Histoire de Vendée

Histoire de la Vendée
du Bas Poitou en France

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CHAPITRE XIX
LA RENAISSANCE

 

Importance du commerce à Fontenay, Les Sables, La Châtaigneraie, etc

.
Architecture et beaux-arts en Bas-Poitou

LES SEIGNEURS OU PROPRIÉTAIRES DES GRANGES-CATHUS. - COMBAT DES TRENTE


CHEMINÉES MONUMENTALES


IMITATEURS DE PALISSY EN POITOU


Le mouvement littéraire et scientifique en Bas-Poitou au XVIe siècle

ÉCLAT DE L'UNIVERSITÉ DE POITIERS

 

 

IMPORTANCE DU COMMERCE A FONTENAY,
LES SABLES, LA CHÂTAIGNERAIE, ETC

 

Nous touchons à la fin du XVe siècle, et avec elle l'horizon du Bas-Poitou s'étend. On sort des limites étroites où se sont débattues trop souvent les jalousies de métier. C'est comme un grand rideau qui se déchire et découvre de nouvelles terres, de nouveaux peuples, un immense théâtre où nos aïeux vont porter leur activité et leur industrie. La terre est plus vaste qu'on osait le penser au moyen âge ; plus belle, plus riche qu'on ne l'avait rêvée. Par delà l'Océan, par delà cette ceinture de flots qui a si longtemps effrayé la hardiesse ignorante des navigateurs les plus aventureux, Christophe Colomb vient de découvrir l'Amérique, et tout un continent s'offre à l'admiration et à l'avidité des Européens. Placés sur le bord occidental de la France, en vue du Canada, les marins des Sables se confient à l'Océan, et vont chercher sous un autre ciel des richesses plus grandes. Leur port contient plus de navires que ceux de Nantes et de La Rochelle : on parle d'y créer une école de langues vivantes, et leurs hardis flibustiers font aux Espagnols une guerre sans trêve ni merci. Le port de Saint-Gilles rivalise avec celui des Sables, et dès 1483, jouit d'un renom mérité dans le monde maritime, par la publication du Grand Routier de mer de Pierre Garcie Ferrande, l'un de ses marins, d'origine espagnole ou portugaise (1). Fontenay-le-Comte, qui déjà fournissait de draps et de pelleteries une partie du Poitou, qui avait des relations de commerce avec l'Espagne, vit aussi dans cette révolution économique résultant de la découverte de l'Amérique la source de nouveaux profits (2).

Les boutiques de ses artisans furent les entrepôts où affluèrent les étoffes fabriquées depuis Sainte-Hermine, Mouchamps, Pouzauges et le Breuil-Barret, jusqu'à Foussais et Saint-Hilaire-des-Loges. Le petit bourg de Charzais était peuplé d'ouvriers à leur gage, et le bruit des métiers remplissait la ville et les faubourgs.

L'entrepôt principal de tous ces produits était tenu par un nommé Rodolphe Lauvot, marchand d'origine mayennçaise, qui était venu se fixer à Fontenay.

A partir du XVe siècle, La Châtaigneraie devenait aussi le centre d'un très grand commerce de grosses draperies fabriquées dans tout le pays circonscrit entre le Grand Lay, les collines de Pouzauges, la Sèvre, la forêt de Chantemerle, celle de Mervent et l'Arkanson.

Des relations ouvertes avec le Nouveau-Monde l'agrandirent encore si bien, que sous Colbert, tel marchand de ce bourg avait entrepôt à La Rochelle, deux ou trois navires à lui et comptoir à Québec (3)

Le révocation de l'Edit de Nantes (1685), et la perte du Canada en 1763, portèrent un coup terrible à une industrie alors si prospère, qui s'exerçait dans plus de 50 paroisses (4).

Les drapiers et les tanneurs formaient aussi des corporations puissantes, d'où sortirent la plupart d'hommes remarquables, ou qui occupèrent dans la robe, les finances et l'armée, les plus hautes fonctions sociales du royaume.

Dans plusieurs actes de l'état civil du XVIIe siècle, les marchamps de drap et de soie de Fontenay-le-Comte, dont les chefs occupèrent le premier rang dans les cérémonies, sont qualifiés de sire.

Sous Louis XI, les tanneurs en possession de la maîtrise étaient au nombre de 36 ; vingt autres étaient "requérans" total 56.

Les guerres de religion n'avaient pu ruiner cette grande industrie des tanneurs qui, pendant 300 ans fournit une partie du Poitou.

Lors de la prise de Fontenay par Henri IV, en 1587, un tanneur de la rue des Loges, Gilles Cardin, se vit enlever à lui ses magasins pour deux milles écus d'or, de cuirs ; ce qui représentait une somme d'au moins 130.000 francs de notre monnaie.

Des fabriques de parchemin et la petite papeterie de Mérité, furent établies peu après la création de la commune de Fontenay. C'est à Mérité qu'habitait, à la fin du XVe siècle, Girard Quinefauld, maître-parcheminier, ainsi qu'en témoigne une quittance donnée par lui au nom de François Gerbaud, prêtre, demeurant à Fontenay. Cette quittance se trouve aux archives de la cille, qui possèdent aussi deux feuilles de parchemin aux filigranes de 1484 et 1541.

La papeterie de Mérité, fermée sous Henri IV, recommença à fonctionner pendant quelques années sous Louis XIV. Sa marque était, en dernier lieu, un chat et les deux lettres M. R.

La confrérie de la Fête-Dieu, de l'église des Querroi, à Limoges, venait s'approvisionner de parchemin à la foire de la Grand Saint-Jean à Fontenay, ainsi qu'il appert de ce curieux passage cité par Allou, dans les antiquités du Limouzin.

" Le parchemin achepté à la foire de la Grand Saint-Jean à Fontenay : 25 douzaines de grand velin de Bretagne, qui a coûté 30 sols tournois la douzaine. "

Les foires de la Saint-Jean dont nous venons de parler (5) ainsi que celles de la Saint-Venant, attiraient déjà un grand concours d'étrangers : c'était le rendez-vous du beau monde du Bas-Poitou. On y venait de vingt lieues à la ronde. De nombreux marchands basques fréquentaient ces foires. Ils descendaient de préférence à l'hôtel Fontarabie, mentionné dès 1523, et des lettres de change des XVIe et XVIIe siècles, souscrits à Pampelune et Vittoria, dont le payement devait s'effectuer dans la capitale du Bas-Poitou portent : " Fontarabie-les-Fontenay-le-Comte, province du Poictou, du royaume de France. "

Principale passage pour se rendre du midi dans les régions éloignées du Bas-Poitou et de l'embouchure de la Loire, Fontenay voyait chaque jour les voyageurs affluer dans son sein.

 

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NOTES:

(1) Au catalogue Clouzot (novembre 1897), un exemplaire petit in-4° de cet ouvrage, extrêmement rare, était coté 120 francs. - Edition de 1613. - Dans le Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, année 1899, Tome XXIII de la 2° série, pages 64 et 65, M. de la Bouralière donne, en même temps qu'une description fort intéressante d'un exemplaire de cet ouvrage imprimé en 1520 à Poitiers, par Enguilbert et de Maruef, un fort joli frontispice. Sous le titre, une gravure sur bois représente un navire dans lequel sont assis un roi et une reine ; le roir porte dans ses bras un petit cercueil ou coffret qu'il dispose à jeter dans les flots. Les 2 ff. prélim. contiennent le titre, une espèce de sommaire du livre, puis une épitre de "Pierre Garcie alias Ferrâde à Pierre Ymbert mon filleul et chier ami", dans laquelle il expose les motifs qui l'ont poussé à composer cet ouvrage. Cette épitre est datée de Saint-Gilles-sur-Vie, dernier mai 1483. Une figure grossièrement gravée sur bois occupe le V° du 2° f. et représente la rose des vents. Dans le texte sont intercalées un grand nombre de figures représentant les îles, caps, écueils, etc, décrits dans le Routier.

(2) Dès le XIIIe siècle, Fontenay avait, dans la rue des Lombards, des changeurs, espèce d'usuriers italiens faisant, d'après une chanson populaire, regretter les juifs.

(3) Fondé par un français en 1608.

(4) Une Françoise Arouet, décédée à La Châtaigneraie le 7 juillet, et veuve d'un riche fabricant de ce bourg, était la sœur de l'aïeule de Voltaire, fille elle-même d'un tanneur de Saint-Loup, près de Parthenay.

(5) La fin de la guerre de cent ans, dit M. Boissonnade, dans son remarquable travail de l'organisation du travail en Poitou, coïncide avec le relèvement économique de cette province, qui, pendant un siècle, jouira d'une paix profonde qui permettra à son agriculture et à son industrie de recouvrer leur prospérité... Sur la côte Charles VII fait établir les achenaux de Maillezais, de Marans et de Velluire. - A Fontenay, le commerce des chevaux et des mules, des cuirs et des fers, fait dès lors, le succès des foires du 2 août, du 11 octobre et du 24 juin dont la première dure jusqu'à huit jours et la seconde trois. - Pendant les cent années qui précèdent les guerres de religion, le Poitou apparaît comme un pays relativement prospère. - L'agriculture y tient toujours la première place. A côté des anciens métiers, des nouveaux se forment, répondant aux nécessités d'une vie sociale plus raffinée. Les marchands de draps et de soie et draps de laine, les merceries, les épiciers, les pelletiers, forment une classe de plus en plus nombreuse parmi les commerçants.

