, à Trente, à Brixen, où il fait 2.000 prisonniers au général autrichien Landon, et lui enlève quatre pièces de canon.

Le 9 février 1798, il s'empare de Civita-Vecchia, presque sans avoir éprouvé de résistance, et rejoint à Rome le général Berthier, qui bientôt ne tardait pas à l'envoyer avec une mission diplomatique à Naples, pour y maîtriser un peu les fureurs de la cour.

La France allait porter son drapeau sur l'antique terre des Pharaons et, là encore, Belliard devait se couvrir de gloire. Le 10 juin 1798, il contribue puissamment à la prise de Malte ; Alexandrie n'est qu'une étape pour l'armée française qui s'avance sur le Caire. Au village de la Chebreiss, les mamelucks se précipitent sur la division Desaix. Pour la première fois, nos soldats se mesuraient avec ces hardis cavaliers que, plus tard, ils devaient rencontrer si souvent. Le général Belliard forme la vingt-unième demi-brigade en bataillons carrés, et toute la furie des mamelucks vient se briser contre leurs baïonnettes. Au combat de Samnhour, Mourad-Bey allait encore se heurter contre l'aile droite de la petite armée de Desaix, commandée par Belliard qui, secondée par l'artillerie, devait mettre les mamelucks en déroute.

 

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Les poursuites allaient néanmoins recommencer contre un ennemi insaisissable, mais Belliard ne se bornait pas à combattre : tout ce qui appartenait à la science, à l'histoire, à la géographie, était de son domaine et l'intéressait vivement. Les savants, emmenés par Bonaparte, ne trouvèrent jamais un meilleur ami que Belliard.

L'armée française sillonnait l'Egypte en tous sens et franchissait les sables du désert. Belliard toucha presque les cataractes, et on vit nos drapeaux triomphants dans des contrées où l'aigle romaine n'avait jamais pénétré. Après avoir vaincu, au village du Benouth, le shérif Assan, il prend part à la bataille du Caire où, sous les ordres de Kléber, dix. mille français eurent à lutter contre soixante-dix mille ennemis. Les Osmalis s'étant précipités, suivant leur habitude, sur le premier corps qu'ils rencontrèrent, corps aux ordres de Belliard, furent arrêtés par les volées de mitrailles et dispersés. Après avoir combattu à Héliopolis, à Koraisie, repris Damiette, s'être trouvé à l'attaque du Caire où il avait reçu une glorieuse blessure, Belliard fut nommé général de division et, peu de temps après, rentrait à Paris, d'où le premier consul, qui lui avait fait l'accueil le plus flatteur, l'envoyait à Bruxelles prendre le commandement de la 24e division militaire ; il y resta jusqu'en 1804.

Chef d'état-major de Murat, il fut à Austerlitz (2 décembre 1805), classé brave parmi les braves, et nommé grand officier de la Légion d'honneur sur le champ de bataille. Gouverneur de Berlin pendant quelque temps, Belliard, dans les trois campagnes d'Austerlitz, d'Iéna et de Friedland, toujours aux côtés de Murat, partage ses dangers, et sa gloire.

Maintenant, d'autres guerres et d'autres devoirs vont appeler le glorieux Fontenaisien sous de nouveaux climats. Nommé gouverneur de Madrid, Belliard devient le conseiller intime du roi Joseph, qui bientôt, fuyant devant l'émeute, allait abandonner sa capitale. Le 2 octobre, Madrid, attaquée par nos troupes, allait être prise d'assaut, quand la Junte, pour éviter les horreurs du pillage, en livra les portes au général Belliard, malgré les cris d'une population furieuse. Redevenu gouverneur de Madrid, Belliard sut contenir les esprits, autant par la modération que par la fermeté, et plusieurs fois, empêcha le sang de couler, en se rendant seul au milieu des insurgés.

Créé comte de l'Empire et comblé d'honneur par le roi Joseph, il n'en reportait pas moins souvent ses regards sur la Vendée, que les longues et cruelles guerres avaient plongée dans la désolation et la misère. Propriétaire de vastes domaines en Espagne, il créa à Pahu, près Fontenay, une bergerie-modèle, par le croisement des mérinos de la Péninsule avec des brebis du pays, et il arriva ainsi à un métissage qui ne s'éloignait que très peu de la race pure. Non content d'avoir doté la Vendée de ce puissant élément de richesse, il créa un magnifique haras, où il envoya six belles juments destinées à la reproduction et des chevaux arabes. D'Espagne, il envoya également à la terre de Pahu, quatre étalons et cinq juments provenant de l'Andalousie, et quelque temps après une jument et un cheval anglais, pris à la Corogne.

Nommé le 29 août 1811 chef d'état-major de Murat à la Grande Armée, il alla rejoindre, dans les premiers jours de juin 1812, le roi de Naples, avec lequel il entrait bientôt à Wilna. Nous le voyons ensuite à Ostrowno, à Witeps, à Smolensk, à Dorogobonge, à Borodino. Dans cette dernière journée, Belliard avait eu deux chevaux tués sous lui. Le lendemain, 8 septembre, à Mojaisk, un boulet lui emportait le mollet gauche et l'empêchait d'être appelé au gouvernement de Moscou que l'Empereur lui destinait.

Napoléon avait espéré trouver la paix devant Moscou : il n'y trouva que l'incendie, et alors commença cette fameuse retraite, disons plutôt cette déroute, où fut anéantie la plus belle armée qui eut jamais sillonné l'Europe, où le froid et la faim détruisirent plus de braves que le fer de l'ennemi n'en avait atteints depuis vingt ans.

Parti de Moscou avec une énorme plaie à la jambe gauche, Belliard est tantôt conduit en voiture, tantôt à cheval, et quand le dernier cheval est tombé sur la neige, les aides-de-camp, les secrétaires et les domestiques le portent à dos. Robert Dubreuil, Pierre Auman, fils de sa nourrice, et un domestique nommé Louis Schalie, sont ceux qui le plus souvent s'en partagent le fardeau.

A peine guéri de ses blessures, il apporte dans ses nouvelles fonctions de colonel-général des cuirassiers, une activité prodigieuse pour réorganiser le corps de la cavalerie, et quand l'Empereur, parvenu à refaire une armée, ouvre la campagne de Dresde, il l'appelle auprès de lui en qualité d'aide major de l'armée.

Les victoires de Lutzen et de Bautzen rendirent à l'Empereur toute sa confiance et aussi, hélas ! tout son intraitable orgueil. Il ne voulut plus accepter la paix, si honorable qu'elle lui fut proposée ; il voulut l'imposer. Cependant le besoin de la paix était devenu si général, que jusque dans les rangs de l'armée on la demandait à haute voix, et Belliard eut le courage de dire hautement au maître impérieux, ce que beaucoup pensaient, mais n'osaient exprimer.

 

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Honorable, mais vaine tentative : l'Empereur demeura intraitable et Belliard, qui désirait vivement la paix, continua la guerre avec la même ardeur. Après avoir combattu à Dresde, il combattit à Leipzick, y eut deux chevaux tués sous lui et le bras gauche brisé par un éclat de mitraille. Sa blessure ne lui fit point quitter les rangs et nous le retrouvons encore à la bataille de Hanau.

Berthier ayant suivi Napoléon à Paris, Belliard est nommé major général de l'armée et envoyé en cette qualité à Metz, où il fait preuve d'un génie organisateur de premier ordre, mettant nos troupes, manquant de tout, atteintes par le typhus, en mesure de résister au nouveau choc de l'ennemi.

Alors commence cette héroïque campagne de France, où le nom de Belliard se rencontre à chaque page dans l'histoire de cette lutte suprême.

Le 11 février, portant un bras en écharpe, il charge les Russes retranchés à la ferme de la Haute-Epine et contribue à la victoire de Montmirail. Le 12, au combat de Château-Thierry, l'extrème droite de l'armée ennemie, tournée par ses escadrons, se sauve en désordre à travers les bois. Le 10 mars, devenu commandant de toute la cavalerie de la garde, il prend part à la bataille de Laon. Le 12, il est à Reims, et le 25 à la malheureuse affaire de la Fère-Champenoise, où la cavalerie ne cède que devant des forces écrasantes.

Il est un épisode de cette journée qui touche trop directement à notre pays pour qu'elle ne trouve pas sa place ici. Le général Pacthod, à la tête de recrues de paysans des départements de l'Ouest, n'ayant pas reçu les instructions que le maréchal Mortier lui avait envoyées, n'arriva sur le champ de bataille de la Fère-Champenoise que lorsque les maréchaux étaient en pleine déroute. « Rencontrés par toute l'armée alliée, dit M. de Norvins, dans son Ilistoire de Napoléon, ils se disposèrent à vendre chèrement leur vie. Les gardes russe, prussienne et autrichienne se brisèrent contre ces bataillons rustiques ; la mêlée devint affreuse. Les hommes de toutes les nations assaillirent cette poignée de Vendéens qui, la veille du retour des Bourbons, jurèrent de mourir pour Napoléon, refusèrent quartier et périrent presque tous », excitant, ajoute M. Thiers, l'étonnement et l'admiration du roi de Prusse et de l'empereur de Russie.

Ainsi, quel que soit le drapeau sous lequel aient combattu les Vendéens, le sentiment de l'honneur les a toujours animés également, et le moment est venu depuis longtemps de rejeter ces démonstrations injurieuses qu'enfanta l'esprit de parti. « N'ayons plus qu'un nom dans la Vendée, nous pourrions difficilement, dit un écrivain, en trouver un autre plus honorable. »

Le 30 mars a lieu à Fromenteau cette scène poignante que Thiers a si bien reproduite, et pendant laquelle Belliard apprend à l'Empereur la capitulation de Paris. Alors commença l'agitation de l'agonie, et à Fontainebleau, de tous ces généraux qu'au temps de sa fortune, il avait comblés d'honneur et de richesses, Napoléon ne trouva autour de lui pour recevoir ses adieux, que quelques-uns de ses compagnons d'armes : Petit, Drouot, Bertrand, Gaulaincourt et Belliard.

Délié de ses serments par Napoléon, Belliard vint offrir ses services aux Bourbons qu'il accompagna jusqu'à Beauvais, après.avoir indiqué loyalement au duc de Berry, qui l'affectionnait beaucoup, la ligne de conduite qu'il se proposait de suivre : « S'il n'y a. pas de guerre, dit-il, je ne prendrai pas de service, mais si l'ennemi se présente, on me verra dans l'armée pour défendre mon pays. »

Les couleurs impériales flottent de nouveau au sommet des Tuileries, Belliard est reçu par le souverain auquel il fait connaître les obligations qu'il a prises avec les princes, et le supplie de ne lui offrir en ce moment aucun commandement. Mais l'Europe était de nouveau liguée contre nous. Le 9 mai il arrivait à Naples pour seconder Murat. Après la bataille de Tolentino, si fatale aux armes du beau-frère de l'Empereur, Belliard, après avoir rendu visite à l'infortunée reine, s'embarque sur une goëlette qui, à travers les dangers de toute nature, le débarque à Toulon le 29 mai.