Tout autre est la valeur économique de l'industrie exercée sur les côtes depuis de longs siècles par les paludiers... Le marais bas-poitevin qui, depuis longtemps approvisionne de sel l'étranger et la France centrale, devient au XVe siècle, le grand entrepôt où se fournit presque tout le royaume. Une curieuse requête adressée à Charles VII vers 1451, décrit cette côtière "infertile de blés, vins et autres habondamment." "Les pauvres habitants et laboureurs de la mer", répartis dans 8 à 10 000 feux, y vivent en gardiens de la côte "contre la malice de l'Océan moult impétueux, enflé et orgueilleux." Les habitants de l'intérieur du Poitou apportent à ces pauvres gens, leurs blés, leurs vins, leurs bois et leur bétail, et reçoivent en échange leur sel... Les paysans du Bas-Poitou, surtout ceux de La Roche-sur-Yon et de Montaigu, sont constamment occupés à charger le sel de la côté aux entrepôts de l'interieur. L'usage des viandes salées, dont usaient communément "les pauvres gens de labeur et art mécanique" rendait la consommation très active et le négoce lucratif. La charge de sel (a) se vendait sur le marais 60 sols a 4 l., et se revendait, en 1454, à raison de 15 deniers le boisseau. En dépit des règlements de Louis XI, qui limitèrent à Niort, Fontenay et Poitiers, la faculté de posséder des entrepôts, le commerce du sel continua à se faire partout clandestinement et resta, au XVIe siècle, le plus actif élément de transactions entre le Poitou et les provinces de l'ouest et du centre (b).

(a) La Charge de sel " est de 80 chevaux chargés".

(b) Boissonnade, pages 25, 27, 30, 31, 32, 33 et 34.

 

ARCHITECTURE ET BEAUX-ARTS EN BAS-POITOU

CHATEAUX ET MONUMENTS DIVERS

 

Pendant que le commerce de Fontenay atteignait à un si haut degré de prospérité, les arts n'étaient pas oubliés dans les autres régions du Bas-Poitou.

Dans les cathédrales de Maillezais et de Luçon, sous l'impulsion de leurs évêques, l'architecture ogivale remplace aussi l'architecture romane. Elle se développe hardie et riche en même temps ; elle substitue à la ligne géométrique courbe, l'ogive, la variété des lignes ; elle dépasse les monuments romains pour la masse, qui n'ôte rien à l'élégance. Elle nous donne, au moins dans leurs grandes lignes, ces édifices qui, à quatre siècles et demi de distance, étonnent notre imagination, écrasant nos chétives demeures et montrent en même temps que le genre des architectes inconnus de ces époques de foi, la patience et la force des générations qui ont élevé ces magnifiques monuments.

Liénard, de la Réau, architecte et principal ouvrier construisait alors la grande fontaine (1) de Fontenay, sur laquelle sont sculptées les armoiries concédées par François Ier. En 1543, il réédifiait la maison commune, le palais de justice et sa chapelle. A la même époque, le sculpteur Jacques Coiraud de Montaigu décorait les chapelles placées derrière le grand autel de Notre-Darne, pendant que s'élevait le bel hôtel de la Pérate,et la maison Billaud, situés dans la Grande Rue (2). Les caissons du plafond du corridor ressemblent tellement à ceux du vestibule du château de Coulonges, transportés à Terre-Neuve, qu'on est forcé de les attribuer aux ouvriers qui ont couvert d'ornements d'une si noble tournure, cette belle résidence. La façade, détruite en 1712 par un incendie, devait être charmante.

La banlieue de la ville suivait le mouvement. En 1545, Lucas Bienvenu construisait pour Michel Tiraqueau, une magnifique maison de campagne dans Belesbat, et en 1595, Nicolas Papin, maire de Fontenay, chargeait Jean Morisson, dont on voit encore la maison sur la place Belliard, d'édifier le gracieux castel de Terre-Neuve.

Noël Gasnier, né à Fontenay, embellissait par la peinture les salles poudreuses des châteaux gothiques de l'lle de France, et secondait puissamment le Primatice dans ses travaux d'édification des palais de Saint-Germain, de Chambord et de Fontainebleau. Il serait aussi injuste de ne pas mentionner parmi les architectes poitevins de la fin du XVe siècle, Pierre La Noue, des Herbiers, auteur du manuscrit « La cité de Dieu », conservé à la Bibliothèque nationale (1519), de style purement Renaissance, et mentionné dans le chapitre précédent.

Le mouvement artistique que le moine Glaber avait pu constater lorsque la France revêtait la blanche parure de ses églises, existait avec autant d'entrain en Bas-Poitou, au XVIe siècle, après les guerres d'Italie, mais le mobile n'était pas le même ; la foi religieuse était remplacée presque partout par le sentiment personnel du bien-être. C'était la robe blanche des châteaux qui venait égayer le paysage.
Ce mouvement artistique, encouragé surtout par les d'Estissac, dont l'un occupa le siège de Maillezais, et possédait Coulonges, fut considérable (3), ainsi qu'en témoigne l'ouvrage d'architecture du poitevin Julien Mauclerc (4). « Il existait, dit le savant M. de Rochebrune, aussi bien dans la main que dans les jambes; les sculpteurs, les peintres, les graveurs, les architectes, les maîtres d'oeuvre, tout cela taillait, peignait, dessinait, gravait, voyageait à l'envi ; d'innombrables modèles couraient les ateliers, et les architectes, et les graveurs et les tailleurs de pierres couraient comme eux, portant sous leur bras le recueil qui les contenait. » Parmi les vieux châteaux aménagés suivant un goût nouveau. par les riches seigneurs de l'époque, on peut citer :

Le Puy-Greffier, situé à quelque distance de Saint-Fulgent, au milieu, d'un site délicieux,évoque le souvenir du fameux Tanneguy du Bouchet, célèbre chef protestant tué à Moncontour en 1569. Les restes superbes de ce manoir, restauré sous Louis XII, sont encore imposants. Chaque porte est ogivale et couronnée d'un fronton ; les chapiteaux sont agrémentés de feuilles frisées et les fenêtres, ornées de torsades comme à Blois, sont divisées par des meaux.

Apremont. - Les deux tours du château d'Apremont, qui restent encore, et où l'on retrouve un souvenir très amoindri de celles du donjon de Chambord, ont été édifiées par les soins de l'amiral de Chabot, c'est-à-dire vers 1530.

La grande et belle façade qui les reliait n'existe plus ; elle a été détruite en 1793 ; mais Jehan-Baptiste Florentin, dans un curieux dessin à la plume, nous en a conservé les principales lignes architecturales, reproduites dans le dessin ci-dessous.

 

D'après une eau-forte de M. de Rochebrune.

 

Le Puy-du-Fou, près Les Epesses, commencé sous Charles VIII, remanié sous Henri II, par François du Fou et Catherine de Laval, ne fut achevé qu'en 1578. Cette habitation princière qui d'après la tradition, eut l'honneur de recevoir François Ier et la jeune reine Eléonore, offre encore, malgré les injures du temps, des lignes magistrales et puissantes qui ont conservé à ce qui nous reste de cette construction un caractère réellement monumental, malgré l'emploi de la brique, fait avec assez de discernement pour ne pas nuire à la beauté générale de l'édifice.

Il convient de citer encore Le Prieuré de Mouzeuil (1524), La Popelinière, près Sainte-Gemme-la-Plaine, Bessay, La Cantaudière des Moutiers, La Guignardière d'Avrillé, Goulaine, les cloîtres de Luçon, Les Granges-Cathus, etc.

 

 

Château de la Cantaudière (d'après une eau-forte de M. de Rochebrune).

 

Le château des Granges-Cathus, ancienne propriété du regretté Léon Audé, s'élève à 1 kil. 1/2 de Talmont, sur un plateau boisé, d'où la vue descend jusqu'aux plages sablonneuses de l'Ile de Ré, à peine dessinée comme un léger nuage à l'horizon. Les détails qui restent de ce château, en partie réédifié, suffisent encore à lui rendre une partie de sa physionomie d'antan, qui faisait de ce vieux manoir une des plus belles créations de la Renaissance dans notre pays. L'escalier, reproduit par notre photogravure, est la morceau captal du château. Les deux fenêtres ont des pilastres dont les consoles et les chapiteaux sont gracieusement sculptés ; entre elles, un joli médaillon renferme deux têtes sortant des casques ailés ; au-dessus de la seconde se voient les armoiries du seigneur ; un lion passant sur champ serré d'étoiles. Au-dessus du cintre surbaissé, se lit au milieu d'arabesques, la date de la construction, 1525. Les bustes mutilés de Lucrèce et de Cléopâtre, en grand relief, et les armes des Cathus achèvent la décoration de l'entrée. «Mais rien n'égale la richesse de l'intérieur. L'artiste y a semé à profusion toutes les capricieuses créations de la Renaissance : animaux fantastiques ou réels, instruments de guerre ou de science, de musique et de chasse, des armures, des fleurs, des armoiries et des allusions d'amour.

Tout cela forme au plafond une seule page qui va s'enroulant jusqu'au second étage, enfermant dans des médaillons l'histoire du seigneur des Granges, sa naissance et sa jeunesse, ses deux mariages et ses chagrins domestiques. Pas une pierre n'a été oubliée du ciseau, etc. »

 

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NOTES:

(1) Restaurée en 1899, sur les plans et les données de l'illustre aquafortiste M. de Rochebrune. En voir l'élévation sur le frontispice dû au burin du même artiste.