A peine rentré à Paris, Belliard est nommé au commandement des 3° et 4° divisions militaires et établit son quartier-général à Metz. Il se hâte de mettre les places en état de défense et fait appel à ces braves populations de l'Est. A sa voix le soulèvement est presque général et dans quelques jours, les seuls départements des Vosges, de la Meurthe et de la Moselle équipent et arment quarante-cinq bataillons de garde nationale. Mais c'est un duel à mort ; dans les champs de Waterloo allait s'abîmer la fortune du plus grand capitaine du siècle. Le nouveau régime ne devait pas oublier et comprendre dans sa liste de proscriptions le vaillant soldat qui n'avait offert son épée à l'Empereur que pour combattre l'étranger. Le 21 novembre il fut conduit à l'Abbaye, où il trouva bonne compagnie : Drouot, Cambronne, Ornano. Après un mois de captivité, il fut remis en liberté et entra dans la vie privée, d'où il ne sortit qu'au 5 mars 1819, époque où le ministère libéral et réparateur Decaze le rappela à la Chambre des pairs, dont il avait été nommé membre lors du dernier retour des Bourbons. Profondément attaché aux principes de 89, préparé par ses anciennes fonctions à la conduite des hommes et des affaires. Belliard prit une part sérieuse aux discussions parlementaires qui eurent tant d'éclat sous les Bourbons, et s'il ne fut pas un orateur brillant, il eut dans la plupart des grandes Commissions un rôle prépondérant. Dès l'année 1815, il avait remis entre les mains du duc de Berry un projet d'organisation de l'armée, qui, refait quelques années après par le général Gouvion Saint-Cyr, est resté pendant longtemps sous le nom de loi de recrutement de l'armée, la base de notre système militaire.

 

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Sous le ministère de Villèle, il fut chargé de préparer contre Alger un plan d'attaque. Mais ce plan comportant un effectif de 50.000 hommes et une dépense de cent millions, M. de Villèle ne crut pas dans ce moment la France assez riche pour payer sa gloire, et l'exécution du projet fut ajournée.

Très au courant des questions orientales, il faillit en 1828 être nommé chef de l'expédition de Morée, mais le général Maison lui fut préféré, la Restauration ayant à s'acquitter d'une dette envers lui, et voulant la payer par le bâton de maréchal de France.

Ancien compagnon d'armes de Louis-Philippe d'Orléans, aux côtés de qui il avait combattu à Valmy et à Jemmapes et avec lequel il n'avait pas cessé, sous la Restauration, d'entretenir des relations, Belliard adhéra sans arrière-pensée au gouvernement de juillet, qui n'allait pas tarder du reste à faire appel à ses lumières et à sa haute autorité morale. Accueilli avec une froideur non déguisée par les cours étrangères, la nouvelle royauté chargea Belliard d'aller notifier, à Vienne, l'avènement de Louis-Philippe au trône et de le faire accepter comme roi des Français.

La tâche était difficile, car il y avait alors non seulement à la cour d'Autriche, mais chez presque tous les souverains étrangers, comme un regret du passé. Le renversement de Napoléon leur paraissait alors une faute politique, parce qu'ils se souvenaient qu'il avait enchaîné la Révolution et qu'ils étaient convaincus qu'il n'aurait jamais voulu rouvrir ce qu'ils appelaient l'outre des tempêtes, c'est-à-dire d'après eux, donner l'essor aux idées libérales. Malgré les dispositions peu bienveillantes, au début, de l'Empereur et de son premier ministre, le prince de Metternich, l'un des plus vieux et des plus habiles représentants de la diplomatie en Europe, Belliard partait de Vienne avec la reconnaissance du gouvernement de juillet par l'Autriche, les vœux bien sincères de l'Empereur pour sa durée.

Le soulèvernentde la Belgique allait fournir à Belliard une nouvelle occasion de faire montre de ses talents diplomatiques, et la situation particulière de la France dans ce conflit demandait, de son côté, un grand tact et l'alliance de la modération à l'énergie.

Belliard, appelé d'une commune voix par les Belges comme représentant de la France, se rendit à Bruxelles, où il avait laissé les meilleurs souvenirs ; mais l'envoi dans cette capitale d'un homme de guerre aussi distingué que Belliard fut loin de tranquilliser l'Europe, dont lord Wellington se fit l'organe en déclarant à la tribune que la nomination comme ambassadeur en Belgique d'un des meilleurs soldats de l'Europe, n'était pas un symptôme bien rassurant pour la paix générale. Lord Wellington se trompait : la France ne désirait pas davantage la guerre que l'Angleterre. Belliard n'avait donc plus, comme à Vienne, à faire reconnaître le roi Louis-Philippe ; il devait travailler à établir sur des bases inébranlables le gouvernement qui allait se fonder à Bruxelles, et à cet effet soutenir la Révolution belge et la contenir au besoin. Comment arriver à une transaction raisonnable entre la Belgique et la Hollande ? Comment éteindre, ou du moins atténuer ces sources d'inimitiés profondes et irréconciliables qui sont la conséquence forcée du partage entre Etats ? Quelle part de la dette publique affecter à chacune des parties contendantes, etc. Dans des conjonctures aussi graves, Belliard s'étudia à inspirer à la Belgique une confiance entière dans la France et il y réussit. Mais la Hollande refusait son adhésion à la plupart des mesures prises par les puissances intéressées, réunies en conférences à Londres et une armée des Pays-Bas entrait en Belgique.

Bientôt une armée française de 50.000 hommes vint au secours de son alliée, et la ville d'Anvers aurait été certainement bombardée et détruite par le général Chasse, sans l'intervention généreuse de Belliard.

Enfin le 15 novembre 1831, un traité constituait définitivement la Belgique en Etat indépendant, brisait l'œuvre du Congrès de Vienne et éloignait de ses frontières les soldats de la Sainte-Alliance. Très jaloux de la dignité de la France et par conséquent de celle de son représentant, il ne voulait pas qu'on lui manquât, même quand il ne s'agissait que de lui, de l'étiquette et du cérémonial. Choisi par les membres de la Conférence à Bruxelles pour en présider les séances, il arriva qu'un jour, où il était un peu en retard, il trouva le fauteuil de la présidence occupé par le représentant de la Grande-Bretagne, et comme le noble lord ne se pressait pas à le lui céder, Belliard prit un fauteuil, le plaça devant lui et s'y installa carrément.

Le roi Louis-Philippe ne ménageait pas à Belliard les témoignages de sa haute estime. et le roi Léopold savait bien montrer en toute circonstance les sentiments que lui inspiraient l'honneur et la loyauté qu'il avait déployés dans sa manière d'agir pendant les négociations.

Les difficultés du côté de la Belgique aplanies, Belliard allait être nommé à l'ambassade de Madrid et se retrouver ainsi sur un des anciens théâtres de ses guerres, mais le destin en disposa autrement. Le 28 janvier 1832, en sortant du palais du roi, il tomba dans le parc de Laeken frappé d'une apoplexie foudroyante.

Sa mort fut un deuil pour la Belgique tout entière. Les Hollandais, qu'il n'avait jamais trompés par les roueries de la diplomatie, et qui avaient apprécié sa droiture et sa franchise, s'associèrent eux-mêmes à ces regrets, et dans une lettre intime, complètement étrangère à la diplomatie, lord Ponsouby rendit hommage à l'homme qui s'était toujours montré « fidèle à son pays, fidèle à ses amis, fidèle à ses ennemis. »

Les cendres de Belliard reposent au cimetière du Père-Lachaise, à Paris.

 

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OUVRARD, GABRIEL-JULIEN (1770-1846)

 

Ouvrard (Gabriel-Julien), célèbre financier français, qui, sous l'Empire et la Restauration a joué un rôle des plus actifs et des plus considérables dans tous les grands événements qui ont marqué la fin du XVIIIe siècle et les débuts du XIXe, naquit le 6 novembre 1770, aux Moulins d'Antières, commune de Cugand, où son père était contremaître. En possession d'une instruction élémentaire et simple employé de commerce à Nantes, à l'âge de dix-sept ans, il s'y distingua par des dispositions étonnantes pour les mathématiques, une ambition démesurée et des rêves de fortune sans fin. - A la veille de la Révolution, alors qu'il n'avait pas vingt ans, il aborda des spéculations qui, aujourd'hui, feraient hésiter nos maisons de commerce les plus puissantes. A vingt-cinq ans, il a acquis une fortune égale à celle des grands capitalistes qui nous étonnent encore aujourd'hui à Paris. Pendant trente ans il est le banquier de l'Etat, et c'est lui qui négocie les emprunts contractés sous l'Empire et sous la Restauration ; ces négociations atteignent le chiffre de plusieurs milliards.

 

Vieux logis d'Antières, où est né le fameux Ouvrard. (Cliché Aug. Douillard, de Montaigu)

 

Il fut le grand munitionnaire des armées de la République, de l'Empire et de la Restauration, qui faillit échouer dans son expédition d'Espagne pour avoir hésité au commencement à demander ses services.

« Quand l'empereur déclara le blocus continental, il fut chargé, auprès du prince de la Paix, de négocier l'entrée de l'Espagne dans la coalition des Etats, et de stipuler les subsides que fournirait le gouverment espagnol, et ce fut lui ensuite qui traita avec l'Angleterre et obtint que sa flotte vint convoyer les vaisseaux espagnols qui ramenaient ces trésors d'Amérique ; le grand Pitt ne se doutait pas à coup sûr qu'il travaillait pour la France. Parmi les missions qui lui furent confiées par le gouvernement de France, la moins étonnante n'est certainement pas celle qu'il remplit au Maroc ; il y déploya un luxe qui étonna ces barbares ; il est le premier ambassadeur qui pénétra à la cour de Méquinez et en rapporta le premier traité conclu par notre pays avec ce chef de l'Islamisme occidentale. Le pape Pie VII, pendant sa captivité, ayant formé le projet de ressusciter l'ordre des chevaliers de Malte, fit demander à Ouvrard, par le cardinal Consalvi, un rapport sur cette question et les ressources financières qui en pourraient résulter pour les Etats pontificaux. La Grèce, après la bataille de Navarin, le pria de dresser un état des impôts susceptibles d'enrichir cette nouvelle monarchie, et les mesures de perception à introduire chez ces populations récemment émancipées. Cet homme pourtant a été persécuté de son vivant, discuté après sa mort; et, chez nous même, où il a pris naissance, il n'est connu. que par les injures de journaux jaloux de toutes les supériorités, et les libelles de ses ennemis qui avaient intérêt à faire de son nom une cible, à cette époque agitée par tant de passions et de haines politiques.

Il mourut en 1846 (1).

 

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(1) Echos du Bocage vendéen, p. 146.

 

 

ISIDORE MASSÉ

 

Ch. Massé Isidore, avocat à Nantes, était né à Bazoges-en-Paillers, canton de Saint-Fulgent. Après avoir rempli les fonctions de fourrier ou commissaire des vivres dans l'armée royaliste, en 1815, il devint instituteur aux Brouzils et occupa cet emploi pendant quelques années. Son mariage avec une femme dans l'aisance lui permit de se faire recevoir avocat à la Faculté de Rennes. C'est alors qu'il vint se fixer à Nantes, où il plaida, et de royaliste devint libéral. Il entra en relations avec Mangin et collabora à son journal l'Ami de la Charte, aujourd'hui le Phare de la Loire. C'est lui qui signait les articles sous le pseudonyme Hibou de Launay. Il composa également, dans ses loisirs du barreau et du journalisme, La Vendée poétique et pittoresque, éditée en 1829 par l'imprimerie du Commerce. La Révolution de juillet 1830 ayant eu lieu sur ces entrefaites, il demanda et obtint la justice de paix des Herbiers, où il mourut (1).

 

(1) Extrait des Echos du Bocage Vendéen, Ve année, n° 6.

 

 

LE GÉNÉRAL BARON DE LESPINAY

 

Le général Louis-Armand de Lespinay, né à Chantonnay le 19 février 1789, fut le 19 novembre 1804 nommé page de l'Empereur, qu'il accompagna à Milan, lors du couronnement, puis en 1806 à Iéna, à Varsovie, à Eylau et à Friedland, où sa brillante conduite lui valut à 18 ans la croix de la Légion d'honneur. Nommé par décret du 21 juillet 1808 officier d'ordonnance de l'Empereur. il va rejoindre à Bayonne Napoléon qu'il accompagne à la journée de Soino-Sierra, à la prise de Burgos, à l'entrée à Madrid. Il prend ensuite part à la pénible campagne de Corogne, inspecte en 1809 les régiments Wurtembergeois et Westphaliens campés à Metz, remplit une mission analogue à Dresde et à Varsovie, et de là se rend à Saint-Pétersbourg, avec une lettre autographe pour l'Empereur de Russie qui le reçoit avec la plus brande courtoisie. Après avoir rempli avec beaucoup de tact et de bonheur la mission diplomatique qui lui avait été confiée, il rejoint à Schœnbrunn l'Empereur qui, à la suite d'une action d'éclat le comble d'honneurs.

Nommé chef d'escadron le 13 janvier 1811, il prend part à la funeste campagne de 1812, franchit le Niémen le 22 juin, assiste aux engagements de Palotok et de la Drisa, et se signale au passage de la Bérézina. Placé avec les restes de son escadron à l'arrière-garde, il protège de son solide courage la retraite sur une longue suite de ponts chancelants, où tant de braves trouvèrent la mort. Blessé de plusieurs coups de lances à Vélikia, il fut le 26 février 1814 créé baron de l'Empire.

Nommé rapidement lieutenant-colonel, puis colonel par la Restauration, il accompagna le 20 mars 1815 (1) le roi fugitif jusqu'à la frontière. En 1823, il se distinguait pendant la campagne d'Espagne, obtenait la reddition de la ville du Ferrol, et au mois de mai 1825, accompagnait à Reims l'escadron de son régiment, 1er cuirassier désigné pour assister au sacre de Charles X. Promu au grade de maréchal-de-camp le 29 décembre 1828, et appelé le 25 juillet 1830 au commandement d'une brigade à Lunéville, il quittait, le 29 du même mois, Paris, déjà au pouvoir de l'émeute, et rentrait dans ses foyers, àgé seulement de 41 ans. Le 1er juin 1869, il mourait conseiller général du canton des Essarts ; après avoir rendu les plus grands services à l'agriculture.

 

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(1) Il avait été promu colonel la veille.

 

LARGETEAU, MEMBRE DE L'INSTITUT

 

Largeteau (Charles Louis), naquit en 1791 à Mouilleron-en-Pareds, de parents peu fortunés. Son père ayant été tué à la bataille du Mans en 1793, le jeune Largeteau fut recueilli par un de ses oncles qui habitait Fontenay-le-Comte. Après avoir fait de brillantes études au collège de cette ville et au lycée de Poitiers, il entrait en 1809 à l'école polytechnique avec le numéro 19 sur 180. Placé dans le corps des ingénieurs hydrographes, il prit une part active aux travaux. que le Dépôt de la guerre faisait exécuter pour la confection de la nouvelle carte de France. Chargé avec le colonel Brousseaud de mesurer l'arc du parallèle moyen compris entre l'Océan et la Savoie, il fit presque tous les calculs ; ce qui lui valut les plus chaleureuses félicitations de Brousseaud et de Puissant. Nommé astronome au bureau des longitudes, il fit avec le colonel Bonne de curieuses observations astronomiques de latitude et d'azimut sur le parallèle de Paris entre Strasbourg et Brest. En 1825, le gouvernement français le nommait membre de la Commission anglo-française chargée de procéder à une nouvelle mesure de la différence de longitude entre les observatoires de Paris et de Greenwich. Ces nouveaux travaux lui valurent les plus chaleureuses félicitations de la part de la Société royale de Londres. Appelé en 1832 aux fonctions de secrétaire-bibliothécaire de l'Observatoire et chargé de la vérification des calculs de la connaissance des temps, Largeteau justifia par des réformes profondes la confiance qu'on avait mise en lui, et qui lui fut continuée, lorsque plus tard l'Observatoire lui confia les calculs d'une nouvelle table de précession, d'aberration et de mutation pour 115 étoiles.

Lorsque le bureau des longitudes nomma une Commission chargée de calculer la longueur de l'arc du méridien compris entre les parallèles de Montjouy et de Fromentaro, Largeteau fut l'un des trois commissaires, et montra à cette occasion que la méthode de rectification d'un arc du méridien due à Legendre, pouvait, après avoir subi une modification convenable, être avantageusement employée (ce qui jusqu'alors avait été jugé inadmissible), lors même que les sommets des triangles s'éloignaient considérablement du méridien principal, comme cela a eu lieu dans la triangulation de Biot et d'Arago.

Le 10 juillet et le 30 octobre 1843, il présentait à l'Académie des sciences un travail très important apprécié de tous les savants, sur les tables lunaires.

Nommé académicien libre le 4 décembre 1817, il ne cessa depuis cette époque jusqu'à sa mort, arrivée le 11 septembre 1857, d'être un collaborateur très actif de la connaissance des temps.

Savant modeste et homme de bien dans, toute l'acception du mot, caractère franc et loyal, plein de tendresse pour les siens, de dévouement pour ses amis, Largeteau ne laissa après lui qu'une fille mariée à M. Naud, qui fut, pendant quelques années, juge de paix du canton de Pouzauges (1).

 

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(1) Extrait analytique d'une Biographie sans nom d'auteur (annuaire 1857, pages 187-194).

 

 

Mgr HILLEREAU, VICAIRE APOSTOLIQUE

 

Né le 21 janvier 1796 au milieu des Landes de Saint-Philbert-de-Bouaine, Mgr Hillereau se distingua de bonne heure par son goût très prononcé pour les humanités et les mathématiques, qu'il professa à Luçon avant de recevoir l'ordination des mains de Mgr Soyer. - Bientôt il entre dans la Congrégation des missionnaires du Père Montfort à Saint-Laurent-sur-Sèvre, se livre avec succès à la prédication, et en 1832, est chargé par son supérieur, le Père Deshayes, de porter le dossier de béatification du Père Montfort à Rome, où. il se fait remarquer par ses hautes qualités morales, intellectuelles et diplomatiques.

Le 22 mars 1832, un bref du pape Grégoire XVI l'appelait à l'évêché de Calédonie avec le titre de visiteur apostolique de Smyrne, où il arrivait au mois de décembre 1832. Bientôt nommé coadjuteur de Mgr Correzzi, vicaire apostolique du patriarcat de Constantinople, avec le titre d'archevêque de Petra., il se montre vaillant, intelligent, passionné pour les intérêts matériels et moraux de ses ouailles. Nommé le 7 mars 1835 titulaire en remplacement de Mgr Correzzi, le nouveau chef de l'Église d'Orient se prodigue pour le bien de son troupeau. Il relève son église, envoie des jeunes gens au collège de la propagande à Rome, ramène les dissidents, et sur les établissements qu'il crée à Scutarie, à Brousse, à Varna, à Pan-Stéfaur, flotte à côté de la croix, symbole de la foi, le drapeau tricolore, emblème de la France. La peste ayant envahi Constantinople, Mgr Hillereau donne à tous l'exemple du courage, du dévouement et de la charité, faisant l'admiration des musulmans eux-mêmes. Il recueille les pauvres, les orphelins, fonde des écoles, des séminaires, bâtit des églises, et visite en entier son immense diocèse qui comprend entre autres les provinces de Bithynie, de Phrygie, de Galathée et de Cappadoce.

En 1843, il revient dans sa chère Vendée, quêter pour ses églises et pour les établissements hospitaliers qu'il fonde sur les points les plus extrêmes de sa vaste province ecclésiastique. Au milieu de ce labeur incessant sa santé avait été très éprouvée, et le 1er mars 1855, il était emporté par le choléra, dont il avait contracté les germes au chevet des malades. Il fut inhumé dans la crypte de l'église du Saint-Esprit, qui trois mois après, recevait aussi la dépouille mortelle du R. P. Gloriot, aumônier de l'armée d'Orient, lui aussi sorti de la Congrégation de Saint-Laurent-sur-Sèvre.

 

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RICHER EDOUARD

 

Richer, Edouard, naquit à. Noirmoutier le 12 juin 1792 ; l'année suivante son père et un de ses fils étaient tués à la tête de la garde nationale, en disputant à Charette la possession de l''île. Entré à la Flèche en 1801, Edouard Bicher était admis deux ans après à Saint-Cyr. Sa nature indocile ne pouvant se plier à la discipline militaire, le força à abandonner la carrière militaire à la suite d'une visite que lui fit à la prison de l'école celui qui plus tard devait être son meilleur ami : François Piet. - Le commerce auquel il se livra ensuite ne lui convenant point, il se consacra dès lors à l'étude de l'histoire naturelle et de la littérature, et vint en 1810 s'établir à Nantes, où la Société académique de la Loire-Inférieure ne tardait pas à l'admettre dans son sein (1).

Mais Nantes ne convenant ni à ses goûts un peu sauvages, ni à sa nature débile, il se retira bientôt sur les bords de l'Erdre, puis dans un véritable ermitage, au milieu d'une lande déserte afin d'y vivre seul avec la nature.

Le moment était pourtant venu où l'âme ardente du jeune Richer allait s'ouvrir à toutes les tendresses du cœur. Mais son roman d'amour ne fut pas long, et il le ferma avant d'être arrivé à la dernière page. Quelques poésies composées dans les premiers jours de sa passion et ensuite une amère désillusion furent les seuls fruits de son premier amour. Un voyage qu'il fit à Provins chez son beau-frère, le mit en relations avec plusieurs hommes distingués de la capitale, l'abbé Pasques, Letomelier et Lelièvre, de l'Ecole des mines, Latreille et Lamark, de l'Institut. Le fruit de ses méditations qu'il livrait à la publicité, attira sur lui l'attention des hommes les plus éminents, et le comte Daru confia à son examen le manuscrit entier de son Histoire de Bretagne qu'il annota. Mais sa santé ébranlée le força de revenir dans son île natale, habiter l'abbaye de la Blanche.

Le 21 janvier 1834, malgré le dévouement du docteur Fouré, son ami, il s'éteignait à Nantes, après s'être, aux pieds de l'abbé Fournier, plus tard évêque de Nantes, réconcilié avec l'Eglise dont il avait souvent attaqué les dogmes.

Richer a beaucoup écrit : il a éparpillé ses connaissances très variées, son imagination et son esprit, dans une foule de petits opuscules qui mériteraient d'être réunis en corps d'ouvrage.

Citons : Ode sur l'immortalité de l'âme, brochure in-8°, Nantes,1821. - De la philosophie religieuse et morale, dans ses rapports avec les Lumières, 1822. - Précis de l'histoire de Bretagne, 1822. - La Vendée, ouvrage en quatre volumes parus en livraisons, et qui malheureusement est resté inachevé. - Voyayes à Clisson, à Paimbœuf. - Aspect pittoresque de Noirmoutier, etc.