(2) On peut citer encore les fenêtres étagées surmontant la porte de la prévoté de M. D., habitée aujourd'hui par le docteur Phellipon.

(3) Il convient aussi de citer dans cet ordre d'idée, les Gouffier, notamment Arthus Gouffier, gouverneur de François Ier , les La Trérnouille, le vidame de Chartres à Tiffauges, les Chabot d'Apremont, etc.

(4) Né en 1523, d'une famille protestante, Julien Mauclerc se rangea sous la bannière du roi de Navarre. La paix faite, il abandonna le métier des armes et se retira au Ligneron. où il écrivit le Traité d'architecture, suivant Vitruve, ouvrage qui, au juste dire de l'éditeur, a n'est pas moins glorieux pour les Français qu'il l'est pour son auteur. » Les exemplaires de ce curieux volume sont rarissimes. M. O. de Rochebrune en possède trois, dont l'un parait avoir appartenu à Mauclerc lui-même. Il en existe un quatrième dans la bibliothèque de M. le baron de Mesnard.-Maucler avait aussi établi au Ligneron une fabrique de bouteillages en terre blanche, ce qui ne l'empêchait pas de s'adonner à l'étude de la botanique et de taquiner les muses.

 

LES SEIGNEURS OU PROPRIÉTAIRES
DES GRANGES-CATHUS. - COMBAT DES TRENTE

 

La famille noble et très ancienne des Cathus, aujourd'hui éteinte, était originaire des environs de la Garnache et de Beauvoir, d'où elle s'étendit dans le pays de Retz au moyen âge. Le chevalier Hugues Cathus faisait partie des trente Bretons qui, le 27 mars 1350, sous la conduite du maréchal de Beaumanoir, vainquirent trente Anglais en combat singulier, sur la lande de Mi-Voie, entre Josselin et Ploërmel.

 

Escalier des Granges-Cathus.

 

Jean Cathus, seigneur des Granges, capitaine de Talmont, fit les guerres d'Italie sous le célèbre Louis II de la Trémouille, vicomte de Thouars, prince de Talmont, qui trouva une mort glorieuse à la bataille de Pavie, en 1525. Rentré en France, il fit commencer les travaux dont nous admirons les restes. Marié en premières noces avec Marie du Verger, dont l'écusson se voit sur l'escalier, il épousa en secondes noces Marie de Nuchèze, veuve d'Antoine du Fouilloux et belle-mère du célèbre auteur de la Vénerie, Jacques du Fouilloux.

Il est à remarquer que toutes les sculptures des Granges sont consacrées à l'amour malheureux. Cette terre passa ensuite, par acquisition, le 1er avril 1776 à la famille de Vaugiraud, qui a fourni un vice-amiral. Vendue en 1828, par Mme Henriette de Senneville, marquise de Vaugiraud, à la famille Audé, le château des Granges-Cathus, restauré partiellement par M. Léon Audé, fut acheté en 1876, par le comte Lascases. En 1878-1879, il le fit reconstruire presque complètement sous la direction de M. Clair, architecte, tout en respectant le plus possible toutes les parties des entablements, des cordons, des baies et des sculptures qu'il a été possible de conserver. Parmi les parties demeurées intactes, il convient de citer l'escalier monumental, dont nous donnons une vue. Sur la façade du château qui appartient aujourd'hui à la comtesse de La Rochetulon, née Cécile de Lascases, se lit l'inscription suivante :

ANNO MDCCCLXXVIII
Hocce castellum
reœdicavit

comte Gabriel de Lascases
V. Clair, architecte (1).

 

Parmi les noms des étrangers qui ont laissé leur carte de visite burinée au couteau, sur l'escalier des Cathus, on lit ceux-ci : « Gosmao, Grande et Parseval, aspirants sur l'Italienne 1809 » l'une des trois frégates qui livrèrent, dans la rade des Sables, le 24 février 1809, un combat naval dont nous parlerons en temps et lieu.

Ce navire portait bonheur à ses officiers ; Cosrnao-Dumanoir est devenu contre-amiral; l'amiral Parseval-Deschênes a commandé, la flotte de la Baltique (2).

 

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NOTES:

(1) Inscription relevée par M. Braud, agent-voyer à Talmont.

(2) Extrait du vrai guide aux Sables, par un Sablais, 1874.

 

CHEMINÉES MONUMENTALES

 

Les cheminées, pendant tout le XVIe siècle, prennent dans les édifices une importance qu'il est utile de signaler. Il n'est pas une construction de quelque intérêt qui n'ait une ou plusieurs de ces cheminées monumentales. Parmi les types les plus anciens, nous citerons les deux jolies cheminées du prieuré de Mouzeuil, avec leurs frises délicates et leurs cadres formés de pilastres. L'une de ces cheminées orne aujourd'hui la grande salle à manger du château de la Pellisonnière du Boupère. - La jolie cheminée de la maison Billaud, de Fontenay (1), achetée à beaux deniers par l'ancien sénateur et directeur de l'Évènement, Edmond Magnier, et transportée dans sa villa d'Hyères, dans le Var. - Celle de la Lyère, dans la commune de Sainte-Flaive-des-Loups, et transportée à La Court de Saint-Cyr-en-Talmondais. - Celle de Bonnefond, dans la commune d'Aizenay. - Les jolies cheminnées des Granges-Cathus, dont nous avons déjà parlé, avec leurs médaillons de Pyrame et de Thisbé. - La cheminée de la Popelinière, de Sainte-Gemme, avec ses écussons de France et de Voisin. Celle de Coulonges, transportée dans la superbe habitation de l'artiste fontenaisien M. de Rochebrune, ainsi que celle du gouverneur de Fontenay, si chargée de sculptures de toutes sortes, et reproduite si souvent par la gravure et la lithographie. Les cheminées de Cantaudière, de la tour de Bessay, de la Popelinière, de la Girardière, de la Court de Saint-Cyr-en-Tamondais (2), des Voureuils, du Givre, du Chatellier-Barlot, etc.

 

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NOTES:

(1) Hôtel de la Pérate.

(2) Sortie des mains de Jehan Logeay et Jacques Robert, deux scuplteurs locaux, provenant de l'ancienne hôtellerie du Palais Royal à Fontenay.

 

IMITATEURS DE PALISSY EN POITOU

 

En poitou, les imitations des poteries de Palissy furent aussi nombreuses qu'en Saintonge. La première qu'il faille mentionner après la faïencerie d'Oiron est celle de Fontenay-le-Comte. Palissy vint à Fontenay au moment de la foire de la Saint-Jean en 1555, probablement pour y débiter ses faïences, quoiqu'on ne puisse l'affirmer. Ce qui est certain, c'est qu'il fut alors caution d'un certain Pierre Reynaud, marchand à Saintes (1). En 1558, une fabrique de vaisselle de terre fut fondé à Fontenay, par Sébastien Collin, médecin-naturaliste, aidé des conseils de Palissy. Les terres étaient prises à Faymoreau et à la Roche, de la même paroisse.

Une liquidation eut lieu en 1566 mais tout fait supposer que la famille de Valloyre, associée à Collin, en aurait rallumé le four, car en effet on trouve Abraham Valloyre qualifié potier de terre dans un acte du 8 juillet 1581, relatif à la vente d'une maison située dans la rue Sainte-Catherine des Loges ou de la Caillère, c'est à dire près de l'église Saint-Jean de Fontenay. Un certain Nicolas Valloyre était encore potier dans cette ville en 1609. Il figure dans un acte d'assemblée de gens de métiers réunis cette année-là pour mettre obstacle à une mesure fiscale. Presque en même temps, en 1560, une autre fabrique de poterie était établie à Apremont, avec privilège du roi François II, par le sieur de la Brossardière, et Benoît Georget, à la requête d'Anne Chabot, dame de Piennes, et dame d'honneur de Marie Stuart. (Ce sieur de la Brossardière n'était autre que Julien Mauclerc, seigneur du Ligneron en Apremont, et de la Brossardière en Coëx.)

 

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NOTES:

(1) La ville de Saintes a élevé, en 1868, à Bernard Palissy, une très belle statue placée non loin de la Charente, en bordure du cours National.

 

LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE ET SCIENTIFIQUE
EN BAS-POITOU AU XVIe SIÈCLE

 

L'IMPRIMERIE

 

Mais ce n'était pas seulement vers le commerce, l'industrie et les arts que devaient se porter, aux XVe et XVIe siècles, l'activité et l'intelligence des Bas-Poitevins.

La prise de Constantinople chassant jusqu'à nous les héritiers de l'antiquité classique, et l'imprimerie (1) s'offrant au moment propice pour multiplier ces chefs-d'oeuvre retrouvés, inaugurèrent le début de l'ère moderne que nous voyons grandir, et qui sous le nom de Renaissance, a pris sa place à côté des périodes les plus glorieuses pour l'esprit humain.

Le droit, la justice, la liberté humaine, se relevaient au nom de l'Évangile, et le monde, échappé au cercle de fer, renaissait réellement; les rois prenaient souci du peuple ; l'esprit de saint Louis semblait revivre avec sa sainte et féconde influence. Un pape illustre, Léon X, ami des arts, occupait le siège pontifical, et sous toutes ces influences, l'homme retrouvait toutes ses énergies, faisait des merveilles dans les arts, les sciences et les lettres.