Dans le Lycée armoricain, il a publié un grand nombre d'articles remarquahles sur J. Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, etc. ces morceaux de critique devaient entrer dans le cadre d'un ouvrage immense qu'il devait publier sous le titre : Des erreurs et des progrès de l'Esprit humain ; mais la mort ne lui en laissa pas le temps.

Homme simple, loyal et franc, Richer fut un érudit admirablement bien doué, tant au point de vue littéraire qu'au point de vue scientifique, et s'il eut entrepris moins de travaux, il eut pris le premier rang parmi les hommes qui honorent le Bas-Poitou.

 

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(1) Il y payait sa bienvenue par la composition d'un Hymne au Soleil, traduit ou plutôt imité de Thomson.

 

 

PIET FRANÇOIS

 

L'ami de Bicher, Piet, dont nous avons déjà parlé, n'est point né à Noirmoutier, mais il s'y est tellement identifié par son mariage, par les fonctions publiques qu'il y a remplies, et surtout par ses écrits qu'on peut le considérer comme un compatriote.

Né à Montmédy en 1774, il s'engage dans le bataillon des Ardennes, assiste à la bataille de Jemmapes, s'y distingue, et par les hasards de la guerre, il est attaché au général Dutruy, lorsque ce dernier enlève Noirmoutier aux Vendéens. Le rôle qu'il joua dans l'interrogatoire de d'Elbée a été diversement jugé ; aussi nous nous abstiendrons de crainte de froisser des susceptibilités légitimes.

Après Thermidor, il était nominé commissaire des guerres à Noirmoutier, s'y mariait et s'y fixait définitivement. En 1798, il était élu président de l'administration municipale, et en 1805 il assistait à Paris comme président de son canton aux têtes du couronnement de l'Empereur. Il demeura notaire de 1808 à 1830, époque où on lui confia la place de juge de paix, qu'il occupa jusqu'à sa mort, arrivée en 1839.

Pendant les années paisibles de sa carrière civile, Piet a décrit et célébré sa patrie d'adoption. Sous le titre : Mémoire à mon fils, il a composé un volume in 4° de plus de 600 pages, qui contient sur sa vie et sur l'histoire, la topographie, la statistique, la géologie, la minéralogie, etc., de Noirmoutier, des documents du plus haut intérêt. Ce livre curieux, tiré à seize exemplaires seulement, a été imprimé à l'aide d'une presse à bras par l'auteur lui-même.

Il a fait paraître encore : Mémoires sur la vie et les ouvrages d'Edouard Richer. - De l'Etymologie de l'île d'Yeu. - De la pêche des huîtres dans la baie de Noirmoutier. - Des dunes sur les côtes de l'Ouest et des Moyens de consolider celles qui ne sont pas encore fixées. - Sur la formation de la Tourbe des marais, etc.

 

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CRÉTINEAU-JOLY

 

Crétineau-Joly, Jacques, naquit à Fontenay-le-Comte dans la rue des Loges, le 23 septembre 1803, de parents, honnêtes drapiers, possédant une certaine aisance que leur trop grande confiance fit évanouir en des mains déloyales.

Elevé au collège de Luçon, Jacques était bachelier à 17 ans. Entré au Séminaire de Saint-Sulpice en 1820, deux ans après, Mgr de Frayssinous, grand maître de l'Université de France, lui confiait la chaire de philosophie au collège de Fontenay, mais sa santé ne lui permit pas de tenir cet emploi. Au mois de juin 1823, Crétineau-Joly accompagnait en qualité de secrétaire particulier le duc de Montmorency-Laval, nommé ambassadeur à Rome, où en 1825 (25 août) le jeune secrétaire, qui n'était encore qu'abbé, prononça par permission spéciale du pape, et avec quelques heures de préparation, un remarquable panégyrique de saint Louis. Mais le doute envahissait cette âme ardente et les exhortations paternelles de Mgr Soyer non plus qu'une retraite à la Trappe ne purent empêcher Crétineau-Joly de quitter la soutane. L'année suivante, le 21 août 1830, il épousait à Confolens Mlle Labrousse. Alors commença pour notre compatriote une lutte de tous les instants pour le triomphe de ses idées politiques. Tour à tour rédacteur du Véridique, du Vendéen, de l'Hermine, Crétineau se montre dans la direction de ces divers journaux un royaliste ardent, un homme de lettres remarquable et un vigoureux homme d'action. En 1839, il quitte Nantes pour Paris, où nous le retrouvons collaborant à la Revue du XIX siècle, à la Gazette de France, à l'Europe monarchique.

Mais si remarquable que fut Crétineau-Joly, comme journaliste, sa vocation véritable, son terrain propre fut l'histoire. Il débuta en 1838 par l'Histoire des Généraux Vendéens où il avait glissé une préface sur l'Ingratitude des Bourbons et publia ensuite le Fils d'un pair de France ; Scènes d'Italie et de Vendée, etc. Mais ce n'était là qu'un prélude, et dans l'Histoire de la Vendée militaire, dont les deux premiers volumes parurent en 1840 et les deux autres l'année suivante, Crétineau-Joly allait se montrer un historien remarquable, un styliste étonnant, plein de feu et de clarté. Surnommé par Mme de La Rochejaquelein, l'Homère vendéen, le brillant écrivain, dont les années n'ont fait que consacrer le remarquable succès obtenu dès l'apparition de son œuvre, écrivit successivement l'Histoire de la Compagnie de .Jésus ; l'Eglise romaine en face de la Révolution ; l'Histoire de Louis-Philippe et de l'Orléanisme ; les Mémoires du Cardinal Consalvi ; Histoire des trois derniers princes de la maison de Condé, etc.

Réconcilié depuis longtemps avec Bome, il abjura complètement ses dernières erreurs philosophiques le 11 septembre 1872, entre les mains d'un Jésuite de ses amis, le R. P. Thailhau, qui emporta sans peine « cette place qui ne se défendait plus guère que par un reste de respect humain ».

Le 1er janvier 1875, il expirait à Vincennes entre les bras de ses enfants, dont deux sont, croyons-nous, prêtres dans les environs d'Angers (1).

 

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(1) La Bibliographie des œuvres de Crétineau-Joly a paru dans Les Contemporains (N° du 11 février 1894, page 16).

 

 

LE GÉNÉRAL COLLINEAU

 

Collineau, Edouard-Isaïe, naquit aux Sables-d'Olonne le 22 novembre 1810, du mariage de Collineau, Guy-Charles et de Catherine Macouin. Huitième enfant des onze fils qu'eurent ses parents, Edouard-Isaïe était ouvrier chapelier, quand sa vocation l'entraîna sous les drapeaux, et à cinquante ans il était général de division ! Ce seul mot suffit à son éloge. - « On le vit, écrivait-on de Tien-Tsing, où il succombait le 15 janvier 1861, des suites d'une petite vérole, on le vit successivement en Afrique qu'il ne quitta que pour aller en Crimée, en Italie et en Chine, prendre part à tous les combats, à tous les assauts, à tous les faits d'armes ; - à la. tête du 1er régiment de zouaves, s'illustrer à jamais au siège de Malakoff ; puis, sans prendre ni repos, ni trêve, retourner en Algérie, se distinguer à l'expédition de la Grande Kabylie et en rapporter les étoiles de général. La campagne d'Italie lui valut la croix de Commandeur. Aussitôt revenu à Paris, et à la première nouvelle qu'on doit organiser un corps d'armée pour opérer en Chine, il fait, pour la première fois auprès du ministre, une démarche et obtient le commandement de la 2e brigade du corps expéditionnaire. A Tchéfou,, où il commanda en chef les troupes d'infanterie, on éprouva son talent d'administrateur ; puis, on le vit diriger l'enlèvement de Pétang, reconnaître le 3 août, à la tête de notre beau 102°, la chaussée qui conduit à Takon, coopérer le 14 août à l'enlèvement de ce fort, diriger deux jours après l'attaque contre les forts de Peï-Ho, dit du nord, et s'en rendre maître après une résistance vigoureuse - toujours au premier rang jusqu'à la fin de l'action. Le 21 septembre, avec trois compagnies, il enlève le pont Pali-Kia-Ho, défendu par une armée entière. Ce fut notre dernier combat : ce dut être sa dernière victoire. - Outre la bravoure qu'il montrait au feu et qui enlevait si bien ses troupes, ce qu'on devait admirer le plus chez lui, c'étaient ses vastes connaissances, son calme, sa sagacité, son sang-froid, et surtout ce coup d'œil d'aigle qui fait les grands capitaines ».

Le général Collineau est mort en véritable héros chrétien. Son corps embaumé fut transporté de Tien-Tsing à Pékin, où il repose dans le cimetière catholique français, à côté des restes des sept victimes de l'infâme trahison de Tong-Tchou (1).

 

 

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(1) Revue de Bretagne et de Vendée (année 1861), E. G.

 

 

CHARLES MERLAND

 

Charles Merland, né au Château-d'Olonne, le 26 juin 1808, exerça avec succès la médecine à la Roche-sur-Yon, depuis 1832 jusqu'en 1865, époque où, très fatigué, il résigna ses fonctions. Entre temps, il avait touché un peu à la politique, fondé le premier cercle ouvert à Bourbon-Vendée, et collaboré au Patriote. Mais à partir de 1865, Merland consacra pour ainsi dire tout son temps aux études littéraires.

Correspondant ou membre de diverses sociétés savantes, il collabora surtout à La Revue de Bretagne et de Vendée, au Recueil de la Société d'émulation de la Vendée, publia de nombreux comptes-rendus, écrivit diverses brochures, notamment celles ayant pour titre : Narcisse Pelletier, Monseigneur Coupperie, et enfin mettait le sceau à sa réputation d'érudit en publiant en 1883, Les Biographies vendéennes, ouvrage eu cinq volumes, qui lui avait coûté quinze ans de recherches et de travail. Charles Merland est mort le 8 janvier 1884, à Paris, et ses restes reposent, selon ses désirs, dans l'humble cimetière du Château-d'Olonne.

 

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PAUL MARCHEGAY

 

Paul Marchegay, surnommé le Plutarque vendéen, naquit à Lousigny de Saint-Germain-le-Prinçay, le 10 juillet 1812. Sa famille s'était, depuis plusieurs générations, imposée au respect de tous par sa droiture, sa loyauté, la sincérité de ses opinions politiques et religieuses. Son grand-père avait été tué à Chantonnay, le 15 mars 1793, en combattant les Vendéens, et son père avait, de 1821 à 1832, siégé à la Chambre comme député de l'opposition libérale avec Manuel, Perreau, Esgonnière et David. Paul Marchegay avait donc de qui tenir, et il ne devait pas mentir aux traditions de sa famille. Après avoir, à 17 ans, obtenu à Paris, au Concours général, le second prix d'histoire, il fit la licence en droit, entrait à l'École des chartes en 1835 et en sortait en 1838, avec le titre d'Archiviste paléographe. Attaché pendant trois ans à la section des manuscrits de la Bibliothèque royale, il était en 1841, nommé aux fonctions d'Archiviste de Maine-et-Loire qu'il occupa jusqu'en 1853, après avoir, dans cet intervalle, lutté énergiquement et démasqué, malgré de hautes protections, un faussaire haut placé, dont la lucrative spécialité était la fabrication de titres qu'il introduisait subrepticement dans les dépôts publics et à l'aide desquels il dépouillait ensuite les communes de leurs biens.

Depuis lors, il vécut dans l'antique château des Roches-Baritaud, qu'il aménagea avec goût, et où, pendant 31 ans, il mena une vie des plus actives, malgré le faible état de sa santé et une infirmité qui lui rendait la marche très pénible, ainsi que tous les exercices physiques.

Dans cet asile de bénédictin, il put amasser une collection considérable de pièces originales et curieuses sur le Poitou, l'Anjou, la Bretagne et l'Aunis. Grâce à ses relations avec le duc de la Trémoille, il put puiser à pleines mains dans le riche chartrier de Thouars et donner au monde savant ces remarquables monographies où se montre à chaque ligne le culte profond de la vérité et l'exactitude.

Dès 1843-1845, l'Académie des inscriptions et belles-lettres honorait d'une médaille d'or et d'un rappel de médaille, Le Recueil de mémoires et documents inédits sur l'Anjou, et en 1856-1871, Les Chroniques des comtes et des églises d'Anjou.

Puis parurent ensuite le Cartulaire des Sires de Rays (1857) et le Cartulaire du Bas-Poitou, si précieux pour notre histoire locale.

La Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, le « Bulletin du Comité des travaux historiques » et de la «Revue des Sociétés savantes », la « Revue archéologique », le « Bulletin de la Société du protestantisme » et différents Recueils périodiques de l'Ouest, ont reçu de lui plus d'une centaine de notices, dont 44 ont été imprimées à part à 48 exemplaires en 1857, sous le titre de Notices et Documents historiques et 41 en 1872, sous celui de Notices et pièces historiques. Sa dernière publication « achevée sous le coup d'un mal subit et cruel » et tirée à 20 exemplaires seulement, est datée de 1884 ; elle renferme 25 nouvelles notices qui complètent les deux premiers volumes.

A la fin de 1884, nous étions allé passer quelques heures auprès du vénérable maître, qui, pendant de longues années, nous avait fait l'honneur de nous recevoir dans une grande intimité. Nous avions été frappé des défaillances qu'éprouvait sa mémoire, mais nous voulions compter encore sur un retour à la santé, lorsque vers la fin de février 1885, nous reçumes, ainsi que tous ses amis, l'original adieu :

 

Agé de 72 ans et demi, paralysé depuis le 20 décembre 1883, et. ne faisant que végéter,

M. MARCHEGAY

aspire au repos chrétien, et vous prie d'agréer ses derniers adieux.

Aux Roches-Baritaud, par Chantonnay (Vendée)

(18 février 1885)

 

Il n'était que temps : le 3 juillet de la même année, Dieu rappelait à lui ce grand homme de bien, ce noble caractère ; cet érudit dont les décisions furent et demeurent toujours appréciées dans les hautes régions de la science (1).

 

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(1) Voir pour de plus amples renseignements, la notice nécrologique et bibliographique, consacrée à M. Paul Marchegay. par M. Eugène Louis, à qui nous avons fait de nombreux emprunts (Annuaire 1886, pages 194 à 214).

 

 

BENJAMIN FILLON

 

Benjamin Fillon, écrivain de talent, savant numismate, collectionneur émérite et profond érudit, naquit à Grues le 15 mars 1819, mais il vint très jeune à Fontenay, où il fit ses humanités.

Reçu licencié en droit en 1837, il put, sous la direction du fameux numismate Poey-d'Avant, son ami avant de devenir son oncle, se livrer à l'étude des monnaies et des médailles. Après avoir rempli pendant quelques années les fonctions peu absorbantes de juge suppléant au tribunal de la Roche-sur-Yon, il donna sa démission aussitôt le coup d'État du 2 décembre 1851, afin de pouvoir s'adonner sans trêve ni merci à ses chères études.

Fontenay-le-Comte, sa patrie d'adoption, eut la meilleure part de son ardeur juvénile : elle se vit réserver aussi les dernières pages tracées par sa main défaillante.

En 1847, il publiait en effet le premier volume de ses Recherches historiques sur Fontenay-le-Comte, et trente-quatre ans plus tard, il corrigeait sur son lit de mort les dernières épreuves du tirage à part d'un Mémoire sur les dénominations des rues de Fontenay donné à lsau mois de septembre 1881.

A la chute de l'Empire, il fut appelé à la préfecture de la Vendée, mais il déclina ce poste de confiance, et après la mort de sa femme et cousine Clémentine Fillon, survenue le 16 juillet 1873, il se retira dans sa propriété de La Court, à Saint-Cyr-en-Talmondais. C'est dans cette demeure restaurée et aménagée selon ses goûts, au milieu de ses livres et des merveilles amassées à grands frais, qu'il passa les dernières années de sa vie, partagée entre le travail de l'esprit, l'administration de sa commune et les bonnes œuvres, qu'il s'éteignit le 23 mai 1881.

Cet homme, qui emporta les regrets du monde savant, qui faisait avec une grâce charmante les honneurs de son musée archéologique, dont le moindre objet avait son histoire, était en relations d'amitié et de savoir avec Jules Quicherat, Riocreux, Chevreul, Anatole de Barthelemy, de Montaiglon, Michelet, Louis Blanc, Marchegay, de Rochebrune, les abbés Auber (1), du Tressay (2), Mourain de Sourdeval (2), et Baudry (4), Jousseaume, Gabriel de Fontaines, Bitton, son plus fidèle collaborateur, Eugène Louis et Dugast-Matifeux. C'est chez ce dernier, à Montaigu, où nous le vimes vers la fin de l'année 1880, qu'il fit sa dernière sortie, comme s'il avait eu le pressentiment de sa fin prochaine.

 

Château de la Court d'Aron, où est mort B. Fillon

 

Correspondant du Comité des travaux historiques, membre de la Société des Antiquaires de France, il a publié une série d'articles remarquables dans la Revue des provinces de l'Ouest, les Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, la Gazette des Beaux-Arts la Revue Numismatique, l'Indicateur, etc.

Guidé par un pieux sentiment, son beau-frère et ami, M. Charier-Fillon, mort en 1900, maire de Fontenay, a publié en 1895 la Bibliographie chronologique des ouvrages de Fillon (1838-1881). Cette bibliographie, éditée par Clouzot, comprend l'indication détaillée de 439 notices, lettres, brochures, plaquettes, thèses, livres. Parmi ces ouvrages, mentionnons : l'Art de terre chez les Poitevin, - Documents pour servir à l'histoire du Bas-Poitou et de la Révolution en Vendée - Considérations historiques et artistiques sur les monnaies de France - Les faïences d'Oiron et les remarquables études historiques intitulées Poitou et Vendée, entreprises en collaboration avec M. Octave de Rochebrune et malheureusement inachevées.

Les cendres de cet homme remarquablement doué, qui avait pris pour devise : Travail est honneur ; de ce savant fontenaisien, digne émule des Tiraqueau, des Besly, des Viète, reposent au cimetière Saint-Jean de Fontenay, dans le caveau de famille où est venu le rejoindre, il y a deux ans, son beau-frère et ami Arsène Charier.

A cette courte notice, pour laquelle nous nous sommes servi surtout du remarquable article publié par M. Louis, sur Fillon, dans l'Annuaire de 1881, nous n'ajouterons qu'un mot:

On pouvait craindre qu'après la mort de l'homme de goût qui avait fait de la Court une demeure d'artiste, ce beau domaine tombât entre des mains indignes de le posséder. Il n'en a rien été heureusement, et le propriétaire actuel, M. Raoul de Rochebrune, fils du grand artiste, a religieusement conservé et embelli encore tout ce qui pouvait conserver la mémoire de celui qui, pendant de longues années, fut un familier de Terre-Neuve.

 

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(1) Auber, chanoine de Poitiers, auteur de plusieurs ouvrages, notamment d'une Histoire du Poitou en neuf volumes.

(2) Du Tressay, ecclésiastique de grand talent et de beaucoup de mérite, a écrit notamment une Histoire fort appréciée des moines et des évêques de Luçon.

(3) Mourain de Sourdeval, mort à Saint-Gervais il y a quelque vingt ans, s'est signalé aussi par de savantes publications sur le Bas-Poitou, la baronnie de la Garnache et Beauvoir, sur Mlle de Lézardière et une édition annotée des œuvres de Rivaudeau (Aman).

(4) L'abbé Baudry, ancien curé du Bernard, né à Saint-Philbert-du-Pont-Charrault vers 1822. Antiquaire de grand mérite, inventeur des fameux puits funéraires du Bernard, et auteur de remarquables rapports parus dans diverses publications, notamment dans l'Annuaire de la Société d'émulation de la Vendée. - Les objets recueillis par l'infatigable antiquaire dans les nombreuses fouilles entreprises sur plusieurs points de la Vendée, surtout à Troussepoil, ornent aujourd'hui plusieurs des vitrines du musée de la Roche-sur-Yon.

D'autres précieux souvenirs de l'érudit ecclésiastique mort le 24 juillet, 1880, sont religieusement conservés par sa nièce et son neveu, M.Casimir Puichaud, bien connu dans le monde des lettres par ses savantes publications.

Pour l'abbé Baudry, voir Grande Éncyclopédie, t. f., Semaine catholique (1eravril 1888) et Publicateur de la Vendée (28 juillet 1880).

 

 

PAUL BAUDRY

 

Un des enfants dont la Vendée est le plus fière à bon droit est Paul Baudry, né à la Roche-sur-Yon en 1828, d'un modeste sabotier, et qui fut le meilleur des fils, le plus dévoué des frères, le plus reconnaissant des élèves. Les dispositions très grandes que, tout jeune il avait, sous la direction de M. Sartoris, montré pour le dessin, attirérent sur lui l'attention des représentants du Conseil général de la Vendée qui, en 1845, lui allouèrent une subvention de 600 francs avec laquelle il put, en se privant souvent des choses les plus utiles à la vie, poursuivre à l'Ecole des Beaux-Arts, dans le recueillement, ces fortes études qui, en 1852, lui permettaient, 1er grand prix de Rome avec Bouguereau, d'entrer à la villa Médicis. Au Salon de 1857, il remportait d'emblée une première médaille : Baudry y avait exposé la Fortune et l'Enfant que l'on voit au musée du Louvre, et le Supplice d'une vestale qui orne aujourd'hui le musée de Lille. Il y avait encore un charmant petit saint Jean et une délicieuse petite toile que la lithographie a popularisée Leda, et le célèbre portrait de M. Beule.

Le Supplice d'une vestale était son envoi de Rome de cinquième année ; la Fortune, expédiée à son ami l'éminent statuaire Guitton en vue de l'Exposition de 1855, était celui de troisième.

An Salon de 1859, Baudry envoya la Madeleine qui est au musée de Nantes ; la Toilette de Vénus actuellement au musée de Bordeaux, puis les portraits de Mme de la Bédoyère, de M. Jard-Panvilliers, une de ses œuvres maîtresses, etc., une étude intitulée Guillemette, qui eut l'honneur d'être rapprochée par la critique de la célèbre petite Infante de Vélasquez. En 1861, paraît Charlotte Corday, la toile si dramatique du musée de Nantes, puis plusieurs portraits, ceux de Guizot, du baron Dupin, de Madeleine Brohan, que sais-je encore, qui le classent au premier rang des portraitistes français.