Cette époque fut grande, surtout pour Fontenay, et une petite ville cachée au fond d'une province éloignée, fut un véritable foyer de lumière, d'où sortirent de grands caractères et de nobles esprits, qui suffiraient seuls à l'illustration d'une époque.

L'étude du droit et de la médecine, portes ouvertes à la roture sur le chemin des privilèges, attirait les fils de certaines familles enrichies dans le commerce des draps et des cuirs.

L'exemple de Jean Rabateau qui, de simple juge prévotal, était devenu président au Parlement de Paris, et garde par intérim, des sceaux de France, et celui de Jean Button, seigneur de Jarnigande, médecin de Louis XI, les encouragèrent à entrer dans ces deux voies, que nous verrons illustrées par des hommes de premier ordre, dont les ancêtres, Jean Brissot (2), Artus Cailler, beau-frère d'André Tiraqueau, Pierre Goguet, Jean Brisson et Jacques Fouschier (3), portèrent jusqu'à Paris la réputation des légistes bas-poitevins.
Mais on peut dire que ce fut de la cellule d'un cordelier que, pour le Bas-Poitou, jaillit vraiment le premier éclair.

On sait de quels doutes terribles était depuis longtemps assiégée la conscience humaine. Sous Louis XII, les esprits étaient entraînés par une force irrésistible qui se faisait sentir jusqu'en Poitou. « La terre, la conscience et les clefs du ciel n'appartiennent qu'aux élus, et les élus ne sont trop souvent que les barons de la royauté ou les barons de l'Église. »

Le savant pape Pie II, en. 1456, trouve la situation si désolée par les luttes où les maîtres de la terre usent les forces des nations au service de leur haine et de leurs vanités qu'il s'écrie : « L'indignation ne me permet pas de me taire, ni la douleur de parler, il est honteux de vivre encore. » Dante avait dit avant lui : « Votre avidité fait le deuil de la terre, foulant aux pieds les bons, élevant les pervers. » Les saints, depuis Salvien jusqu'à saint Bernard n'avaient pas tenu un langage moins sévère.

Dès 1448, le 7 mai, un moine cordelier, Philippe Bertin (4), avait été brûlé vif à Fontenay, pour avoir attaqué la hiérarchie catholique.

Parmi ses compagnons, les uns ne voulaient en rien pactiser avec ses théories; mais d'autres, notamment le savant Lamy (5), le correspondant et l'ami du célèbre Guillaume Budé (6), s'associaient aux idées de ceux qui prétendaient apporter la réforme dans la discipline ecclésiastique.

Ce fut dans ce milieu enflammé par les passions religieuses, que devait se trouver Rabelais, en arrivant comme novice au couvent des Cordeliers.

 

Rabelais. - Né à Chinon vers 1483, et fils d'un apothicaire, Rabelais, avec sa merveilleuse facilité d'apprendre, ne tarda pas à capitaliser ce prodigieux savoir qui, dépassant les murs de son couvent où il s'était lié avec le savant Lamy, le mit en rapport avec ceux qui, en Europe, dirigeaient la renaissance des lettres et des idées, comme Erasme et Budé.

Jalousé par ses confrères, Rabelais, un peu surpris peut-être de se voir vêtu du froc, passa, en 1523, à Maillezais, où la vie était plus douce et plus agréable. Puis s'accommodant peu de la vie claustrale, il jeta le froc, et se mit à courir le monde, se fit recevoir docteur à Montpellier, en 1531, et exerça la médecine dans cette ville. Chargé par la faculté de Montpellier de solliciter du chancelier Duprat, le rétablissement de quelques-uns de ses privilèges, il réussit dans cette négociation, et la Faculté reconnaissante décida qu'à l'avenir tout médecin qui prendrait ses degrés, revêtirait en passant sa thèse, la robe de Rabelais. Son souvenir s'est tellement bien conservé dans cette vieille université, qu'à l'occasion des fêtes qui y furent données à la fin de mai 1890 pour célébrer son sixième centenaire, le sujet choisi pour le cortège historique portait : La soutenance des thèses doctorales de Rabelais, en 1537.

Le cardinal du Belley, ambassadeur auprès du Saint-Siège, et qui l'avait connu au collège, l'emmena comme médecin à Rome, où il se fit remettre les peines canoniques qu'il avait encourues. Néanmoins, il n'épargna dans ses railleries, ni le sacré-collège, ni le pape lui-même. A son retour, il obtint une prébende à l'abbaye de Saint-Maur et fut, en 1545, curé de Meudon ; il mourut en 1553, à Paris, où il s'était rendu, dit-on, parce qu'il était à la veille d'être nommé curé de Saint-Paul.

Rabelais était de l'humeur la plus gaie et la plus bouffonne. Il composa entre autres ouvrages, la Vie horrifique du Grand Gargantua, et l'Histoire de Pantagruel. On déplore que dans ces étranges ouvrages, Rabelais ait mêlé aux idées les plus saines, les plus sublimes et les plus religieuses, le langage le plus cynique. « Où Rabelais est mauvais, dit La Bruyère, il passe bien loin au-delà du pire; où il est bon, il va jusqu'à l'exquis et à l'excellence. »

On s'est donné beaucoup de peine pour saisir le véritable sens de l'histoire de Gargantua et de Pantagruel. La plupart des commentateurs y ont vu une allégorie continuelle ; pour eux, Gargantua est François Ier, Grangousier Louis XII, Pantagruel Henri II, la Grande Jument Diane de Poitiers, etc.

Quoi qu'il en soit, Rabelais eut de bonne heure la réputation méritée d'un lettré qui a droit de cité parmi nous, car il a bu à la source fécondante nommée par lui Fontaine des beaux esprits, et que c'est à sa sollicitation pressante que François Ier avait, en 1542, donné à Fontenay les armes et la devise célébrée si souvent par les poètes du XVIe siècle : Félicium ingeniorum fons et scaturigo (7).

Le dernier acte de Rabelais aurait été, paraît-il, ce testament-ci. « Je n'ai rien, je dois beaucoup, je donne le reste aux pauvres. » D'autres prétendent qu'il finit au milieu de facéties et de bons mots, et qu'il se serait fait affubler d'un domino, pour parodier la parole de l'Évangile. Beati qui in Domino moriuntur. Selon d'autres il serait mort en athée ou au moins en sceptique, et aurait dit avant d'expirer. « Je m'en vais chercher un grand peut-être » et comme Néron : « Tire le rideau, la farce est jouée.»

D'autres grands génies, formés pour la plupart à son école, portaient haut la renommée de Fontenay, et payaient à la France un tribut de génie et vertus ! C'est nommer Pierre Brissot, Tiraqueau, Barnabé Brisson, Nicolas Rapin, Viéte et Rivaudeau.

Esquissons un instant la physionomie de ces hommes illustres qu'on a appelés avec beaucoup d'à-propos les grands hommes d'une petite ville.

 

Brissot (Pierre) (8). - Chirurgien en chef du roi d'Espagne, né à Fontenay en 1478, probablement dans la maison occupée aujourd'hui par la Chambre des notaires, mourut à Lisbonne en 1522, après avoir contribué puissamment à faire substituer à l'empirisme arabe, les doctrines d'Hippocrate et de Gallien. Ses études sur la saignée dans la pleurésie, le rangent parmi les précurseurs du célèbre médecin anglais Harvey, qui découvrit la circulation du sang. Brissot fut à juste titre nommé par ses contemporains la splendeur de la médecine (9).

 

Tiraqueau (André). - Illustre jurisconsulte dont le nom est universellement connu, né à Fontenay en 1480, mort en 1558, fut surnommé pour son savoir le Varron de son siècle. Occupa successivement les charges de sénéchal à Fontenay, de conseiller au Parlement de Bordeaux, et de conseiller au Parlement de Paris. Il a écrit de nombreux ouvrages qui révèlent une science prodigieuse.

Éclairant le droit par la littérature et l'histoire, Tiraqueau est avec Cujas l'un des fondateurs de l'École française. Doué d'une vaste intelligence et d'une profonde érudition, il a longtemps partagé avec son noble émule Cujas, l'insigne honneur de ne jamais voir son. nom prononcé dans les écoles, sans que le professeur ne se découvrît, et n'employât la formule sacramentelle « Tiraquellus poster. »

Encore aujourd'hui, le nom de Tiraqueau est placé avec respect à côté de celui de Cujas.

Son fils aîné Michel, sénéchal de Fontenay, collectionneur émérite « d'antiquités, d'objets d'arts et d'histoire naturelle », fut lui-même un homme de grand talent. Il épousa Suzanne Gobin, grand'tante du maréchal Catinat. Sa statue, que reproduit notre dessin, d'après un cliché de B. Fillon, fait partie de la collection de M. Raoul de Rochebrune, propriétaire à la Court de Saint-Cyr-en-Talmondais.

Le père de Tiraqueau était venu de la Barbinière de Saint-Philbert-du-Pont-Charrault. En 1840, on trouvait encore à la Barbinière, d'où les Tiraqueau étaient sortis, les derniers héritiers du plus jeune frère d'André, dans une pauvre maison habitée par un vieux paysan et ses trois filles, et nous croyons savoir qu'un des descendants de cette illustre lignée est aujourd'hui instituteur dans une petite commune de la Vendée (10).