Enfin, en 1863, il remporte une victoire définitive avec la Perle et la Vague, et en 1865 expose Diane et le portrait de son frère l'architecte, Ambroise-Thomas, qui est un chef-d'œuvre et une merveille.

Après ce Salon de 1865, Baudry disparut des expositions annuelles pour se consacrer tout entier à la conception et à la préparation de son grand travail de l'Opéra, qui devait mettre le sceau à sa renommée. Pour cela il parcourt les musées de Rome, de Londres, de Madrid, de Florence, copie les cartons de Raphaël, de Velasquez, et comme pour faire trêve à ces préoccupations multiples, il envoie au Salon, en 1869, le portrait de son intime ami Garnier, l'architecte de l'Opéra; en 1872, celui de son frère Ambroise et d'About.

Enfin, en 1874, sonne l'heure du triomphe : « Les peintures de l'Opéra achevées furent exposées à l'Ecole des Beaux-Arts, et il n'y eut qu'un cri d'admiration devant cet ensemble décoratif, le plus considérable qui ait été peint en ce siècle. » « Il n'y eut, dit un de ses biographes, M. Bonnin, qu'une voix pour proclamer Maître notre illustre compatriote. »

« Une fois son opéra mis en place il reparut aux Salons, où de nouveaux succès l'attendaient. En 1880, la Glorification de la loi, le grand plafond de la Cour de Cassation lui mérita la seule distinction que son art put encore lui donner : la Médaille d'honneur décernée par le suffrage de ses pairs. En 1882, il exposa pour la dernière fois une petite toile, La Vérité, puis peignit encore St-Hubert pour le château de Chantilly, où sont venus les panneaux de l'hôtel Fould et deux plafonds inspirés par la fable de Psyché. »

Là se termine l'œuvre de celui qu'une mort presque foudroyante enlevait au monde des arts et à l'affection des siens le 17 janvier 1886 ; et dont M. Eugène Louis à pu dire : « Le nom de Paul Baudry est un de ceux dont on ne saurait trop souvent rappeler le souvenir à nos concitoyens, car il a été l'incarnation vivante du travail couronné et sanctifié par la gloire. »

Le 28 avril 1890, un monument commémoratif était inauguré dans le vestibule du musée de la Roche-sur-Yon, à la mémoire du grand peintre. Puis au mois d'avril 1896, lors d'un voyage fait en Vendée, M. Félix Faure, président de la République française, inaugurait une statue en bronze du grand peintre, due au ciseau de son ami Gérome, et dont les frais ont été couverts par des souscriptions particulières, des dons de l'Etat, du département, des communes et de la famille (1).

 

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(1) Voir pour Paul Baudry, Paul Baudry, par Bonnin. Extrait de la Revue du Bas-Poitou. - Plaquette in-8° de 20 pages. - Paul Baudry et le monument du Pére-Lachaize {où est inhumé le grand artiste, Eugène Louis (Annuaire 1891, pages 222, 229)}.

 

 

GASTON GUITTON

 

A côté de Paul Baudry, il convient de placer son ami et compatriote le sculpteur Guitton, né à Bourbon-Vendée le 25 février 1825. Après avoir étudié à Nantes dans l'atelier de Ménard, l'auteur du Forban, il entra chez Rude, et en 1850 exposait au Salon un groupe en plâtre Saint Louis consolant un blessé. Bientôt il part rejoindre son ami Baudry dans la Ville Eternelle, où son talent se fortifie et se développe. De retour à Paris, il envoie au Salon de 1853, un buste en marbre Portrait d'enfant, puis successivement : Au printemps, L'attente, statue de femme d'une grande valeur artistique, - Hypathée, le buste en marbre avec bras de Mme de Fontenay, qui, pendant long temps, fut pour Guitton un autre Egérie, - Saint Pierre, placé au-dessus de la porte de la sacristie des mariages (église Saint-Sulpice), l'Amour de Circé. - le Marchand d'amour, le huste d'Alfred de Vigny, etc. En 1875, il expose le modèle en plâtre de son Eve tentée par le Serpent, qui devait soulever de si violentes polémiques dans le monde des arts.

A partir de 1877, Guitton, accablé par la maladie, des revers de fortune et des déceptions de toutes sortes, commence à se ralentir, pour s'adonner avec passion aux lettres, car il était un connaisseur de livres rares et curieux, dont il avait réuni une magnifique collection.

Néanmoins, quand il venait demander au pays natal le repos et l'air vivifiant des champs, Guitton reprenait l'ébauche pour fixer les traits des siens : Mme Ch. Renaud, sa sœur, de M. et Mme H. Renaud, ses neveu et nièce, de Mlle Marie Renaud, son autre nièce, de ses amis Eugène Moreau, Charles Merland, etc.

Deux statues en plâtre de Guitton : La Couverture et La Marbrerie, s'élèvent dans la galerie de l'avant-foyer du nouvel Opéra, et sur la façade principale de l'Hôtel de ville de Paris se trouve la statue de E. Pasquier, commandée en 1880 à Guitton et à qui elle fut payée 4.000 francs. Guitton est mort à Paris à l'âge de 66 ans, n'étant plus que l'ombre de lui-même, et inhumé selon ses désirs le 24 juillet 1891 dans le cimetière de sa ville natale.

« Combien il est regrettable, écrivait le lendemain M. Emile Grimaud dans l'Espérance du Peuple, que les circonstances n'aient pas mieux favorisé cette vigoureuse nature d'artiste ! Moins heureux que Paul Baudry, G Guitton n'a pas vu le vent souffler dans ses voiles, et pour parler comme le cardinal de Retz, il est, hélas de ceux qui n'ont pas rempli toute leur destinée. Quoi qu'il en soit, son œuvre est assez remarquable pour faire vivre son nom, et la Vendée peut être fière de le compter au nombre de ses enfants. » (1)

 

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(1) Pour la biographie de Guitton, voir la plaquette in-8° de 24 pages de M. Eug. Louis, dont, nous nous sommes servi pour la rédaction de cet article. - Gaston Guitton, la Roche-sur-Yon, Typographie Paul Trernblay, 1891.

 

 

BEAUSSIRE EMILE

 

Beaussire Émile, ancien membre de l'Institut, naquit à Luçon le 21 mai 1824, et après de brillantes études entrait avec le n° 2 à l'Ecole normale supérieure, dont il sortait pour occuper bientôt la chaire de philosophie au lycée de Lille (1847). Reçu au concours d'agrégation de 1848, en même temps que Caro et Renan, docteur ès-lettres en 1855 avec une thèse remarquable sur le Fondement de l'obligation morale, il était en 1856 nommé professeur de littérature étrangère à la Faculté des lettres de Poitiers.

Dix ans plus tard, il revenait professeur de philosophie au lycée Charlemagne à Paris, et c'est là que la Commune le prit pour un de ses otages.

Quelques mois après, il entrait dans la politique en qualité de député républicain libéral de la deuxième circonscription de Fontenay-le-Comte et s'associait en cette qualité à toutes les mesures proposées par Thiers, qu'il soutint presque constamment de ses votes. On lui doit notamment un projet de loi sur les retraites universitaires qu'il déposa au cours de la législature de 1876. Battu aux élections d'octobre 1877, il rentra à la Chambre en février 1879, pour, quelques mois après, aller s'asseoir sous la coupole de l'Institut (1880).

Mais bientôt dégouté de la politique, il refusa de se présenter aux élections du 21 août 1881, pour se consacrer exclusivement aux études philosophiques (1) qui furent la joie de toute sa vie, et auxquelles se livrait avec passion cet honnête homme, ce libéral, érudit et bon, qui, le 8 mai 1889 était à Paris frappé brutalement, et emporté en quelques jours dans toute la force de l'âge et de l'intelligence.

Selon ses désirs, ses restes mortels reposent dans le cimetière de sa ville natale, qui s'est honorée en donnant le nom de ce glorieux fils à l'une de ses principales avenues.

 

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(2) En dehors des œuvres de longue baleine, de remarquables rapports à l'Académie des sciences morales et politiques, Emile Beaussire, qui fut en 1871 l'un des fondateurs de l'Ecole des sciences politiques, a collaboré au Temps, à la Revue des Deux Mondes, à la Revue des Cours littéraires, etc.

 

 

LOUIS DE LA BOUTETIÈRE

 

Louis de la Boutetière naquit à Angers, le 5 janvier 1829. Entré dans l'armée en 1846, il donna sa démission d'officier en 1860 à la veille de son mariage avec Mlle de Lépineraie, et aussitôt commença pour lui cette vie d'étude et de recherches qui, dès 1868, attirait sur lui l'attention du monde savant par la publication d'un mémoire remarquable sur le rôle joué par Sapinaud et les Chefs Vendéens du Centre.

Bientôt la guerre de 1870 éclate, et à l'appel de la France en détresse, de la Boutetière reprend son épée et part à la tête du troisième bataillon des mobiles de la Vendée. Frappé de deux balles à Champigny le 29 novembre, il est fait prisonnier. A peine rentré dans ses foyers, il reprend la plume et collabore aux Archives historiques du Poitou, à la Société d'émulation de la Vendée, à celle des Antiquaires de l'Ouest, etc. Toutes les productions de ce vaillant soldat décoré à la suite des blessures reçues à Champigny, révèlent en lui un caractère droit, un passionné de la vérité historique, un écrivain de talent.

Dans les Cartulaires de l'abbaye de Sainte-Croix de Talmont et de Saint-Jean d'Orbestier, il a fait preuve d'une érudition remarquable, et dans les quelques semaines que chaque année il passait dans sa délicieuse et vieille gentilhommière des bords du Lay, près Saint-Philbert-du-Pont-Charrault, c'était plaisir de le voir étaler sur sa table de travail les vieux parchemins et les poudreux registres dont plusieurs lui étaient souvent et fort aimablement communiqués par son voisin M. Paul Marchegay.

Le 26 décembre 1881, il s'éteignait à Paris des suites d'une pleurésie aggravée par les complications résultants des glorieuses blessures reçues pendant l'année terrible, et ses restes mortels transportés dans la chapelle du château de Faymoreau (Vendée), où ils reposent maintenant.

 

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DUGAST-MATIFEUX

 

Dugast-Matifeux, né à Montaigu le 12 octobre 1812, étudia d'abord la médecine, puis le droit. Arrêté à la suite de l'insurrection républicaine de 1832, il subit trois mois de prison préventive. - Il collabora ensuite à l'Histoire parlementaire de la Révolution française, et en 1833, publiait un Essai sur le fameux évêque constitutionnel et régicide Grégoire. - Le coup d'État de 1851 lui valut une nouvelle arrestation et des perquisitions qui n'aboutirent pas. - Depuis ce moment jusqu'à sa mort, arrivée le 15 avril 1894, il a collaboré à un grand nombre de Revues et de Journaux. La Biographie Bretonne, - La Revue des Provinces de l'Ouest, - l'Annuaire de la Société d'Émulation de la Vendée, - Les Échos du Bocaye, - Le Phare de la Loire, - Le Libéral de la Vendée, - l'Indicateur de Fontenay, etc. Ses ouvrages et opuscules les plus connus et les plus intéressants sont Etat du Poitou sous Louis XIV, - Nantes ancien et le Pays Nantais - Carrier à Nantes - Robespierre et Jullien.

Longtemps collaborateur de Benjamin Fillon, Dugast-Matifeux possédait une précieuse bibliothèque et une remarquable collection d'autographes et de manuscrits historiques, ayant surtout trait aux guerres de Vendée, et qui ont été utilisés par Chassin pour son grand ouvrage sur les événements dont notre pays fut le théâtre au XVIIIe siècle.

La bibliothèque et les collections d'autographes de Dugast-Matifeux ont été par lui léguées à la ville de Nantes, et constituent l'une des sources les plus importantes de la Révolution dans l'Ouest de la France.

 

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DE VILLEBOIS-MAREUIL

 

Georges de Villebois-Mareuil, le chevaleresque officier français, qui, par dévouement aux idées de justice et de droit, était allé prendre du service dans l'année des Boërs, naquit en 1847, à Nantes, au n° 17 de la rue du Lycée, mais toute son enfance s'écoula au château de Bois-Corbeau, commune de Saint-Hilaire-de-Loulay, près Montaigu.

Après de brillantes études chez les Jésuites de Poitiers et chez les Carmes, il entre à 17 ans à l'école de Saint-Cyr, s'y distingue par son intelligence et ses aptitudes, et de là passe par l'école de gymnastique de Joinville-le-Pont, d'où il sort avec le n° 1... Sous-lieutenant au 4e régiment d'infanterie de marine, il va servir en Cochinchine, sous les ordres de son oncle l'amiral de Cornulier.

La guerre de 1870 éclate : de Villebois-Mareuil demande et obtient de rentrer en France à ses frais. Il se rend à Bordeaux, où Gambetta lui confie le commandement d'une compagnie à la tête de laquelle il se couvrira de gloire à Blois. Le 28 janvier 1871, sous le feu meurtrier des Allemands, il s'élance seul à l'assaut d'une barricade située dans le faubourg de Vienne. Grièvement blessé, il se fait porter par un sous-officier et un clairon, et avec leur aide, il s'avance sur la route. « Tué pour tué, s'écrie-t-il, en avant, à la baïonnette ». Et ses jeunes chasseurs, dont la plupart n'avaient jamais vu le feu, électrisés par son exemple, s'élancent sur la barricade et l'enlèvent. Le soir, de Villebois-Mareuil, porté mourant à l'hôpital, recevait des mains du général Pourcet, la croix d'honneur et avis de sa nomination au grade de capitaine. Il avait alors 23 ans. - Quelques semaines après, il rejoint son bataillon à Aix, contribue à la défaite de la Commune à Marseille et, à la tête d'une compagnie, il enlève la Préfecture.

C'est à Marseille qu'il se maria avec Mlle Estrangin, de laquelle il eut une fille, Mlle Simonne de Villebois-Mareuil, aujourd'hui baronne d'Yzernay.

Il tient ensuite garnison à Gap, à Sisteron et en Corse. Dans cette île, il se fait recevoir licencié ès-lettres et licencié en droit, et peu de temps après, entre à l'école de Guerre, d'où il sort dans les premiers numéros.

Breveté, il commande une batterie à la Fère, devient en Tunisie chef d'état-major du général Vincendon, s'illustre au combat de Sekelt et rentre en France comme chef de bataillon. Chef d'état-major du 19e corps d'armée, il est, à 45 ans, nommé colonel, et commande en cette qualité le 130e il Paris, le 67e à Soissons et le 1er régiment étranger à Sidi-Bel-Abbès. Un avenir magnifique s'ouvrait donc devant lui, quand, à la fin de 1896, il démissionna pour des motifs plus ou moins connus.

Ecrivain remarquable, le colonel de Villebois-Mareuil continua à s'intéresser à tout ce qui pouvait contribuer à grandir l'armée, et en dehors de nombreux écrits politiques et militaires, il consacra tous ses instants à la constitution de l'Union des sociétés régimentaires.

Entre temps, il publiait uans le Correspondant et la Revue des deux Mondes des articles non signés qui portent la marque d'une claire intelligence et d'une solide érudition : Le général Boulanger, l'Armée russe et ses chefs, le maréchal de Moltke. etc.

Après avoir fondé la revue anti-dreyfusiste l'Action et pris nettement position dans le parti nationaliste, de Villebois-Mareuil, qui avait été bon pour ses soldats qui l'admiraient, pour ses collègues, un ami sûr et dévoué (1), qui, sans s'inquiéter des représailles possibles avait, devant le Conseil de guerre, défendu énergiquement le colonel Herbinger, accusé par le général de Négrier, se sentit attiré vers cette Afrique australe, où un petit peuple de laboureurs luttait héroïquement contre l'Angleterre pour conserver son autonomie.

Dès la première heure de cette lutte homérique, de Villebois-Mareuil, en vrai fils des soldats de Bouvines, avait résolu de porter aux Boërs le secours de ses conseils et de son épée. Le 25 octobre 1899, il laisse les siens qu'il ne devait plus revoir, et s'embarque à Marseille sur e Peïho, qui le dépose à Diégo-Suarez, Dans ce port il prend place sur la Gironde, qui atteint Loureuzo-Marquez une heure avant le croiseur anglais qui lui donnait la chasse. Bientôt il est au Transvaal et là, avec Léon, représentant du Creusot, un des directeurs effectifs de l'artillerie et du génie, et quelques français, il se compose un personnel de noirs avec lesquels il exécute, afin de connaître parfaitement le territoire des Républiques sœurs, ces incursions rapides, hardies, ces raids quasi fantastiques.

Dans le premier jour de décembre 1899 il se trouve devant Ladismith avec Joubert qui, malheureusement, ne tient pas suffisamment compte de ses conseils. Puis on discute ses opinions : on les suit à Colenso le 15 décembre, et bientôt les Anglais sont en pleine déroule. Le 6 janvier 1900, Joubert ordonne l'assaut de Ladismith, mais là encore, suivant l'énergique expression du colonel, « les Boërs massacrèrent son plan ». Quelques jours après il est à Waterworks, devant laquelle du Toit s'immobilise comme Joubert devant Ladismith. Enfin sur les instances pressantes du colonel français on décide l'attaque pour le 4 février; mais des bruits répandus par les Anglais jettent le désordre parmi les Boërs qui refusent de marcher. Le 12 février il demande 50 hommes à du Toit pour prendre Kimberley et s'emparer de la cité de Cécil Rhodes. Le 16 février Kimberley est débloqué. De là, il file sur Colesberg et Blœmfontein, assiégé par le généralissime anglais. De Blœmfontein il se rend à Petrusburg et à Paaderberg, où il rencontre Kronje acculé par lord Roberts, qui le 27 février, le force à capituler. Pendant ces quelques jours, de Villebois sauve divers commandos. Le 10 mars il prend part au combat d'Abrahamskraal. Le 13 il est au pont de la Modder-River; le 17 il est à Kroonstad, et le 20 le président Kruger, qui connaît la valeur de Villebois, le nomme général de la légion étrangère. Il lance à ses hommes une proclamation vibrante comme un appel de clairon, et le 24 au soir il quitte Kroonstad avec cent hommes environ, dont 25 français et une voiture de dynamite. Le 25 avril au matin, la colonne se trouvait au sud-est de Boshoff, occupé par près de 7.000 Anglais. A une heure et demie du soir un combat terrible s'engage : il dure jusqu'au soir, et la position occupée par le général et sa petite troupe est écrasée sous les projectiles.

Les Anglais sont en ce moment au pied de la colline : ils mettent baïonnette au canon et arrivent sur le sommet du Kopje. A ce moment Villebois saisit son revolver et tue un officier anglais : lui-même est frappé d'une balle dans le flanc et tombe raide mort sans prononcer une parole.

Le lendemain, il était selon son désir inhumé sur le champ de bataille, où les ennemis rendirent hommage à sa valeur. Comme les étendards autrichiens s'étaient inclinés sur le cercueil de Marceau, les drapeaux anglais s'abaissèrent devant la tombe de Villebois, au bord de laquelle le comte de Bréda, son officier d'ordonnance, récita quelques prières.

 

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Telle fut, à 53 ans, la fin admirable de ce héros digne des temps antiques, et ce fait d'armes de Boshoff, ou moins de cent hommes, sans aucun canon, résistèrent pendant plus de quatre heures à plus de deux mille, appuyés par de l'artillerie, est certainement un des plus beaux dont l'histoire fasse mention.

La Vendée tout entière, fière à, bon droit de son glorieux fils, a voulu consacrer par l'airain le souvenir de celui qui, en allant combattre les Anglais au Transvaal, s'était souvenu sans doute que deux de ses aïeux s'étaient distingués contre les mêmes ennemis à la bataille de Bouvines (2). Avec le produit d'une souscription publique et d'une subvention allouée par le Conseil général, on a érigé une statue au vaillant officier qui versa son sang en défendant la cause généreuse d'un petit peuple luttant pour son indépendance. Au seuil du château familial, à l'entrée de la jolie petite ville de Montaigu, au rond-point de l'avenue de la gare, le préfet de la Vendée a, le 24 août 1902, en présence des autorités, de MM. Pierson, ancien consul général du Transvaal à Paris, du comte de Bréda, officier d'ordonnance de Villebois, aux côtés duquel il se trouvait à Boshoff, et d'une foule immense, inauguré la statue du héros, œuvre de son compatriote, le sculpteur Yonnais Guéniot. Sur un piédestal en granit, de Villebois est représenté en tenue de campagne, la tête fièrement dressée, l'épée haute, dans un geste entraînant de commandement : tel il devait être au soir, glorieux de Boshoff.

Et maintenant, avec M. Bourgeois, le député poète.


« Du héros ; saluons la sublime épopée !

Par la foi, par la plume ainsi que par l'épée.

Dans nos temps ternes il brilla...

Si dans nos cœurs blessés, grondent encore des haines

Bleus et Blancs, faisons trêve aux querelles lointaines,

Près de ce Français, halte-là !

 

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(1) Lorsqu'il était capitaine de chasseurs à pied, il sauva un camarade sans fortune qui avait. puisé dans la caisse et remboursa généreusement les 3.000 flancs que le malheureux avait détournés.

(2) La famille de Villebois-Mareuil avait été anoblie par Philippe-Auguste, sur le champ de bataille de Bouvines (1214).

 

 

M. ARSÈNE CHARIER

 

Né en 1828 à Noirmoutier, dans une honorable famille de modestes artisans, M. Charrier était de la race de ces hommes vaillants et forts qui, sortis des humbles rangs du peuple, sont un exemple, en s'élevant par leur travail et leur intelligence aux premiers degrés de l'échelle sociale.

Bercé par les flots de l'Océan qu'il aimait jusque dans ses colères, il avait compris tout jeune, que le premier droit de l'homme est basé sur le travail, et que, selon sa belle expression, « tout travailleur mérite les égards de ceux qui l'approchent ».

Paris devait attirer et fasciner ce cerveau supérieurement organisé, et au contact des Garnier, des Vaudremer, des Baudry, des Guitton, ce travailleur manuel « ce frappeur du métal », comme disaient les anciens, était devenu très vite un architecte de grand mérite. Peu de temps après sa sortie de l'Ecole, il remportait à la grande Exposition annuelle des Beaux-Arts, la médaille d'or pour son projet de construction d'un hôtel de ville à Fontenay.