 

 

Brisson Barnabé. - Tiraqueau avait à peine disparu de la scène du monde qu'un jeune légiste, fontenaisien comme lui, et qui devait être mêlé à tous les orages de la vie politique, débutait comme avocat au Parlement de Paris. Doué d'une élocution brillante et d'un savoir éminent, il s'éleva bientôt au premier rang des orateurs et des jurisconsultes. Puis il passa des rangs du barreau dans ceux de la magistrature, devint conseiller d'Etat et ambassadeur en Angleterre. Rentré en France il publia sous le titre de Basiliques ou de Code Henri III, le fruit de longues et pénibles recherches, pour réunir en un seul corps d'ouvrage les ordonnances royales.

Il y eut, sans doute, dans la vie de Brisson, quelques défaillances. L'ambition l'égara, et il eut le tort d'accepter les fonctions de premier président au Parlement de Paris, à la place d'Achille de Harlay, son protecteur et son ami. Mais sa mort tragique n'at-elle pas racheté les faiblesses de sa vie. Il a su en effet, dans un des plus sombres jours de nos discordes civiles, rappeler le justum ac tenacem dont parle Horace, et il est mort pour avoir refusé de prendre et de déposer le glaive de la justice au gré d'une populace aveugle en ses fureurs (11). Grande et belle mort, bien faite pour émouvoir le poète et désarmer l'historien.

 

Rapin (Nicolas). - Mais au XVIe siècle, Fontenay n'a pas seulement produit des légistes, des orateurs cette ville a encore donné le jour à des poètes. Malgré les vers de Boileau :

Enfin Malherbe vint, et, le premier en France
Fit sentir dans les vers une juste cadence.

on peut dire avec assurance, qu'avant Malherbe la poésie avait eu de dignes représentants. Parmi les poètes du XVIe siècle, Nicolas Rapin, né à Fontenay à la fin de 1535, n'est peut-être pas un des plus célèbres, mais il est certainement un des plus distingués. Contemporain et ami de Barnabé Brisson il joue, lui aussi, un rôle important dans l'État, et devient grand prévôt de la connétablie de France. Adversaire infatigable de la Ligue, il gagna ses titres de noblesse sur le champ de bataille d'Ivry et collabora à la satire Menippée. Mais un plus grand titre de gloire est dû à son génie poétique; sans craindre d'être taxé d'exagération, nous pouvons admirer le poète qui disait à Achille de Harlay.

 

« Détourne tes pensées des faveurs de la Cour

« Maintiens ton grave front, quoique le temps qui court

« Désirerait des moeurs qui fussent moins austères ;

« Aux grands maux comme sont les nôtres d'a présent

« Le médecin perd tout qui se rend complaisant,

« Les breuvages amers, sont les plus salutaires.

 

Qu'il nous soit encore permis d'exprimer chaleureusement nos sympathies pour le poète qui, au milieu de la guerre civile entretenue par les étrangers, faisait entendre ces vers, où respire un ardent patriotisme.

« Espagnols, apprenez, que jamais l'étranger
« N'attaqua le Français qu'avec perte ou danger.
« Le Français ne se vainc que par le Français même !

En lisant ces vers, on se demande si le poète, par une mystérieuse intuition de l'avenir, avait entrevu ces luttes tristes et terribles où nos pères, combattant avec un égal héroïsme dans deux camps opposés, ont arrosé de leur sang leur commune patrie. Quoiqu'il en soit, félicitons-le, dans un temps où les partis méconnaissaient trop souvent la voix de la raison et du devoir, d'avoir glorifié le courage des enfants de la France. Une des plus belles compositions poétiques de Nicolas Rapin est certainement celle qui a pour titre : Les Plaisirs du gentilhomme champêtre. Dans cette pièce de vers, que nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici, et qui est la délicieuse paraphrase d'une ode d'Horace, Nicolas Rapin décrit les distractions du propriétaire campagnard qui vit sur ses terres, libre de tous les soucis qu'enfante l'ambition. Il mourut à Poitiers le 13 février 1608.

 

Viète (François). - Â côté de Tiraqueau, de Barnabé Brisson, de Nicolas Rapin, et peut-être au-dessus d'eux, il faut placer François Viète, l'un des plus grands mathématiciens dont la France puisse s'honorer. François Viète, né à Fontenay en 1540, peut en effet être classé, au rang de ces hommes doués du génie de l'invention, et qui par de grandes découvertes ont contribué au progrès des sciences et au développement de l'esprit humain. Il n'a manqué peut-être à Viète, pour être rangé à côté de Descartes que d'avoir écrit dans sa langue maternelle. S'il eût été un écrivain français, et si notre prose eût reçu l'empreinte de son vigoureux génie, son nom, au lieu d'être ignoré de la foule, se serait vu entouré d'une légitime et immense popularité. Mais il a écrit sur les mathématiques et dans la langue des érudits, et alors combien d'hommes ignorent qu'il eut l'honneur d'inventer les signes algébriques. Et pourtant, quelle admirable et précieuse découverte! Au moyen de la simplification des signes, les calculs les plus compliqués s'effectuent, les problèmes les plus ardus se résolvent; l'induction, qui semblait rivée au champ de la métaphysique, passe dans celui des mathématiques, et l'homme peut connaître les lois qui régissent les éléments, utiliser les forces de la nature, explorer la vaste étendue des mers et lire jusque dans le livre mystérieux du firmament, où le Créateur a écrit en lettres d'or le poème éclatant de sa gloire et de sa toute-puissance (12).

Après avoir été successivement avocat à Fontenay (13), conseiller au Parlement de Bretagne, et conseiller d'État, il devint surtout l'émule de Descartes et de Newton, entre lesquels le placent une foule de découvertes mathématiques. Il eut du reste un peu le sort de Newton : attaché à Henri IV pendant les guerres de la Ligue, il apprit la langue espagnole et parvint à déchiffrer toutes les lettres interceptées par les soldats français. La cour d'Espagne, déconcertée, crut qu'Henry IV avait le diable à son service, et s'en plaignit amèrement à Rome, qui somma notre mathématicien de comparaître à son tribunal comme sorcier et nécromant. Celui-ci, en homme d'esprit, se moqua de la sottise de ses prétendus juges et fit bien (14).

Il mourut à Paris en 1603. Sur l'initiative de M. Fillon, la ville de Fontenay avait eu, en 1858, la bonne pensée d'ouvrir une souscription pour élever une statue en bronze à François Viète, sur la place d'Armes (aujourd'hui place Viète).

Espérons que ce projet, malencontreusement abandonné, sera repris. La mémoire de notre grand Viète a tout droit à ce trop tardif hommage de reconnaissance et de piété filiale.

 

De Rivaudeau (André). - Naquit à Fontenay vers 1538 (15), de Robert Rivaudeau, originaire de Beauvoir-sur-Mer et de Marie Tiraqueau. Après avoir fait à Poitiers de brillantes études, il entreprit, tout jeune encore, de composer une tragédie suivant le plan de la scène grecque. Déjà il avait commenté une pièce d'Euripide, bien étudié les préceptes d'Aristote, reconnu sur l'indication d'Horace les défauts de Plaute et de Térence ; il se croyait en mesure de réussir. Son esprit religieux et sévère lui fit choisir un sujet biblique. L'histoire touchante d'Esther qui devait un siècle plus tard, produire un. chef d'œuvre sous la plume de Racine, fut disposée par Rivaudeau sur le modèle du théâtre grec, en cinq actes et des choeurs, et représentée à Poitiers le 21 juillet 1561 sous le titre d'Aman, c'est-à-dire dix ans après la représentation de la Cléopâtre de Jodelle.

André de Rivaudeau semble avoir passé la majeure partie de sa vie littéraire au manoir de la Groizardière. La sévérité de cette retraite, qu'il ne quitta pas assez souvent, a dù porter un coup fatal à son talent comme à sa renommée. Il fallait alors, comme aujourd'hui de la retraite pour poser l'esprit, et du monde pour l'aiguillonner (16). »

Au-dessous ont gravité les Besly, les Collardeau, les Dupin, les Pager et d'autres hommes distingués qui n'ont guère obtenu qu'une célébrité purement locale. Tous ces personnages, mais surtout les cinq dont nous nous sommes entretenus, ont jeté un vif éclat, non seulement suc Fontenay, mais sur la France entière. En dehors de Fontenay, et sur d'autres points du Bas-Poitou, deux hommes appartenant à la même famille, mais dans des genres différents, cultivaient eux aussi les lettres et les sciences. L'un, Jacques Berreau, poète aimable et tendre, a écrit des chansons, des églogues, des sonnets pleins d'aisance et de douceur, qui auraient assuré de son vivant à leur auteur une juste célébrité, si au lieu d'habiter au fond d'une campagne, il eut eu Paris pour théâtre de ses talents.

L'autre, Lancelot Voisin de la Popelinière, grand capitaine et homme d'État, se délassait des fatigues de la guerre en écrivant, pour l'éducation de ses contemporains et des générations à venir, l'histoire des grands événements auxquels il avait été mêlé, soit comme acteur, soit comme temoin , et qui, pendant la seconde moitié du XVIe siècle, mirent la France à deux doigts de sa perte.

 

Jacques Berreau. - Jacques Berreau, licencié ès-lois, sénéchal de Puybelliard et de la Touche-Amblais, parent du fameux capitaine et écrivain protestant Lancelot Voisin de la Popelinière dont nous venons de parler, naquit très vraisemblablement à Burbure, près le Boupère ; d'aucuns lui donnent néanmoins Luçon comme lieu d'origine. Quoi qu'il en soit, Berreau, dont la fortune était modeste, ne put former un établissement à Paris, comme il semble qu'il le souhaitait dans un sonnet adressé à Barnabé Brisson.

 

Brisson en cependant que l'occupation
De ton esprit heureux et ta longue facunde
S'exerce en ce palais le plus fameux du monde,
Où jeune tu t'aquiers grand réputation.

Cependant qu'à Paris où toute nation,
Meue de sa grandeur confusément abonde
Tu vas augmentant de science profonde

Et de vertus espris de saincte affection.
Ici je chante, assis sur le bois aquatique
De mon Loy doux coulant main sonnet poétique
Selon la passion qui m'en vient émouvoir.

Et que ferais-je mieux? mon désastre me force
Désastre sans renom, n'ayant moyen ne force
De me faire aux barreaux ainsi comme toy voir.

 

Très souvent Berreau séjournait au Grand-Launay et au Plessis-Houtelin de Sigournais, chez son frère Pierre, et c'est là surtout qu'il trompa l'ennui en taquinant les Muses, et c'est sur les rives du Lay, alors Loy ou Loi qu'il les promenait lorsqu'il écrivit dans le goût de Ronsard le sonnet ci-dessus.

Jacques Berreau est notamment l'auteur de la chanson pleine de grâce et de fraîcheur que l'on chante encore au bocage vendéen, le soir, au crépuscule, ou le matin, alors que tout s'éveille dans la nature : elle gagne alors en poésie tout ce que le paysage y ajoute de couleur locale.

 

Gentil Rossignolet,
Honneur du vert bocage,
Qui, dans ce ruisselet,
Mirer son beau visage
Vois mon amie souvent
Dès le soleil levant ;

 

Dis-luy qu'un temps choisir
Meilleur ne pourrait-elle
Pour l'amoureux plaisir
Qu'ore que jeune est et belle,
Car nully n'en voudra
Quand l'âge la prendra.

 

Et qui souvent la vois
Venir toute seulette
Ici près dans ses bois,
Cueillir la violette
Et des nids nouvellez
Chercher les oiselletz.

 

Dis-luy en ma faveur
Que le beau de sa face
Est semblable à la fleur
Qu'au-matin elle amasse ;
Ore en est beau le teint,
Qui sera tost éteint.

Dis-luy qu'elle ne soit,
Pour estre ore jolie
Fière, et que sce decoit
Qui en cela se fie :
Qu'il ne faut espérer
Pouvoir guères durer.

 

Dis-luy que désormais
Ses rigueurs et outrages
Ell' quitte pour jamais
Aux animaux sauvages
Et que la cruauté
Sied mal à sa beauté.

 

Dis-luy le grand tourment
Que supporte et endure
Mon las cœur en l'aimant :
Au moins par adventure,
Quand de toi ell' l'oira (ouïr)
Pitié elle en aura.

 

Dis-luy donc tout cecy,
Et pour t'en, reconnoistre
Je la prieray aussi
De laisser au nid croistre
Tes petits, sans chercher
A te les dénicher (17).

 

Les œuvres poétiques de Berreau, dédiées à Monseigneur Tiercelin, évêque de Luçon, furent éditées à Poitiers en 1565 ; elles l'ont été à nouveau, il y a quelques années, par les soins de MM. Hovyn de la Tanchère et Guyet, à l'aide de l'exemplaire qui jadis était la propriété de Charles Nodier.

 

Voisin de la Popelinière. - La Popelinière naquit à la Popelinière de Sainte-Gemme-la-Plaine, près Luçon, en 1541, du mariage de Joachim Voysin et. de Marie Le Tourneur. La gentilhommière où il naquit se voit encore. Une partie des constructions remonte au XVe siècle ; le reste a été rebâti par ses soins.

Ses parents sortaient de la classe intermédiaire des propriétaires, qui se confondait alors avec la petite noblesse, et s'étaient enrichis dans les fermes, particulièrement dans celle de l'abbaye de Moreilles, quoiqu'ils eussent embrassé les idées de la réforme ; mais avant d'être agriculteur, son père avait porté les armes et fait les guerres d'Italie. Il eut pour parrain Lancelot du Bouchet, ce terrible baron de Sainte-Gemme qui incendia, à la tête des huguenots, les églises de Poitiers.

Élevé dans les meilleures universités, le jeune Voisin de la Popelinière se fit de bonne heure estimer des hommes de son parti, qu'il servit bravement de sa plume et de son épée (18). Tous les historiens impartiaux reconnaissent que notre illustre compatriote est l'un de ces rares et recommandables écrivains qui ont pris la plume pour la défense de la vérité. S'élevant au-dessus des passions vulgaires des partis, il a su rendre justice à tous, et n'a pas reculé dans cette tâche périlleuse et devant les rancunes et les menaces de vengeance des hommes puissants qu'il osait démasquer. Il avait raison de choisir pour devise : « Dieu Est Mon Rampart (19) ». Au moment où parut l'édition de son Histoire de France, imprimée à la Rochelle, en 1581, en deux volumes in-folio, il fut tout bonnement question de se défaire de lui par un coup d'arquebuse ou de poignard, et l'on vit à la tête de ses ennemis déclarés le roi de Navarre et le prince de Condé. En dehors de son Histoire de France, où se reconnaît toujours le style d'un capitaine, d'un homme de guerre et d'un homme d'état, La Popelinière a publié notamment :

La vraie et entière Histoire des Troubles et choses mémorables, advenues tant en France qu'en Flandre et pays circonvoisins, depuis 1562, remplie de détails historiques sur les troubles de la Guyenne et du Poitou ; le fameux siège de Poitiers y est écrit avec toute l'exactitude possible, et on peut dire que peu de nos modernes ont si bien réussi.

L'Histoire des Histoires, livre qui mérite encore d'être lu ; La Popelinière y fait une critique souvent très judicieuse des auteurs de toutes les nations ; on y trouve une infinité d'observations excellentes, et l'on peut dire que c'est la première méthode de l'histoire qui ait paru.

Une traduction sur l'Italien de Bernardin de Roque de Plaisance. Dans cet ouvrage, traitant de questions militaires, l'auteur y donne des leçons et des moyens de se bien conduire à un général, soit pour former le soldat à l'obéissance qu'il doit à son capitaine, soit pour l'observation de la discipline dans les marches et les campements, dans l'attaque et dans la défense, et même dans le cas d'une surprise, d'une rencontre, des détachements et des batailles rangées.

Les Trois Mondes ; 5° L'Amiral de France ; 6° Premier langage usité entre les Français ou Gaulois et les changements d'icelui, etc.

Au moment de sa mort, arrivée à Paris le 8 janvier 1608, l'année du grand hiver, La Popelinière était réduit à la plus profonde détresse, sort ordinaire des cœurs honnêtes et désintéressés. Ayant toujours été touché de l'intérêt et du juste durant toute sa vie, c'eût été miracle que sa fin n'eut pas été telle. Il fut enterré au cimetière des huguenots, faubourg SaintGermain, par les soins du ministre du Moulin et aux frais de Scarron, l'apôtre, son parent du côté de sa première femme, Marie Bobineau « auquel il a coûté cinq livres tournois. »

 

Jacques de Billy. - Un des contemporains de la Popelinière, un abbé de Saint-Michel-en-l'Herm, était alors considéré comme un des hommes les plus savants de son temps. Nous avons nommé le latiniste, l'helléniste, l'hébraïsant Jacques de Billy (1576). Après avoir fait à Paris ses premières études, étudié le droit à Orléans et complété son éducation à Poitiers, de Billy était devenu un homme très savant, surtout dans les langues grecque et hébraïque, et un littérateur distingué. On a de lui des traductions latines : 1° Des œuvres de saint Grégoire de Naziance (20) ; - 2° Des lettres d'Isidore de Peluse (21) ; - 3° Des œuvres de Jean Damascène (22) ; - et quelques ouvrages de saint Jean Chrysostôme (23). De plus, il a publié six livres en vers, du second avènement de Notre-Seigneur (24).

On doit encore à Jacques de Billy un dernier ouvrage que ne mentionne pas la biographie universelle. Il a pour titre : Antologia sacra ex probatissimus utriusque linguæ partibus collecta, atque œtastutris versibus comprehensa.

Si tous ces ouvrages ne prouvent pas que le goût fut formé, ils montrent du moins que le souffle des discordes civiles n'était pas assez puissant pour éteindre le flambeau de la science, et pour empêcher les esprits généreux de pousser le monde vers un avenir meilleur, comme le fit Jacques de Billy.

Voici du reste ce que dit de lui un écrivain peu suspect, La Popelinière, après avoir mentionné sa présence au siège de Poitiers en 1569. - « Là, dit-il, furent tués le capitaine Prunay et son frère. Ils étaient de la noble famille de Billy et maisons de Prunay, et laissèrent l'abbé de Saint-Michel-en-l'Air et, de Saint-Vincent-de-Laon, frères, desquels le premier est si bien pourvu de toute exquise littérature qu'il en est recommandé par tous ceux qui le connaissent : ce que la version de Grégoire Nazianze témoigne et quelques autres docteurs grecs ecclésiastiques qu'il a rendu latin depuis qu'il est abbé de Saint-Michel, que son frère qui est aujourd'hui prieur de Gaillon; quitta et autres biens de ce inonde, pour se rendre religieux aux chartreux de Paris », août 1569. - Histoire de France, tome II, folio 116.