Après la consécration de son talent par le jury du Salon, il fut choisi comme architecte de cette ville, qui devint dès lors sa patrie d'adoption. De cette époque date cette période de créations qui se poursuivit pendant dix-sept années, au cours desquelles il édifia successivement le collège de Fontenay, un des plus beaux de l'Ouest de la France au dire d'Elisée Reclus, le château de M. Moller, à Bourneau, dont la richesse et la variété d'ornementation rappellent ceux d'Anet et d'Azay-le-Rideau, - le collège de Luçon, - les châteaux de Mme Bry à l'Absie, de M. Bailly du Pont à la Châtaigneraie, de M. Ernest Brisson à. Loge-Fougereuse, et tant d'autres monuments qui tous témoignent de la variété des conceptions architectoniques et du grand talent artistique de leur auteur.

 

Le château de Bourneau, construit d'après les plans de M. Charier

 

Son esprit, largement ouvert à tous les progrès, s'était formé par une communion libérale avec tous les travailleurs et les savants qui s'honoraient de son amitié : nous avons nommé Benjamin Fillon, Paul Marchegay, Charavay, de Montaiglon, Chassin (1)... Sur les conseils de Nadailhac et d'Alexandre Bertrand, dont il était le correspondant (2), il allait consacrer les dernières années de son existence à l'histoire, sous toutes ses faces, de son pays natal.

Dans une étude fortement documentée, sur les mégalithes de Noirmoutier, il nous reporte aux premiers âges de l'île des vierges celtiques, fort avant son histoire écrite ; vers des peuplades mystérieuses, dont l'origine est incertaine, mais dont les traits de race relevés par les squelettes enfouis dans leurs tombeaux, caractérisent encore en grande partie les Noirmoutrins de vieille souche.

Tout frustes et muets qu'ils sont, sans écriture aucune, ils ont eu pour l'érudit archéologue un langage, presque une âme. - On peut dire que pour lui cette architecture primitive a été un des feuillets du grand livre de l'humanité.

Dans son travail sur les transformations de Noirmoutier, sur les mouvements du sol, il traite d'une façon magistrale les différentes phases géologiques de ce noyau granitique. Il en montre l'influence considérable et les conséquences lointaines pour son île de prédilection. - Dans « Péril et Défense », après avoir pris pour épigraphe cette belle maxime de son distingué compatriote Piet : « qu'ils songent que cette terre n'a été conservée que par des travaux continuels, et que la moindre négligence peut la perdre à tout jamais », il décrit et indique d'une façon mathématique, avec cartes à l'appui, les ouvrages protecteurs qu'il convient d'édifier pour la préserver contre l'envahissement des flots.

Au sujet de la question tant controversée de l'emplacement exact du Portus Secor, M Charier a publié un remarquable mémoire « contributif à l'étude des solutions cherchées » et c'est faire l'éloge de l'auteur que de dire que les grands périodiques français et l'Académie des Sciences de Berlin, ont consacré à ces divers ouvrages des comptes-rendus aussi flatteurs que justement mérités.

Ajoutons aussi que l'antique chapelle de saint Filibert, le patron de son île natale, a trouvé en lui un historien consciencieux, en même temps qu'un archéologue passionné et éclairé pour la reconstitution d'un passé qui intéresse son pays.

On peut dire que toute la vie de cet homme de bien fut consacrée à l'étude et au travail. Même lorsque la mort est venue le frapper, il préparait un projet d'agrandissement et d'embellissement de l'hôtel de ville de Fontenay. Cette cité, qui venait de l'investir pour la troisième fois des fonctions de maire, et à laquelle il a prodigué son concours aussi désintéressé qu'intelligent, ne lui sera point ingrate et conservera à sa mémoire un pieux et fidèle souvenir (3).

 

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(1) M. Chassin, Louis-Charles, membre de la société des gens de lettres, mort en juillet 1900, était né a Coéx (Vendée). Il a laissé sur les guerres de notre pays, un ouvrage en onze volumes; dont certaines parties prêtent à la critique : niais dans son ensemble ce travail de bénédictin est remarquable. La Table analytique surtout, est claire, nette et facile à consulter.

(2) Il était également correspondant du ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts.

(3) BIBLIOGRAPHIE DES PRINCIPAUX OUVRAGES DE M. CHARIER

L'Ile de Noirmoutier : Etude de ses transformations. Plaquette grand in-4°de 22 pages, ornée de 7 cartes. Clouzot, éditeur, 1886.

L'Ile de Noirmoutier : Contribution à l'étude des mouvements du sol. Brochure in-8° de 48 pages, ornée de 3 cartes coloriées. Clouzot, 4888.

L'Ile de Noirmoutier : Un dolmen inédit. Plaquette in-8° de 19 pages, avec dessins à la plume. Clouzot, éditeur, 1888.

L'Ile de Noirmoutier : Note sur le Promontoire Pictonum et le Portus Secor. Plaquette in-8° de 16 pages, avec carte coloriée. Clouzot, 4891,

L'Ile de Noirmoutier : Péril et défense. Un volume in-8° de 185 pages, avec 9 cartes coloriées.

L'Ile de Noirmoutier : La chapelle de Saint Filibert. Brochure in-8° de 48 pages, ornée de nombreux dessins. Clouzot, éditeur, 1896.

L'Ile de Noirmoutier : Notes sur quelques fouilles. Plaquette in-8° de 22 pages, avec dessins. Clouzot, éditeur, 1898.

 

 

OCTAVE DE ROCHEBRUNE

 

Né en 1824, dans l'antique capitale du Bas-Poitou, qu'il aimait d'un extraordinaire amour filial, qu'il n'abandonna jamais, et qui se souviendra de son illustre fils, M. de Rochebrune, dont la vie fut si pure et d'une si incomparable grandeur dans la simplicité, se sentit, encore enfant, porté vers les arts, où il devait briller d'un si vif éclat. C'est en voyant faire le portrait de son grand'père, et au contact de M. de Montbail, qu'il eut d'une façon inconsciente, la révélation de sa véritable vocation.

Après avoir appris au collège de sa ville natale les premières notions du dessin, il fut envoyé à Saint-Stanislas de Paris, où sous la direction éclairée d'un professeur de talent, Jean-Louis Petit, il fit des progrès si rapides, qu'étant encore sur les bancs du collège, il fut admis au Salon, en exposant un dessin à la mine de plomb représentant l'abside de N.-D. de Paris.

L'année suivante, il exposa le même sujet, mais peint à l'huile, ainsi que Notre-Dame-la-Grande de Poitiers, et trois autres dessins. Au Salon de 1847, il envoya entre autres choses, une peinture représentant les ruines de l'abbaye de Maillezais. - En 1818, il présenta au Jury deux peintures représentant la façade du château de Josselin, le château de Saint-Ouen et trois dessins, les cathédrales de Quimper et de Saint-Pol, et le clocher de Kreisker. Dès ses premières œuvres, le grand artiste indique clairement une prédilection très marquée « pour les précieux monuments et la symphonie harmonique des lignes architecturales », mais ce n'est que dans l'eau-forte qu'il devait trouver plus tard le mode d'expression lui permettant d'écrire magistralement sa pensée.

A partir de 1861, commence cette série ininterrompue de gravures, dont la plupart sont, des chefs-d'œuvre, et qui toutes marquent le caractère si personnel du maître. Parmi ces cinq cents eaux-fortes, dont quelques-unes de dimensions inusitées, citons : Chambord, Blois, les cathédrales de Paris, de Rouen, de Strasbourg, Notre-Dame de Fontenay, les Tuileries, la Rochefoucault, Valençay, le Lude, Saint-Pierre-de-Caen et le Palais de Justice de Rouen : un émerveillement de pierres festonnées comme une dentelle.

Dans toutes ces planches, il a montré une science architectonique tellement étonnante, une hardiesse de pointe et une sûreté de dessin tellement incomparables que leur auteur a été, par un éminent critique d'art, Charles Blanc, appelé le Piranési français.

Nulle part dans l'œuvre de M. de Rochebrune on ne sent l'imitation ; mais partout le sentiment de l'exécution et l'allure de la pointe variant selon le caractère des planches, dont quelques-unes ont une réputation européenne. « Se jouant des difficultés dans les grandes planches surtout », M. de Rochebrune a eu l'originalité de ne sacrifier ni l'exactitude au pittoresque, ni le pittoresque à la précision : « avec une exécution vigoureuse et fière, il est complet dans le détail, comme un pur architecte, et trouve en peintre pour l'ensemble, un effet puissant et d'autant plus que le cadre est plus élargi. »

« L'œuvre de ce noble enfant de Fontenay est un héritage de ce temps que la postérité revendiquera. Elle conservera soigneusement ces planches, œuvres d'art émérites et documents historiques de haute valeur, qui rediront la splendeur des vieilles demeures de France après que les siècles en auront fait des amas de ruines. »

Mais M. de Rochebrune n'était pas seulement l'éminent graveur que l'on se plaisait à admirer. Il était aussi un fin lettré, un numismate distingué, un érudit archéologue.

 

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Tout le monde connaît les exquises monographies et les remarquables descriptions qu'il a publiées dans Poitou-Vendée, en collaboration avec Benjamin Fillon, - dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, - dans les Revues de Bretagne et du Bas-Poitou et ailleurs.

Dans la vieille demeure de Nicolas Rapin, à laquelle il s'efforça de restituer son aspect primitif, il rassembla les monnaies et les armes rares, les meubles et les tentures précieuses, les objets d'art et les curiosités artistiques, qui en firent longtemps un véritable musée, visité chaque année par de nombreux touristes français et étrangers.

M. de Rochebrune était par-dessus tout un homme supérieur par la loyauté du caractère, la courtoisie et la sûreté des relations, auprès duquel les travailleurs de tous ordres trouvaient bon accueil et bon conseil. - Il avait une nature d'élite, inaccessible à la haine, dédaigneuse de la vengeance, fermée à l'envie : cette basse et vile passion des médiocres. Il ignorait les calculs intéressés, les intrigues, les manœuvres tortueuses ; il suivait à la grande lumière du jour, le large chemin de l'honneur, de la probité, du travail et du bien.

M. O. de Rochebrune, après une longue et cruelle maladie, est mort le 17 juillet 1900, le burin à la main, sa tâche accomplie. Huit jours à peine avant de dire aux siens l'éternel adieu, il travaillait encore à une planche destinée à orner un de nos ouvrages. Cette planche ayant pour titre : Ruines de l'abbaye de Maillezais est malheureusement demeurée inachevée. - Elle porte le n° 492 du catalogue que M. Henri Clouzot a consacré à l'œuvre du grand artiste qui nous honorait depuis de longues années d'une affection toute particulière, et à qui nous adressons en terminant cet ouvrage, qu'il voulut bien orner d'un superbe frontispice, un souvenir particulièrement ému et reconnaissant. (1)


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(1) Pour de plus amples renseignements sur l'œuvre de M. de Rochebrune, consulter notamment l'intéressante brocéure publiêe par M. Vallette. - Niort, L. Clouzot, et l'article paru sous la signature A. Bonnin, dans la 3e année de la Revue du Bas-Poitou, travaux auxquels nous avons fait de nombreux emprunts pour la rédaction des quelques lignes consacrées par nous au grand artiste.

 

 

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