Jacques de Billy mourut à Paris le 25 décembre 1581 (25) chez son ami le bénédictin Génébrard, professeur d'hébreu, renommé par sa vaste érudition, la publication d'un grand nombre d'ouvrages et son exagération comme Ligueur.

 

Jacques du Fouilloux. - A côté des Nicolas Rapin, des Rivaudeau, il convient de placer encore, mais dans un cadre différent, un autre bas-poitevin, écrivain de talent et veneur émérite, dont la réputation fut presque européenne. Jacques du Fouilloux, auteur du célèbre traité de la Vénerie, naquit vraisemblablement au château de Bouillé-Courdault, vers le mois de septembre 1519, et mourut le 5 août 1580 (26).

Nous ne dirons, rien de son existence orageuse, de ses démêlés conjugaux, du rôle qu'il joua pendant les guerres de religion. Sa renommée de veneur émérite lui servit en quelque sorte de sauvegarde au milieu des discordes civiles, et les partis qui se disputèrent la possession du Bas-Poitou respectèrent en lui le précepteur de la gentilhommerie.

Du Fouilloux doit sa célébrité au livre de la Vénerie, « ouvrage écrit avec beaucoup de goût, de verve et d'originalité, et rempli d'observations curieuses, dont les travaux des naturalistes modernes ont démontré l'exactitude. La première réédition parut à Poitiers en 1561, chez les Marnef et les Bouchet, frères. Le privilège est daté d'Orléans, le 23 décembre 1560.

En tête de ce volume, de format petit in-folio, et orné de nombreuses gravures en bois, est une dédicace adressée à Charles IX, qui est l'expression de la philosophie de l'auteur. « Il est certain et notoire à chacun, y dit-il au Roi, que, de tout temps, les hommes se sont adonnés à plusieurs hautes et occultes sciences : les uns à la philosophie pour contenter leur esprit, les autres aux arts mécaniques pour acquérir des richesses. Les inventions desquels ont cri tant de manières esté éparses, que de les desduire et nombrer par le menu, seroit quasi chose impossible. De façon qu'après avoir le tout bien examiné et considéré, enfin je me suis arresté à ce qu'à dit ce grand et sage roy Salomon : que toutes choses qui sont souz le soleil ne sont que frivole vanité; d'autant q'il n'y a science ny art qui puisse, allonger la vie plus que ne le permet le cours de nature. Pour ce m'a-t-il semblé, Sire, que la meilleure science que nous pouvons apprendre (après la crainte de Dieu) est de nous tenir et entretenir joyeux, en usant d'honnestes exercices, entre lesquels je n'ay trouvé aucun plus noble et plus recommandable que l'art de la vénerie. »

On ne peut rien ajouter à ces quelques lignes ; elles peignent l'homme tout entier. Sceptique, ou plutôt indifférent en matière de religion, à une époque de fanatisme, il sut vivre presque en paix, au milieu des troubles qui bouleversèrent la province où il vécut. Il fit en sorte de « s'entretenir joyeux » et de se renfermer dans un voluptueux égoïsme.

La Vénerie a été réimprimée vingt-deux fois en France (27), trois ou quatre fois en Allemagne et une à Milan. On a joint à quelques-unes de ces nombreuses éditions la Fauconnerie de Jean de Franchières, la Chasse aux Loups de Clamorgand et le Miroir de fauconnerie de Pierre Harmont. - Le livre de du Fouilloux dut sa grande vogue à la passion de la noblesse pour la chasse ; pendant un siècle et demi on le trouve dans tous les châteaux. Malgré le nombre considérable des exemplaires répandus, il est devenu fort rare aujourd'hui, par cela même qu'il a été beaucoup lu, beaucoup étudié, et les bibliophiles se le disputent à des prix très élevés, surtout lorsqu'il apparaît en éditions primitives. - Le poème de l'Adolescence est d'une versification simple et facile. Comme dans tout ce que composa l'auteur, on y trouve trace du vieux esprit railleur et graveleux de nos pères. Il fait suite à la Vénerie(28).

Les vignettes en bois qui décorent la première édition sont fort intéressantes. Dessinées avec liberté, par un artiste de quelque talent, elles ont été gravées par des ouvriers inhabiles; mais elles ont néanmoins conservé le cachet de leur origine poitevine, qui se révèle surtout dans le costume des gens de la campagne. La première planche représente du Fouilloux offrait son œuvre à François II, auquel elle avait été d'abord dédiée. Les gravures des réimpressions n'ont plus la même naiveté. Celles de l'édition allemande de Strasbourg (1590) ont été exécutées par Guillaume Swanenborg, Daniel Meyer, Christophe Maurer et Christophe Stimmer, d'après les dessins de Jost Amman et de Tohie Stimmer (29)

 

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NOTES:

(1) La première imprimerie du Poitou fut établie en 1508, aux Moutiers-sur-le-Lay, résidence d'été des évêques de Luçon. par Jehan Clémenceau, qui y avait été appelé par Pierre de Sacierges. - La seconde en date apparut à Poitiers en 1519, par une édition du Breviarum historiale, puis les Coutumes du Poitou, in-folio. Vers 1550, une imprimerie était fondée à Fontenay, par Antoine d'Angicourt, fils de Pierre d'Angicourt, le premier libraire venu à Fontenay, au commencement du règne de François Ier. Dans le siècle suivant, on vit briller comme imprimeurs à Poitiers, jean et Engilbert Marnef, les frères Bouchet, fils ou neveux de l'annaliste, et d'autres dont les travaux rivalisent avec les plus belles éditions, par la correction du texte et l'élégance de l'impression.

(2) Le 6 août 1492, André de Vivonne, sénéchal du Poitou, lui faisait don d'un morceau de terre situé au terroir du Reclus (quartier du Bedouard). - Archives de Fontenay, T. I, page 403.

(3) L'avocat Fouschier s'attacha de bonne heure à la fortune du fameux chancelier Duprat, auprès duquel il se trouvait, à Bologne, en 1516, lorsque celui-ci régla avec Léon X, les articles du Concordat qui abolit la Pragmatique-sanction de Bourges, et gouverna l'église gallicane jusqu'à la Révolution. L'année suivante, il était à Rome, où le pape lui donna un bénéfice considérable. Fouschior entra dans les ordres à la fin de sa vie, et mourut en septembre 1527, laissant la réputation d'un homme lettré et fort habile au maniement des affaires.

(4) Il était le frère de Méry Bertin, époux de Catherine Teroille, fondatrice du couvent des sueurs du tiers-ordre de saint François ou de sainte Claire, établi au Puy-Saint-Martin en 1459, à côté de celui des Cordeliers.

(5) Probablement fils d'un tanneur de Fontenay. - Les Archives de Fontenay,T.II, page 27 bis, possèdent, portant la date du 30 juin 1509, une quittance du prix de divers livres, donnée parun commis d'Henry Estienne, imprimeur à Paris, au Cordelier Pierre Lamy, mandataire de Geoffroy d'Estissac, évêque de Maillezais.

(6) Les Archives de Fontenay possèdent plusieurs lettres de Guillaume Budé : l'une datée d'Autun (14 août 1523), est adressée à Pierre Lamy, T, u, pages 37 et 39, une seconde du 26 janvier 1524, est adressée à Rabelais, après que Budé eut appris les premières persécutions que Pierre Lamy et le futur curé de Meudon avaient essuyées de la part des Cordeliers, T. II, pages 41 et 46, une troisième de 1524, à Pierre Lamy, relative aux persécutions que les Cordeliers de Fontenay avaient fait éprouver à Rabelais, T. II, pages 49 et 53. Pierre Budé, savant français, né à Paris en 1467, mort en 1540, surnommé par Erasme, le Prodige de la France. Ce fut à son instigation que François Ier fonda le collège de France. Il fut nommé maître des requêtes sous ce règne, et devint prévôt des marchands.

(7) Deux ans après, au mois de novembre 1544, paraissait un édit royal, portant érection du siège particulier de Fontenay-le-Comte en sénéchaussée, et création de l'office de sénéchal de robe longue au dit siège (Archives de Fontenay, T. III, pages 147 à 154).

(8) Françoise Brissot, sœur du père de Pierre, avocat de talent et grand homme de bien, se maria avec un certain Denis Ballard, fils d'un fermier de Mervent, qui, après avoir voulu se faire prêtre, renonça à ce projet, et entra en qualité de musicien dans la maison de Dunois, seigneur de son lieu de naissance, puis ensuite dans celle de Louis XI. Le prince, satisfait sans doute de ses services, lui assigna des gages de vingt-et-un écus d'or sur la seigneurie de Fontenay, et l'autorisa, en 1477, à lever boutique de librairie près du collège de Beauvais, à Paris. Françoise Brissot étant morte, il épousa en secondes noces Nicole Bruneau, qui lui donna plusieurs enfants. Robert Ballard, l'un de ses petits-fils, obtint de Henri II le seul privilège d'imprimeur de musique du royaume, privilège exercé jusqu'à la Révolution par ses descendants, qui continuèrent à habiter la rue Saint-Jean-de-Beauvais, tout près de l'imprimerie des célèbres Estienne. Robert Ballard possédait encore, en 1549, une borderie proche du Cul-de-Bray, paroisse de Mervent. Les membres de la famille Ballard, restés dans le pays, eurent nombreuse postérité. L'un d'eux vint se fixer à Fontenay vers la fin du XVIe siècle. De lui, est issu David Ballard, curé du Poiré-de-Velluire, député du clergé de Poitou aux états généraux de 1789 ; l'un des trois premiers prêtres qui se réunirent aux tiers-état.

(9) Il avait reçu le bonnet de docteur en médecine en 1514, et fut obligé de quitter la chaire de philosophie de l'Université de paris, où en 1512 il avait remplacé son ami et ancien professeur Villemor.

(10) Marié en 1512 à Marie Cailler, dont il eut dit-on 30 enfants. Cette union féconde fut si bien assortie, que jamais dit un de ses biographes, le moindre désaccord n'en troubla la bonne harmonie. Les années passèrent sur la tête des époux, sans que cet heureux couple s'aperçut qu'il vieillissait autrement qu'à la blancheur des cheveux. La tendresse conjugale n'eut point à souffrir des injures du temps, et Jacques Spifame a raison de dire que dans ses relations intimes avec Marie Cailler,' Tiraqueau aurait pu répéter les vers d'Ausone : « Chère compagne, vivons comme nous avons toujours vécu, et ne nous parlons pas autrement que la première nuit de notre mariage. Que le soleil, en nous éclairant de ses rayons, ne vienne pas nous dire que nous avons changé avec l'âge, puisque, à tes yeux, je suis toujours un jeune homme, et que tu me sembles toujours être une jeune fille. » Merland, T. V, page 357.

(11) Victime des violences de la Ligue, et surtout de la faction des Seize, il fut pendu le 16 novembre 1591, à une poutre de la chambre du Conseil.

(12) Extrait du remarquable rapport lu par M. Giraud, au congrès archéologique de France, XXXIe session, à Fontenay (année 1864).

(13) Le 11 juin 1561, François de Sallenove, fermier du domaine de Fontenay, qui faisait partie du douaire de la feue reine Eléonore, femme de François 1er, était invité à rendre ses comptes à Viète. Archives de Fontenay, T.II, page 255.

(14) En 1631, le mathématicien Anglais Harriot, le cite comme l'homme qui, par son admirable habileté en mathématiques, a fait le plus grand honneur à la France, et plus de cent ans après, un autre anglais, Edmond Halley, le proclame le restaurateur et le promoteur de l'algèbre moderne.

(15) M. Merland, dans ses Biographies vendéennes, dit 1540: Le consulter pour plus de détails. - M. Mourain de Sourdeval a publié, en 1869, les oeuvres poétiques d'André de Rivaudeau, à Paris, chez Auguste Aubry.

(16) Extrait de l'A. E. 1858, page 1934.

(17) Profils vendéens, par Sylvanecte, pages 21 et 22.

(18) Dans le chapitre consacré aux Guerres de religion, nous aurons l'occasion de parler de la Popelinière, capitaine.

(19) Cette devise a dû être tirée de la traduction XVII « Dieu est mon roc, mon rempart haut et seur, « C'est ma rançon, c'est mon fort défenseur, » Clément Marot.

(20) 1576, in-fol. - En 4582, Génébrard et Chatard en donnèrent une nouvelle édition en deux volumes, en y joignant la vie de l'auteur.

(21) 1585, in-fol.-A la fin se trouve un travail intitulé : Sacrarum observationum libris duo, qui fait connaître Jacques de Billy, comme un des premiers critiques de son temps.

(22) 1577, in-fol.

(23) 1581, Ibid.

(24) 1576, Ibid.

(25) Nicolas Rapin a composé un poème sur la mort de Jacques de Billy.

(26) En 1565, nous le trouvons garde général des chasses royales en Poitou, ainsi que l'établit une commission de garde des forêts, bois et buissons. appartenant au Roi, en Bas-Poitou, donné le 8 novembre de cette année par du Fouilloux a Jacques Buor, seigneur de la Mothe-Freslon, paroisse du Champ-Saint-Père. - Le 22 novembre 1572, Charles IX confirmait du Fouilloux dans ses fonctions (Archives de Fontenay), T.II, page 283.

(27) La dernière êdition a été, croyons-nous, publiée à Angers, en 1844. L'exemplaire de cette édition est coté 30 francs à la librairie Cheronnet (Paris 1902).

(28) Un autre Bas-Poitevin, Robert Salnove, né à Luçon vers la fin du xvI· siècle et mort en 1670, écrivit aussi un traité sur la Vénerie.- Il est divisé en quatre parties qui contiennent les chasses du Cerf, du Lièvre, du Chevreuil, du Sanglier, du Loup et du Renard, avec le dénombrement des forêts et grands buissons de France, où se doivent placer les logements, quetes et relais, - M. II. Bourgeois a consacré à Robert Salnove un fort intéressant article dans l'Indépendant Vendéen du 25 mars 1901.

(29) Pour plus de détails, voir Bouillé-Courdault et du Fouilloux, par B. Fillon, et aussi notre ouvrage sur le canton de Maillezais.

 

ÉCLAT DE L'UNIVERSITÉ DE POITIERS

 

Vers 1517, l'Université de Poitiers créée par Charles VII, fut menacée dans son avenir par la création d'un semblable établissement dans la cité d'Angoulême. Mais sur les représentations énergiques de la commune, François Ier retira ses lettres patentes de fondation et donna ainsi gain de cause aux Poitevins dans leur rivalité avec leurs voisins d'Angoulême.

Les temps étaient favorables au développement des Universités : de toutes parts éclataient de nobles et puissantes tentatives d'émancipation intellectuelle...

L'invention de l'imprimerie et la création des universités, voilà les deux événements les plus saillants du XVe siècle ; la science s'échappe du sanctuaire des cloîtres, pénètre dans toutes les classes de la société...

Alors, au sein des cités, dans les parlements, dans les assemblées de l'échevinage, se presse une multitude d'hommes remarquables par leur érudition et leur goût pour les lettres.

L'étude du droit devient dans l'université de Poitiers la science de prédilection. Parmi tous ces jeunes écoliers, qui durant les premières années du XVIe siècle, assistaient aux doctes leçons des professeurs poitevins, plusieurs sont appelés à jouer un rôle immense dans l'avenir, et à faire rejaillir quelques étincelles de leur propre gloire sur la cité dans laquelle se sont écoulées leurs années de labeur et d'études. Tiraqueau, Barnabé Brisson, Rapin, Besly, Julien Collardeau, Cailler, presque tous les juristes et magistrats illustres du XVIe siècle viennent s'y préparer aux luttes de leur orageuse existence.

Nous voudrions pouvoir anticiper en ce moment sur les événements de l'avenir, et rappeler la mémoire de tous ces hommes dont les noms s'associent aux destinées de la science, aux gloires de la Patrie, afin de rehausser l'éclat de l'institution que Charles VII a placée au sein de la capitale de notre province. L'illustration des Universités n'existe que par celle de leurs disciples; et même souvent par une injuste prévention, éblouis que nous sommes par leurs triomphes, nous laissons dans l'oubli les noms des professeurs qui ont formé leur intelligence, cultivé leur esprit, et développé en eux le germe de la science. Ils nous sont presque tous inconnus, ces savants docteurs dont les leçons ont illustré l'enseignement de notre Université ; semblables pour ainsi dire aux augures invisibles de l'antiquité, ils ne se révèlent à nous que par leurs disciples, manifestation glorieuse des mystères de leur érudition.

Cependant le souvenir de quelques-uns d'entre eux s'est perpétué jusqu'à nous à travers les siècles, et nous avons hâte de raviver la mémoire de ces hommes qui se sont dévoués dès les premiers temps au culte de la science et des lettres. Parmi eux brille au premier rang, Pierre Garnier, né à Luçon, « le plus savant homme de son temps (1) et qui se fit beaucoup de réputation dans la profession du droit civil. Il réunissait tous les talents d'un professeur ; son esprit était vif, son geste agréable, sa voix sonore. Personne ne se tirait avec plus d'adresse de l'embarras où jette quelquefois la contradiction réelle ou apparente des textes du droit. Il illustra le Poitou, sa patrie, et toute la France. L'auteur des additions aux écrivains ecclésiastiques de Tri thème va jusqu'à lui donner les noms de Solon et de Lycurgue. »

Plus tard, dans les commencements du XVIe siècle, Élie Reynier occupa dignement la chaire que la mort de ce dernier avait laissée vacante : « C'était un jurisconsulte célèbre et un homme aussi profond dans l'intelligence de l'écriture sainte que dans les sciences profanes. Il avait l'esprit vif et parlait avec éloquence et facilité. Il professa longtemps avec distinction le droit dans l'Université de Poitiers. On a de lui quelques ouvrages excellents. » Tels étaient les hommes dont les laborieuses études répandaient parmi les habitants de notre province l'amour pour la science et pour les lettres, propageant de la sorte les germes de la civilisation moderne.

C'est ainsi que l'ensemble du XVe siècle nous a apparu sous toutes ses faces, dans tous ses incidents. Le peuple, la noblesse, l'Église, l'Université, nous ont initiés aux mystères de leurs propres destinées. Ne pouvant rallier dans une synthèse chronologique des événements isolés, indépendants les uns des autres, nous avons été contraints à les diviser, à les morceler et à métamorphoser en épisodes les éléments de l'histoire générale... (2)

 

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NOTES:

(1) Dreux-Duradier.

(2) Guérinière, T. II, page 233.

 

 

 

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